Le Centre de recherche et d’actions sur les droits économiques, sociaux et culturels (CRADESC) a organisé, jeudi 20 mars 2025 à Dakar, une rencontre informative regroupant des parlementaires de la Commission du développement durable et de la transition écologique, des représentants des communautés locales affectées, les responsables du CRADESC ainsi que les membres de l’Initiative nationale des journalistes contre le plomb afin de promouvoir la transparence et assurer la protection de la santé publique. Cette réunion visait à souligner les irrégularités liées à l’autorisation d’ouverture de l’usine de recyclage de plomb de Ndiakhate (EMP/Suarl Ex GANESHA) ainsi que la récente mise en demeure adressée à l’usine par le Ministère de l’Environnement, de la Transition écologique (METE) face aux risques environnementaux et sanitaires associés aux activités de cette usine.
La cérémonie d’ouverture a été dirigée par l’honorable député Amy Ndiaye, présidente de la Commission du développement durable et de la transition écologique qui est d’avis que « les parlementaires ne pouvaient rester indifférents à la souffrance des communautés de Ndiakhate ».
En effet, les populations riveraines se retrouvent confrontées à une grave problématique de pollution, en particulier celle liée au recyclage du plomb dans le village de Ndiakhate, situé dans la commune de Keur Moussa, dans les Niayes.
Depuis son implantation en 2019, l’usine a suscité de vives inquiétudes. En effet, malgré les normes strictes imposées par la législation sénégalaise en matière de gestion des déchets et de recyclage, les habitants des villages alentours signalent des risques sanitaires considérables liés à l’exposition au plomb, une substance hautement toxique. Plusieurs études ont déjà mis en lumière les dangers que représente ce type d’usine pour les populations locales.
Les risques liés à la pollution par le plomb à Ndiakhate
L’exposition au plomb peut entraîner des maladies graves, notamment des troubles neurologiques. Le Sénégal a déjà connu une tragédie sanitaire en 2007-2008 dans le quartier de Ngagne Diaw à Thiaroye-sur-Mer, où une épidémie de contamination au plomb a causé la mort de 18 enfants. Cette tragédie a incité l’État à durcir la réglementation des usines de recyclage de plomb, avec l’adoption du décret n° 2010-1281 du 16 septembre 2010, afin de limiter les risques liés à cette activité. Cependant, malgré cette législation stricte, la situation à Ndiakhate reste préoccupante.
Selon la Dr Fatima Diallo, directrice du CRADESC, les irrégularités dans l’autorisation d’ouverture de l’usine de recyclage de plomb sont flagrantes. Elle a exprimé sa satisfaction quant à l’implication des parlementaires dans ce dossier sensible. « Nous nous félicitons de la démarche engagée par les membres de la commission du développement durable et de la transition écologique de l’Assemblée nationale. La visite de terrain auprès de l’usine a permis de constater, de manière concrète, les irrégularités dans l’autorisation d’ouverture ainsi que les violations répétées des règles environnementales. » A l’en croire, cette visite a permis de mettre en évidence des violations des distances réglementaires, notamment l’absence de respect de la distance minimale de 500 mètres entre l’usine et les habitations.
L’impact sur les populations locales et les actions des collectifs
Les conséquences de cette pollution sont dramatiques pour les populations locales. Mamadou Leye, coordonnateur du collectif des impactés de Ndiakhate, a témoigné des souffrances quotidiennes des habitants. « Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur les conséquences dramatiques de l’implantation de cette usine. Les femmes de notre communauté subissent un nombre inquiétant de fausses couches, les enfants tombent malades et, dans certains cas, ne survivent pas aux affections qui en découlent. La contamination de nos terres, qui rend impossible la culture des champs, s’ajoute à notre désarroi. » Les terres agricoles de la région sont désormais contaminées, rendant la production maraîchère et agricole difficile, voire impossible. Cette situation aggrave les conditions de vie des familles locales.
Les actions des collectifs, notamment du Cadre de concertation et de développement des Niayes (CCDN) et du CRADESC, ont permis d’attirer l’attention des autorités sur la gravité de la situation. Amy Ndiaye, présidente de la Commission du développement durable et de la transition écologique de l’Assemblée nationale, a exprimé son inquiétude après la visite du site. « Nous avons visité l’usine EMP Suarl à la demande du directeur général, et malgré les affirmations des responsables quant au respect des normes environnementales, notre constat sur le terrain est préoccupant. Nous avons pu recueillir les témoignages des travailleurs ainsi que ceux des riverains et il apparaît clairement que les distances réglementaires, notamment la distance minimale de 500 mètres entre l’usine et les habitations, n’ont pas été respectées. »
Poursuivant son allocution, elle a ajouté que « nous attendons avec impatience de rencontrer le ministre pour examiner le rapport d’étude de ses services, qui, nous l’espérons, confirmera la menace que représente cette installation pour la santé publique et l’environnement. »
La réunion d’information avec les parlementaires : un espoir pour une solution durable
Face à cette situation, les parlementaires sénégalais, en particulier ceux de la 15ème législature, ont montré un intérêt accru pour les questions environnementales et sanitaires liées à cette usine. Cette mobilisation a donné lieu à une réunion d’information avec les parlementaires de la Commission du développement durable et de la transition écologique. Cette rencontre a permis de discuter des irrégularités dans l’autorisation d’ouverture de l’usine, des violations répétées des règles environnementales et des risques sanitaires encourus par la population.
Dr Fatima Diallo a souligné l’importance de cette réunion pour informer les parlementaires. « Il est crucial que les parlementaires soient bien informés pour qu’ils puissent soutenir les décisions du gouvernement, notamment celles du ministère de l’Environnement et de la Transition écologique, afin de trouver une solution durable à cette situation. » Cette rencontre vise à sensibiliser les législateurs aux dangers potentiels de l’usine et à la nécessité de renforcer les contrôles pour prévenir des catastrophes sanitaires futures.
En parallèle, les autorités sénégalaises semblent disposées à envisager des solutions, y compris la délocalisation de l’usine. En effet, lors d’une audience accordée au collectif des agriculteurs par le ministre de l’Environnement et de la Transition écologique, celui-ci s’est montré favorable à cette option.
Vers un avenir plus sûr pour Ndiakhate
Cette réunion a marqué une étape importante pour le Sénégal dans la gestion de ses ressources naturelles et de ses déchets industriels. En réunissant les parlementaires, les autorités administratives et les représentants des communautés locales, cette réunion avait pour objectif de trouver des solutions viables pour protéger les populations et leur environnement tout en respectant les engagements internationaux du pays en matière de développement durable.
Les parlementaires, armés de leurs pouvoirs constitutionnels de législateur et de contrôleur de l’exécutif, ont la capacité de contribuer à une gestion plus responsable des ressources, garantissant ainsi la sécurité sanitaire et environnementale des sénégalais tout en permettant un développement économique durable.
Moctar FICOU / VivAfrik