La Banque africaine de développement (BAD) et le cabinet d’audit et de conseil KPMG Afrique du Sud ont dévoilé un rapport pionnier qui propose une solution financière innovante visant à atténuer les risques de change, un obstacle majeur à la réalisation de projets d’infrastructures énergétiques durables en Afrique. Ce modèle financier est conçu pour exploiter les vastes ressources minérales du continent africain afin de soutenir la transition énergétique mondiale.
Le rapport, intitulé « New Mechanism for Mitigating Currency Risk to Support Africa’s Energy Transition » (Nouveau mécanisme d’atténuation du risque de change pour soutenir la transition énergétique de l’Afrique), a été présenté lors du Sommet africain de l’énergie, qui se déroule cette semaine à Dar es Salaam, en Tanzanie. Ce sommet rassemble des chefs d’État, des gouvernements africains, des institutions financières multilatérales, des acteurs privés, des partenaires de développement, des décideurs politiques, ainsi que des représentants de la société civile pour explorer des solutions aux défis énergétiques de l’Afrique.
L’un des obstacles majeurs à la réalisation des projets d’énergie propre en Afrique est la volatilité des devises étrangères et les risques liés à la convertibilité. Le rapport de la BAD et de KPMG propose une réponse innovante : la création d’une « devise non circulante », qui serait adossée à un panier diversifié de matières premières critiques extraites du sol africain. Cette nouvelle monnaie pourrait réduire la dépendance aux financements libellés en dollars ou en euros, tout en garantissant des niveaux de stabilité des taux de change absents dans les devises locales des pays africains participants.
L’objectif est d’ouvrir la voie à des financements plus accessibles et stables pour les projets d’énergie renouvelable en Afrique. En concentrant les ressources minérales dans cette devise non circulante, l’Afrique pourrait se libérer des fluctuations des marchés mondiaux et attirer davantage d’investissements dans le secteur des énergies renouvelables.
Le rôle central de l’Afrique dans la transition énergétique mondiale
Le rapport met en lumière l’importance stratégique de l’Afrique dans la transition énergétique mondiale, soulignant que le continent détient environ un tiers des ressources minérales critiques nécessaires pour cette transition. Parmi ces ressources figurent le lithium, le cobalt, le nickel et d’autres minerais essentiels pour la production de batteries et d’autres technologies énergétiques de demain.
Pour Auguste Claude-Nguetsop, associé et responsable des services financiers chez KPMG Afrique australe, « la demande de minéraux critiques va continuer de croître de manière exponentielle au cours des 30 prochaines années. Il est crucial de reconnaître le rôle fondamental que l’Afrique joue dans cette transition énergétique mondiale. Pour libérer ce potentiel, des mécanismes financiers innovants sont indispensables pour répondre aux risques de change et de convertibilité. Cela contribuera à attirer des investissements à moindre coût et à stimuler le développement des infrastructures énergétiques. »
Réduction des coûts du capital et augmentation de l’intégration régionale
Le rapport souligne que le déploiement efficace de ce modèle financier pourrait avoir des effets significatifs sur le coût du capital pour les projets d’énergie propre. En garantissant un cadre plus stable et en facilitant la coopération transfrontalière, il permettrait de surmonter certains des obstacles financiers majeurs qui freinent l’intégration énergétique du continent. Cela renforcerait également la position de négociation de l’Afrique sur les marchés mondiaux des ressources naturelles.
Le rapport indique que cette solution pourrait réduire de manière substantielle le déficit de financement de 400 milliards de dollars par an auquel l’Afrique est confrontée, tout en contribuant à la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD) et à assurer la sécurité énergétique et la prospérité économique à long terme.
Un modèle de financement pour un avenir énergétique durable
Pour Wale Shonibare, directeur des solutions financières et de la régulation énergétique à la Banque africaine de développement, « l’avenir de l’énergie verte en Afrique repose sur la mise en place de solutions financières novatrices qui permettront au continent d’exploiter ses richesses minérales naturelles ». Il ajoute : « le mécanisme de convertibilité des devises proposé jouera un rôle déterminant dans la stabilisation des flux d’investissement et l’accélération du développement durable ».
En conclusion, le rapport présente les avantages de ce nouveau mécanisme pour les prêteurs comme pour les emprunteurs et esquisse les prochaines étapes nécessaires à sa mise en œuvre à grande échelle. Selon Frank Blackmore, économiste en chef chez KPMG Afrique du Sud, « l’impact économique de l’exploitation des richesses minérales critiques de l’Afrique pourrait être considérable. En réduisant les contraintes financières et en atténuant les risques de change, ce mécanisme ouvrira la voie à de nouvelles opportunités économiques, renforcera l’industrialisation et stimulera une croissance durable à l’échelle du continent. »
Moctar FICOU / VivAfrik