Pollution à Ndiakhate (Sénégal) : Les villages de Pout et Keur Moussa dénoncent la reprise de l’usine de recyclage de plomb et ses impacts sur la santé et l’agriculture

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Les populations des villages rattachés aux communes de Pout et Keur Moussa, situées dans le département de Thiès, ont exprimé leur mécontentement face à la reprise des activités de l’usine de recyclage de plomb installée à Ndiakhate. Dimanche 12 janvier 2025, des habitants de la zone se sont réunis dans le village de Palal pour dénoncer les effets néfastes de cette usine sur leur environnement et leur santé. Ils ont déploré que la reprise de l’usine annule de nombreuses avancées obtenues depuis le début de leur lutte pour la délocalisation de cette unité industrielle, entre 2020 et 2022.

Le collectif de lutte contre la pollution générée par l’usine, coordonné par Mamadou Lèye, a rappelé qu’une rencontre avait eu lieu en octobre 2024 avec le ministre de l’Environnement pour discuter des problèmes liés à cette usine. Lors de cette rencontre, les membres du collectif avaient exposé les risques environnementaux et sanitaires posés par l’usine de recyclage de plomb. Cependant, deux semaines après cette rencontre, l’usine a repris ses activités, exacerbant la souffrance des habitants qui subissent des impacts négatifs depuis l’implantation de l’usine à Ndiakhate.

Impact sur la santé : une augmentation de maladies graves

Les populations locales dénoncent une hausse alarmante de maladies qui étaient absentes de la zone avant l’installation de l’usine. Parmi ces maladies figurent l’asthme, la sinusite, des avortements spontanés et d’autres pathologies graves, selon le coordonnateur du collectif, Mamadou Lèye. Les habitants de la région affirment que ces problèmes de santé sont directement liés aux émissions de l’usine.

Le coordonnateur a également signalé une diminution importante des rendements agricoles dans les zones proches de l’usine, ainsi que la nécessité pour certains agriculteurs de quitter leurs terres situées à proximité de l’usine. Ceux qui ont persévéré dans la culture ont dû faire face à une « baisse drastique » de leurs récoltes. Les agriculteurs déplorent également que certains d’entre eux aient été contraints d’abandonner leurs champs en raison de la pollution. « Nous traversons d’énormes difficultés à cause de cette usine de plomb », a expliqué Mamadou Lèye.

Réactions des autorités et contradictions sur la dérogation

En 2023, le ministre de l’Environnement de l’époque, Alioune Ndoye, avait adressé une mise en demeure à l’usine de recyclage après une inspection technique qui avait confirmé la pollution dans les communes de Pout et Keur Moussa. Cependant, quelques mois plus tard, le gouvernement a accordé à l’usine une dérogation de trois mois, qu’il justifiait par la nécessité de permettre à l’usine d’épuiser ses stocks de batteries. Cette décision a choqué les populations locales, qui s’attendaient à une solution pérenne pour arrêter l’activité de l’usine. Mamadou Lèye a regretté cette dérogation, soulignant que la communauté ne souhaitait qu’une chose : la délocalisation définitive de l’usine.

Réponse de l’usine et études de pollution : une situation complexe

En mai 2023, des responsables de l’usine, accompagnés d’un consultant indépendant, ont organisé une visite pour les journalistes afin de répondre aux accusations de pollution. Le consultant, Serigne Abdou Lahad Yade, a présenté des résultats d’études qui, selon lui, montraient que les niveaux de plomb dans l’air et sur le sol, mesurés autour de l’usine, étaient largement en-dessous des seuils autorisés. Il a également précisé que les prélèvements avaient été réalisés par un laboratoire de l’Institut de technologie nucléaire appliquée (ITNA) de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, avec la possibilité d’une contre-expertise indépendante.

Selon le consultant, l’usine avait installé des filtres électrostatiques permettant de retenir jusqu’à 99% des particules de plomb émises par la cheminée, ce qui explique les faibles niveaux de pollution mesurés dans l’air ambiant. Toutefois, il a reconnu que l’air environnant était fortement chargé en poussières d’argile en raison de la proximité d’une cimenterie, ce qui pourrait également affecter la qualité de l’air. Le consultant a conclu que les accusations de pollution de l’usine étaient exagérées, mais a recommandé des mesures de protection pour le personnel, telles que des masques à gaz et des lunettes de protection.

La situation reste incertaine

Bien que l’étude menée par l’usine semble indiquer un contrôle de la pollution, les habitants de la zone continuent de vivre dans l’incertitude et le mécontentement. Mamadou Lèye et les populations de Pout et Keur Moussa insistent sur la nécessité de fermer ou de déplacer l’usine pour éviter de nouveaux risques sanitaires et environnementaux. Selon eux, la priorité est de garantir un cadre de vie sain et de permettre aux habitants de mener leurs activités économiques sans entrave.

Moctar FICOU / VivAfrik

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