Le secteur des start-up africaines est en plein essor, mais derrière l’enthousiasme et la créativité des entrepreneurs se cachent des défis psychologiques de plus en plus graves. Un rapport récemment publié par Flourish Ventures met en lumière l’ampleur des problèmes de bien-être mental rencontrés par les fondateurs de ces entreprises, avec des statistiques alarmantes : 86 % des fondateurs affirment être confrontés à des difficultés liées à leur santé mentale.
Une enquête révélatrice sur le bien-être des fondateurs de start-up
Le rapport intitulé « Passion and Perseverance : Voices from the African Founder Journey », publié en novembre 2024, s’appuie sur une enquête menée auprès de 169 fondateurs de start-up dans 13 pays africains, dont le Nigeria, l’Égypte, et le Kenya. Il révèle que malgré la passion, la créativité et l’ambition qui caractérisent les fondateurs, leurs parcours sont marqués par un lourd tribut émotionnel et psychologique.
Les problèmes de santé mentale des entrepreneurs : un poids grandissant
Les résultats sont frappants : parmi les fondateurs de start-up qui reconnaissent rencontrer des problèmes de bien-être mental, 60 % souffrent d’anxiété, 58 % sont confrontés à un stress élevé, 52 % font face à un épuisement professionnel (burn-out), et 20 % souffrent de dépression. Ce tableau sombre est accentué par un environnement macroéconomique instable et des difficultés d’accès au financement, qui génèrent une pression constante sur ces entrepreneurs.
Le manque de soutien professionnel et les mécanismes d’adaptation
Bien que la majorité des fondateurs aient conscience de leurs problèmes de bien-être mental, peu se tournent vers des professionnels de la santé mentale. Seulement 14 % des entrepreneurs se disent « très ouverts » à la communication sur leur stress, et encore moins sont prêts à discuter de leurs difficultés avec leurs investisseurs. À titre d’exemple, moins de 2 fondateurs sur 10 se sentent à l’aise de parler de leurs problèmes mentaux avec leurs investisseurs, et seulement 1 sur 10 pense que les investisseurs se soucient vraiment de leur bien-être.
Face à ces défis, la majorité des fondateurs se tournent vers des mécanismes d’adaptation tels que l’exercice physique (59 %), le soutien des proches (49 %), la récupération de sommeil (45 %) et une alimentation saine (42 %). Ces stratégies aident à gérer, mais ne résolvent pas les problèmes sous-jacents de santé mentale.
Le stress lié au financement et à l’environnement macroéconomique
Les principaux facteurs de stress identifiés dans le rapport sont l’accès au financement (59 %), l’inflation et la dépréciation des monnaies (44 %), ainsi que les incertitudes économiques (40 %). Ces difficultés affectent particulièrement les start-up en Afrique, où les entrepreneurs doivent naviguer dans un paysage économique difficile, exacerbant les tensions internes et externes.
Les défis spécifiques des femmes fondatrices
Les femmes entrepreneures font état de facteurs de stress distincts, qui vont au-delà des défis communs aux start-up. Parmi ces facteurs, on note la difficulté de maintenir un équilibre entre vie professionnelle et vie privée (53 %), la peur de l’échec (53 %) et la solitude (44 %). Ces défis, en particulier la gestion de la famille et des entreprises, pèsent lourdement sur leur bien-être mental et physique.
La stigmatisation des soins en santé mentale
Un autre aspect préoccupant de l’enquête est la stigmatisation persistante autour du recours aux professionnels de santé mentale. Bien que 25 % des fondateurs se tournent vers un coach ou un thérapeute, la majorité préfère confier leurs préoccupations à leur famille et leurs amis (81 %), plutôt qu’à leurs pairs ou mentors (42 %). La perception négative persistante à l’égard des soins mentaux empêche de nombreux fondateurs de chercher une aide professionnelle, contribuant ainsi à l’aggravation de leurs problèmes.
La solitude de l’entrepreneur : un facteur de stress majeur
Le rapport indique que 78 % des entrepreneurs qualifient leur rôle de fondateur de « job solitaire ». Beaucoup ont l’impression que le poids de l’entreprise repose uniquement sur leurs épaules, et cette pression devient difficile à gérer lorsqu’ils ne peuvent pas partager leurs préoccupations avec leurs équipes ou partenaires. Cette solitude amplifie le stress et contribue à la détérioration du bien-être mental des fondateurs.
L’appel à un changement de mentalité et de pratiques
Le rapport de Flourish Ventures met en lumière une réalité inquiétante mais souvent ignorée dans l’écosystème des start-up africaines : le bien-être mental des fondateurs est en crise. Il est urgent de changer les mentalités autour de la santé mentale et de promouvoir un environnement où les entrepreneurs peuvent rechercher du soutien sans crainte de stigmatisation. Le renforcement des programmes de soutien psychologique, l’accès à des financements plus inclusifs et la création d’une culture d’ouverture sur les problématiques de santé mentale sont essentiels pour garantir la durabilité des start-up africaines et permettre aux fondateurs de prospérer dans un environnement aussi exigeant.
Moctar FICOU / VivAfrik