L’ONG Ensemble Main dans la Main Niger-Russie (EMMNR) a organisé, le 14 décembre 2024, une conférence internationale d’envergure à Niamey au Niger, consacrée à un sujet vital pour les États membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) : la souveraineté alimentaire. Malgré plus de six décennies d’indépendance, les pays de l’AES restent dépendants des importations alimentaires, avec environ 90 % de leur alimentation de base importée, ce qui engendre des pertes économiques considérables chaque année. En effet, des produits essentiels comme les céréales, les produits laitiers, les fruits et légumes proviennent en grande partie de l’extérieur, fragilisant davantage des économies déjà affectées par des défis sécuritaires et climatiques majeurs.
Le thème de cette rencontre, « Souveraineté alimentaire des pays de l’AES : enjeux, défis et perspectives », met en évidence la nécessité d’une réflexion commune et d’une action concertée pour rompre avec cette dépendance structurelle et repenser les politiques agricoles. L’événement a réuni des experts, des représentants gouvernementaux du Burkina Faso, du Mali et du Niger, ainsi que plus de 250 participants issus de divers secteurs.
Les enjeux de la souveraineté alimentaire au Sahel
Amadou Tidjani Maman, responsable de la communication de l’ONG EMMNR, a souligné l’urgence d’une réflexion approfondie sur la souveraineté alimentaire. Il a rappelé que, malgré des décennies d’indépendance, cette souveraineté reste une quête non réalisée pour les pays de la région : « Après plus de 60 ans d’indépendance, les pays du Sahel n’ont toujours pas atteint une totale souveraineté alimentaire ».
L’ONG EMMNR ambitionne d’apporter des réponses concrètes aux questions suivantes : Pourquoi la situation actuelle persiste-t-elle ? Pourquoi les pays sahéliens n’arrivent-ils toujours pas à nourrir leur population ? Que faut-il changer pour inverser cette tendance ?
Souveraineté alimentaire au Niger : vers un changement de paradigme agricole
Le Dr Abdel Kader Naino Jika, enseignant-chercheur à l’Université Abdou Moumouni de Niamey, a présenté un exposé sur la souveraineté alimentaire au Niger et les défis spécifiques rencontrés. Selon lui, le pays dispose de vastes ressources inexploitées, telles que des nappes phréatiques abondantes et des terres pour la culture de dattiers, mais ces ressources sont mal gérées. Il a également dénoncé la centralisation des financements, soulignant que l’absence de politiques inclusives empêche l’optimisation des projets agricoles. Pour lui, un changement radical de politique est nécessaire : « Il est temps de revoir nos politiques agricoles pour valoriser nos ressources locales et adapter nos approches aux réalités du terrain ».
Stratégies pour la souveraineté alimentaire au Burkina Faso
Fatimata Segda, ingénieure agroalimentaire, a présenté une stratégie en trois volets pour renforcer la souveraineté alimentaire du Burkina Faso. Elle a expliqué que la souveraineté alimentaire passe par une diversification des productions locales, notamment du manioc, de la banane plantain et du lait, tout en investissant dans des systèmes d’irrigation durables. Elle a aussi évoqué l’importance de réguler les importations et de promouvoir les produits locaux à travers des initiatives de labellisation.
Souveraineté alimentaire au Mali : défis, perspectives et stratégies
Le Dr Fatoumata Tounkara, experte malienne en sciences alimentaires, a abordé les défis spécifiques du Mali, notamment la gestion complexe de l’eau et l’accès limité aux ressources pour l’agriculture. Elle a souligné la nécessité de soutenir l’agriculture familiale, d’améliorer les pratiques agricoles et de développer des stratégies d’adaptation au changement climatique. La gestion durable des ressources naturelles et l’intensification des productions agricoles, tout en préservant l’environnement, sont des priorités pour garantir une souveraineté alimentaire résiliente au Mali.
Un avenir agricole durable pour l’AES
La conférence internationale a mis en lumière l’urgence d’adapter les stratégies agricoles pour les pays du Sahel. Les experts ont appelé à valoriser les ressources locales, à diversifier les pratiques agricoles et à renforcer la coopération régionale pour garantir une souveraineté alimentaire durable. La mise en œuvre de politiques adaptées, l’amélioration de la gestion des ressources naturelles et le soutien à l’agriculture durable seront essentiels pour relever les défis alimentaires actuels et garantir un avenir plus résilient et autonome pour les pays de l’AES.
Moctar FICOU / VivAfrik