Alors que le sommet « Nutrition pour la Croissance » s’ouvre ce jeudi 27 mars 2025 à Paris en France, un « Village des Solutions » a accueilli le public mercredi 26 mars 2025 pour sensibiliser aux enjeux critiques de la malnutrition et explorer les solutions possibles, notamment en Afrique. Dans un contexte mondial marqué par la baisse des financements, les acteurs locaux continuent de se mobiliser pour un changement durable.
À l’entrée du Village des Solutions, une voix robotique accueille les visiteurs — une manière ludique mais frappante de souligner une réalité difficile : chaque année, trois millions d’enfants meurent de malnutrition. Benjamin des Gachons, de la fondation Eleanor Crook, a souligné le paradoxe : « Nous investissons des milliards dans l’intelligence artificielle, nous pouvons dialoguer avec des robots, mais nous ne parvenons toujours pas à mettre fin à la malnutrition. Nous voulons mettre en lumière ce paradoxe », a-t-il déclaré.
Une urgence particulière en Afrique subsaharienne
Cette situation est particulièrement critique en Afrique subsaharienne. Au Burkina Faso, près de 10 % des enfants souffrent de malnutrition aiguë, explique Dieudonné Lankoandé, coordinateur national du réseau Resonut. Au Mali, les mauvaises habitudes alimentaires aggravent le problème. Pour Issouf Traoré, du Réseau des organisations de la société civile pour le renforcement de la nutrition, la solution réside dans un retour aux fondamentaux.
« Quand nous étions enfants, chez nos grands-mères, il y avait toujours des repas à base d’arachides, de miel et de mil. Aujourd’hui, ces recettes disparaissent. Et on constate que la malnutrition augmente. Ces aliments traditionnels étaient probablement riches en micronutriments », a-t-il observé.
Pour ces acteurs africains, la solution est également culturelle : réconcilier modernité et traditions pour construire un système nutritionnel durable, adapté aux besoins de chacun.
Des solutions existent face à la malnutrition
« C’est dans les 1 000 premiers jours, de la grossesse aux deux ans de l’enfant, que tout se joue. Un bon développement nutritionnel durant cette période assure un meilleur avenir cognitif, éducatif et économique », a certifié Baptiste Chapuis, de l’Unicef France.
La malnutrition touche principalement les enfants de moins de cinq ans, particulièrement en Afrique. Pour Thani Mohamed Soilihi, ministre délégué à la Francophonie, l’urgence est claire. « En matière de malnutrition, chaque euro investi génère un retour de 23 euros en bénéfices attendus. Il faut que le maximum d’engagements soit pris à l’issue de ce sommet », a-t-il insisté. Cet appel a été repris par la société civile. Joseph Gausi, du Malawi, a souligné un manque criant de ressources. « Moins de 1 % du budget annuel est actuellement consacré à la nutrition, alors que notre gouvernement s’est engagé à en allouer au moins 5 % », a-t-il observé.
La situation est particulièrement grave au Soudan du Sud. Au cours des deux dernières années, près de 9 millions de personnes ont eu besoin d’une aide humanitaire et près de 1,5 million d’enfants ont été sévèrement malnutris. « Nous voulons que ce nombre diminue. Nous attendons que nos autorités prennent des mesures concrètes en matière de nutrition », a déclaré un représentant.
Des pays comme Madagascar tentent d’innover en enrichissant le riz, aliment de base, avec des légumineuses et des légumes sans modifier les habitudes alimentaires. Cependant, le climat international refroidit les espoirs. Les financements américains cessent et les budgets se resserrent.
Lors du sommet de Tokyo en 2023, 27 milliards de dollars avaient été mobilisés. Cette année, cependant, les ambitions risquent de se heurter à des limites. La société civile exige des actions concrètes.
La France souhaite donner une dimension politique à l’événement
Ce sommet réunira des dirigeants politiques du monde entier, des banques de développement, des ONG et la société civile pour faire progresser la lutte contre la faim. Aujourd’hui, un enfant sur quatre de moins de cinq ans souffre de malnutrition, ce qui en fait la principale cause de mortalité infantile.
Ce rendez-vous, qui a lieu tous les quatre ans, est traditionnellement organisé par le pays ayant récemment accueilli les Jeux Olympiques. Cette année, la France, qui accueille une centaine d’acteurs, dont 75 délégations étatiques, souhaite avant tout donner une dimension politique à l’événement.
Cependant, les États-Unis sont notablement absents, et le contexte général est complexe : baisse de l’aide au développement, multiplication des conflits et redirection des budgets vers le secteur de la défense. Le défi pour ce sommet sera d’engager et de coordonner plus efficacement le secteur privé, la philanthropie et les organisations internationales. Parmi les objectifs, le sommet souhaite démontrer qu’investir dans une alimentation saine et durable est un investissement rentable.
La Banque mondiale a souligné que pour chaque euro investi dans la nutrition, le retour économique est de 23 euros. Des enfants bien nourris ont 33 % de chances d’échapper à la pauvreté à l’âge adulte.
Le coût de l’inaction
L’inaction a également un coût lourd : 41 000 milliards de dollars dans la prochaine décennie, dont la moitié à cause de la dénutrition et l’autre moitié à cause de l’obésité. Les statistiques suggèrent que bientôt, la moitié de la population souffrira d’obésité. Le besoin de nouveaux modèles agricoles sera également un sujet clé de discussion. Le changement climatique a un impact considérable. Une hausse de seulement deux degrés pourrait entraîner la faim pour 189 millions de personnes supplémentaires. Le sommet cherchera également à rappeler aux États leurs responsabilités face à cette question cruciale.
Moctar FICOU / VivAfrik
