Tunisie : Les femmes berbechas, collectrices de plastique en lutte dans l’économie informelle

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En Tunisie, on estime à environ 8 000 le nombre de personnes, surnommées « berbechas », qui collectent les déchets plastiques. Parmi elles, une part importante sont des femmes, exposées à divers risques sanitaires et de sécurité dans ce secteur informel et mal régulé. En l’absence de système de tri des déchets, les emplois dans la collecte et le recyclage du plastique restent largement non encadrés. Notre correspondante à Tunis a suivi le quotidien de l’une de ces femmes pour comprendre les difficultés qu’elles rencontrent.

Le combat quotidien de Basma Lamliki

Basma Lamliki, une femme de 53 ans originaire d’Ariana, en Tunisie, entame chaque jour ses tournées avec une poussette de fortune. Sa routine consiste à collecter des bouteilles plastiques vides et du pain rassis, tant dans les poubelles que chez les habitants. Les bouteilles plastiques sont vendues dans des centres de recyclage, tandis que le pain est revendu aux agriculteurs pour leur bétail.

« Aujourd’hui, je vais rendre visite à une femme que je connais depuis des années. Elle me prépare habituellement les bouteilles chaque vendredi », explique Basma. « Je fais toujours les poubelles aussi, car ça permet de compléter ce que j’obtiens directement, surtout si quelqu’un est absent et que je n’ai pas trouvé assez de bouteilles pendant ma tournée. »

Basma exerce ce métier depuis 30 ans dans le quartier de l’Ariana à Tunis. « Bonjour Basma, tu as des bouteilles plastiques pour moi ? » lui demande-t-on. Son travail est crucial, car sa famille dépend de ses revenus. Sa mère et son frère sont malades et comptent sur elle financièrement.

« Quand j’avais la vingtaine, nous n’avions pas assez d’argent à la maison », se souvient Basma. « Je ne trouvais pas de travail, alors un jour, j’ai pris le chariot qu’on utilisait pour la bonbonne de gaz et j’ai commencé à demander aux gens du quartier s’ils avaient du pain rassis ou des bouteilles vides. Je savais que je pouvais les vendre. »

La dure réalité de la collecte de plastique

Basma compresse manuellement les bouteilles collectées pour en réduire la taille, faisant tout à mains nues, sans gants ni protection. Une fois sa tournée terminée, elle se rend au dépôt pour vendre son sac de plastique.

« Allez Karim, dépêche-toi de peser mon lot d’abord car je dois partir. N’oublie pas de me rendre mon sac. Voilà, ça pèse six kilos. Le prix est d’un dinar le kilo, donc j’ai gagné six dinars aujourd’hui », précise-t-elle.

Six dinars, soit environ deux euros, suffisent à peine pour nourrir sa famille pour la journée. Cette situation précaire a été mise en lumière par Maha Bergaoui, l’auteure d’une étude sur les femmes berbechas pour l’Union nationale de la femme tunisienne.

« Notre étude a révélé qu’une femme sur cinq dans ce secteur n’a pas de carnet de soins, ce qui signifie qu’elle ne peut pas accéder aux soins médicaux gratuits. Malheureusement, les femmes qui devraient être à la retraite continuent à travailler », a-t-elle détaillé.

Réalisée en juillet 2024, l’étude a interviewé 116 femmes et fait partie des premières en Tunisie à dévoiler les conditions difficiles dans lesquelles elles travaillent. « Cette étude est seulement le début d’une recherche-action visant à mettre en lumière la vulnérabilité de ces femmes. L’objectif est de plaider pour leurs besoins et de pousser à des changements de politiques publiques », a expliqué Bergaoui.

Absence de protection sociale et de couverture santé

La grande majorité de ces femmes travaille sans aucune forme de protection sociale, ce qui les expose à des risques sanitaires et à l’instabilité économique. Par conséquent, les berbechas continuent à lutter chaque jour, naviguant dans un secteur non régulé qui les maintient dans la pauvreté, tout en contribuant à la gestion des déchets en l’absence de systèmes officiels.

Moctar FICOU / VivAfrik

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