L’Afrique fait face à un défi démographique sans précédent qui pourrait compromettre son avenir économique et social, selon Jakkie Cilliers, président de l’Institut des études de sécurité (ISS), un centre de recherche panafricain reconnu. Spécialiste des questions de développement en Afrique, Cilliers met en garde contre les conséquences de la croissance rapide de la population sur la stabilité économique et sociale du continent. Pour lui, l’avenir de l’Afrique dépend largement de la manière dont elle répond à ses défis démographiques, en particulier dans les domaines de l’agriculture, de l’éducation et de la gouvernance.
La croissance démographique : un piège pour l’Afrique ?
La population africaine ne cesse d’augmenter à un rythme rapide. Selon les prévisions de l’ONU, l’Afrique devrait connaître une explosion démographique dans les prochaines décennies, avec une population estimée à 2,5 milliards d’ici à 2050. Ce phénomène, bien qu’il présente des opportunités, peut aussi devenir un fardeau si les investissements nécessaires dans les infrastructures, l’éducation et l’agriculture ne suivent pas. Jakkie Cilliers est catégorique : « l’essor démographique sans un changement radical dans la manière dont nous investissons dans l’agriculture et la formation risque de condamner l’Afrique à la pauvreté ».
Le président de l’ISS insiste sur le fait que la croissance démographique, si elle n’est pas accompagnée d’une croissance parallèle des investissements dans les secteurs clés, pourrait entraîner des tensions sociales et politiques, exacerbées par un manque de travail et de ressources. L’urbanisation rapide et le manque de création d’emplois dans les zones rurales pourraient également engendrer des migrations massives vers les villes, aggravant ainsi les problèmes de pauvreté et de sous-développement.
Investir dans l’agriculture : une condition sine qua non pour l’autosuffisance alimentaire
L’un des points centraux de l’analyse de Cilliers concerne l’agriculture, secteur vital pour le développement économique de l’Afrique. Selon lui, l’autosuffisance alimentaire est une condition sine qua non pour réduire la pauvreté et garantir la stabilité sociale. « L’Afrique doit se concentrer sur la transformation de ses systèmes agricoles. C’est un secteur où des investissements massifs sont nécessaires pour garantir une alimentation suffisante, durable et nutritive à une population en forte croissance », explique-t-il.
Actuellement, l’agriculture africaine reste largement sous-développée, avec une productivité faible et des chaînes d’approvisionnement mal intégrées. L’Afrique importe encore une grande partie de ses besoins alimentaires, ce qui la rend vulnérable aux fluctuations des marchés mondiaux. Pour Cilliers, les solutions résident dans l’innovation technologique, la formation des agriculteurs, ainsi que dans une meilleure gestion des ressources naturelles. Il plaide également pour un renforcement de la recherche agricole, afin de développer des variétés de cultures résistantes aux conditions climatiques extrêmes.
La formation : un levier essentiel pour relever les défis du développement
Au-delà de l’agriculture, Cilliers évoque également la question de la formation comme un levier essentiel pour préparer les générations futures aux défis du 21ème siècle. L’éducation et la formation professionnelle sont des facteurs clés pour permettre aux jeunes Africains d’acquérir les compétences nécessaires pour accéder aux emplois de demain. Cilliers appelle à une réforme urgente des systèmes éducatifs, afin de les adapter aux besoins du marché du travail et aux défis technologiques. « Les investissements dans l’éducation et la formation sont indispensables pour exploiter le potentiel de la jeunesse africaine, qui représente une part importante de la population du continent », affirme-t-il.
Pour que l’Afrique devienne un acteur majeur de l’économie mondiale, il est crucial de garantir à sa population un accès à une éducation de qualité, mais aussi à des opportunités de formation adaptées à l’évolution rapide des secteurs technologiques et industriels. Selon Cilliers, un focus particulier doit être mis sur les domaines de l’agriculture, de l’innovation technologique, ainsi que des industries durables.
Les migrations : une réponse aux défis démographiques ?
Enfin, sur la question des migrations, Jakkie Cilliers souligne que l’Afrique doit trouver des solutions locales aux défis démographiques, sans se reposer uniquement sur les migrations comme moyen de répondre à l’augmentation de la population. Si les migrations sont une réponse naturelle à la pression démographique, elles ne doivent pas devenir un exode incontrôlé. « L’Afrique doit créer des conditions de vie durables qui permettent à sa population de prospérer sur le continent plutôt que de chercher des solutions à l’extérieur », conclut-il.
Un appel à l’action pour un avenir africain prospère
En somme, Jakkie Cilliers appelle à une action décisive et collective pour accompagner le développement de l’Afrique. Selon lui, il est impératif que les gouvernements africains, les institutions internationales et le secteur privé augmentent les investissements dans l’agriculture, l’éducation et la formation, afin de préparer l’Afrique à ses défis démographiques. « Si nous ne passons pas à la vitesse supérieure en matière d’investissements et de réformes structurelles, l’Afrique risque de rester coincée dans un cycle de pauvreté et d’instabilité », avertit Cilliers.
L’avenir de l’Afrique repose sur sa capacité à relever ces défis de manière cohérente et stratégique, en transformant son potentiel démographique en un véritable moteur de développement durable.
Moctar FICOU / VivAfrik