Sénégal : Le projet FAO-ANA révolutionne l’ostréiculture locale de Thiobon avec l’amélioration des normes sanitaires

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Le village de Thiobon, situé dans le département de Bignona, constitue un point de départ stratégique vers diverses localités de la région de Ziguinchor, traversées par les bolongs du fleuve Casamance. Ce lieu est vital pour le transport de personnes et de marchandises, principalement via les pirogues. C’est de là que partent les femmes du Groupement d’intérêt économique (GIE) Karonguène Soul, spécialisé dans l’élevage d’huîtres, pour se rendre dans leurs champs ostréicoles situés dans l’Aire marine protégée (AMP) de Kaalolaal Blouf-Fogny.

Création de l’AMP Kaalolaal Blouf-Fogny : un écosystème unique

L’Aire marine protégée (AMP) de Kaalolaal Blouf-Fogny a été officialisée par décret le 27 mai 2020. Elle couvre une superficie de 83 854 hectares et inclut les communes de Diouloulou, Kataba 1, Djinacky, Mlomp, Thionck Essyl, Diégoune, Kartiack, Suel et Djibidione. Cet espace se caractérise par un écosystème riche, composé d’une mangrove, de vasières, de forêts continentales et littorales, ainsi que de petits estuaires. Ce sont des ressources naturelles d’une grande valeur pour les communautés locales, notamment pour l’ostréiculture.

Le projet SPS : une avancée pour l’ostréiculture durable

À Thiobon, l’industrie ostréicole connaît une transformation grâce au projet « Renforcement de la filière coquillage au Sénégal à travers la mise aux normes sanitaires et phytosanitaires (SPS) ». Ce projet, soutenu par la FAO et le gouvernement du Sénégal, avec l’appui des Fonds pour l’application des normes et le développement du commerce (STDF) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), vise à améliorer la sécurité sanitaire des coquillages pour les rendre aptes à l’exportation tout en garantissant leur qualité.

Depuis janvier 2024, des prélèvements mensuels sont effectués sur 50 sites de production dans les régions de Saint-Louis, Louga, Thiès, Fatick, Kaolack, Kolda, Sédhiou et Ziguinchor. L’objectif est d’assurer que les coquillages produits respectent des normes sanitaires strictes, permettant ainsi leur exportation vers les marchés internationaux. Ce projet a permis aux femmes de Thiobon de moderniser leur pratique de l’ostréiculture, combinant techniques traditionnelles et innovantes.

L’ostréiculture moderne : un partenariat entre l’ANA et la FAO

Le partenariat entre l’Agence nationale de l’aquaculture (ANA) et la FAO a permis d’introduire des techniques modernes d’élevage des huîtres. Le champ ostréicole du GIE Karonguène Soul utilise des guirlandes, des fils tendus entre des branches d’eucalyptus soutenus par des pieux plantés près de la mangrove. Ces guirlandes servent à capturer les larves d’huîtres, qui peuvent ensuite être transférées dans des pochons pour une croissance supplémentaire. Ce système permet de récolter les huîtres de manière plus durable, sans nuire à l’écosystème local.

Les femmes et l’ostréiculture : un changement de paradigme

Le GIE Karonguène Soul, dirigé par Arabiatou Diémé, regroupe plus de 100 membres, principalement des femmes. Grâce au soutien de la FAO, ces femmes ont appris des techniques avancées de transformation et de conservation des huîtres. Aïssata Diédhiou, vice-présidente du GIE, explique qu’avant, nous séchions les huîtres, mais maintenant nous les bouillons et les mettons en bocaux pour mieux les conserver et les vendre ». La transition vers l’élevage d’huîtres a été progressive, et cette saison, les résultats sont prometteurs. Les femmes plaident maintenant pour un meilleur accès aux marchés et pour l’acquisition de pirogues et de matériel nécessaire à la professionnalisation de leur activité.

Un modèle d’ostréiculture durable et respectueux de l’environnement

Ousmane Coly, président du comité de gestion de l’AMP de Kaalolaal Blouf-Fogny et membre du GIE Karonguène Soul, souligne l’importance de la transition vers l’ostréiculture moderne. Auparavant, les femmes de Thiobon utilisaient des outils rudimentaires, comme des coupe-coupes, pour détacher les huîtres des racines des mangroves. Cette méthode endommageait les racines et menaçait la biodiversité. Aujourd’hui, grâce à l’appui de l’État et de l’ANA, l’exploitation est plus respectueuse de l’environnement, avec une meilleure gestion des ressources.

La FAO, déjà présente avant la création de l’AMP, a fourni un cadre de travail pour la gestion rationnelle de la ressource ostréicole. Ce partenariat a permis de passer d’une production locale destinée à la consommation interne à une activité commerciale capable de viser des marchés internationaux. La certification sanitaire des huîtres et l’amélioration des techniques de transformation ouvrent des perspectives prometteuses pour l’exportation.

Le centre de dégorgement et l’optimisation des revenus

La certification des huîtres est une priorité dans le cadre du projet STDF. Cela permettrait d’augmenter la rentabilité de la filière. Aujourd’hui, l’unique centre de dégorgement de la région se situe à Katakalousse, dans la commune de Diémbéring. Cette technique consiste à stocker les huîtres dans des compartiments de purification pour éliminer les impuretés et garantir leur salubrité avant leur mise sur le marché.

Le processus de dégorgement permet de multiplier les revenus des producteurs. Dr Mamadou Ndiaye, Coordonnateur sous-régional du projet à la FAO, explique qu’« avec la certification, nous pouvons vendre les huîtres fraîches à un prix beaucoup plus élevé, multipliant ainsi les revenus des producteurs, dont plus de 80 % sont des femmes ».

Une démarche participative et durable

Le lieutenant Lamine Loum, adjoint du conservateur de l’AMP, souligne que l’exploitation des ressources naturelles de l’AMP est régulée de manière stricte pour garantir leur durabilité. Les communautés locales jouent un rôle central dans la gestion de l’AMP, garantissant une exploitation responsable et respectueuse de l’environnement. Cette démarche participative assure une gestion durable de la ressource ostréicole, bénéfique pour les générations futures.

L’avenir de l’ostréiculture à Thiobon

Le projet de la FAO et de l’ANA à Thiobon marque un tournant dans l’histoire de l’ostréiculture locale. Les techniques modernes et l’amélioration des normes sanitaires ouvrent de nouvelles perspectives économiques pour les femmes du GIE Karonguène Soul et, plus largement, pour les populations de la région. Avec l’exportation des huîtres fraîches et l’amélioration des conditions de travail, le potentiel ostréicole du Sénégal est en passe de devenir un véritable levier de développement durable.

Moctar FICOU / VivAfrik

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