Quelles sont les conséquences de la déforestation et de la dégradation des forêts tropicales sur les écosystèmes ?

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COMMUNIQUÉ DE PRESSE – Une équipe internationale composée de plusieurs chercheurs et chercheuses du laboratoire AMAP (Botanique et modélisation de l’architecture des plantes et des végétations), sous tutelles de l’université de Montpellier et de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), a enquêté sur les conséquences de la déforestation et de la dégradation des forêts tropicales. Cette étude, publiée dans la revue Nature Ecology & Evolution le 10 décembre 2024, a mis en évidence des espèces « gagnantes » et « perdantes », entrainant l’appauvrissement fonctionnel des écosystèmes forestiers tropicaux.

Domination des espèces « opportunistes »

Ce travail met en évidence un appauvrissement de la diversité dite fonctionnelle causé par la déforestation et la dégradation des habitats, généralisé au travers de 6 importantes régions d’Amazonie et forêts atlantiques. Les résultats montrent que la perte d’habitat à l’échelle du paysage et la dégradation locale des forêts tropicales entraînent des changements d’espèces d’arbres similaires dans différents contextes biogéographiques, climatiques et d’utilisation des terres. « Nous trouvons que ces pressions anthropiques entrainent une domination d’espèces dites opportunistes, qui présentent typiquement une croissance rapide avec une densité de bois faible, une fécondité élevée et une grande capacité de dispersion avec des petites graines consommées par des petits vertébrés mobiles comme les oiseaux ou les chauves-souris », explique Bruno X. Pinho, premier auteur du travail et post-doctorant de l’université de Montpellier au sein de l’UMR AMAP (à présent à l’université de Bern). D’autre part, les auteurs trouvent que d’autres caractéristiques des espèces sous-tendent une vulnérabilité importante face à la fragmentation des paysages comme la production de grosses graines, dont la dispersion dépend d’animaux de grande taille et dont la germination est contrainte physiologiquement.

Risques pour les services écosystémiques essentiels dans les tropiques

« Ces remplacements fonctionnels ont de sérieuses implications qu’il faut urgemment quantifier. Ils suggèrent de possibles détériorations de processus essentiels de ces écosystèmes et de leurs contributions aux populations humaines, notamment au travers de changements des cycles biogéochimiques – notamment du carbone – mais aussi des interactions faune-flore et de la régénération des forêts », explique Felipe Melo, deuxième auteur de l’étude et chercheur à l’université fédérale de Pernambuco au Brésil (à présent à l’université de Nottingham Trent). Cette étude souligne ainsi l’urgence de renforcer la conservation et la restauration des forêts tropicales pour préserver ces écosystèmes vitaux. « La forte influence de la dégradation des forêts dans certaines régions amazoniennes démontre l’importance de lutter contre les perturbations forestières, telles que l’exploitation forestière sélective et les incendies, ainsi que la déforestation », souligne le professeur Jos Barlow, de l’université de Lancaster.

Les forêts tropicales constituent le plus important réservoir de biodiversité terrestre. Elles jouent un rôle majeur dans les cycles biogéochimiques globaux et fournissent des services écosystémiques essentiels. Elles sont pourtant victimes d’une déforestation et d’une fragmentation rapides, avec la perte de 3 à 6 millions d’hectares par an au cours des deux dernières décennies. Une grande partie des forêts tropicales actuelles se trouve ainsi dans des paysages modifiés par l’homme et exposés à des perturbations locales telles que l’exploitation forestière, la chasse et les incendies.

« Il existe un large consensus sur l’impact négatif de la perte d’habitat sur la biodiversité, mais les effets indépendants de la fragmentation des paysages et des perturbations locales sont encore mal compris et très discutés, notamment à cause de la difficulté de démêler relations de causes-à-effets d’une part et associations non causales d’autre part », explique David Bauman, chargé de recherche IRD au laboratoire AMAP et co-auteur de l’étude. Certaines études rapportent un effet positif de cette fragmentation, mais d’autres négatif. Ces effets, souvent faibles, sont exclusivement documentés en termes de nombre d’espèces. Pourtant un impact faible sur le nombre d’espèces peut cacher le remplacement de plusieurs d’entre elles par d’autres ayant des stratégies écologiques différentes, avec des conséquences importantes sur la diversité et le fonctionnement de ces écosystèmes. « Comprendre ces changements et distinguer la causalité d’associations non causale est crucial pour guider une gestion des paysages fragmentés qui préserve ces écosystèmes et leur diversité », souligne David.

L’étude s’appuie sur un jeu de données unique, intégrant des inventaires de 271 parcelles forestières réparties au sein de 6 régions anthropisées d’Amazonie et de forêts atlantiques brésiliennes, des caractérisations de la configuration des paysages dans ces régions, ainsi que les caractéristiques morphologiques et fonctionnelles du bois, des feuilles et des graines de 1 207 espèces d’arbres tropicaux. En utilisant des modèles statistiques, il a été possible de décomposer les effets causaux, directs et indirects de la perte d’habitat, de la fragmentation et de la dégradation locale sur la composition fonctionnelle des forêts. Enfin, il a été possible d’identifier des espèces dites gagnantes et perdantes avec des traits convergents et cela dans différents contextes régionaux.

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