Campagne cacaoyère 2024/2025 : Retour des inquiétudes climatiques et de la volatilité des prix du cacao

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Le marché mondial du cacao, après avoir connu une période de calme relatif, est de nouveau confronté à des incertitudes majeures. En effet, le climat, facteur déterminant de l’offre, joue un rôle encore plus décisif pour la campagne cacaoyère 2024/2025. La Côte d’Ivoire et le Ghana, deux géants de la production, avaient entamé la saison avec des perspectives favorables, mais le climat a rapidement révélé de nouvelles préoccupations.

Une remontée des prix inattendue : le climat, nouveau facteur déterminant

Après une campagne 2023/2024 marquée par une forte volatilité des prix, le marché semblait retrouver un certain équilibre. Cependant, au début du mois de décembre 2024, le prix du cacao a grimpé de manière inattendue, atteignant 10 092 $ la tonne le 6 décembre, son plus haut niveau depuis le 14 juin. Ce pic marque une tendance à la hausse qui a duré six semaines consécutives, la plus longue période de hausse depuis mars 2024. Bien qu’il soit trop tôt pour affirmer si cette remontée des prix est durable, une chose est certaine : les inquiétudes climatiques sont de retour, et elles risquent de perturber les prévisions pour les mois à venir.

Les conséquences des conditions climatiques sur la production de cacao

Le climat a joué un rôle crucial dans la production de cacao en Côte d’Ivoire, le premier fournisseur mondial. Des pluies excessives survenues entre septembre et début octobre ont affecté les cultures dans les régions de l’ouest et du sud-ouest, favorisant l’apparition de la pourriture brune, également appelée « maladie des cabosses noires ». Cette situation a eu pour effet de réduire les rendements dans ces zones cruciales. De plus, l’absence de pluies ou les précipitations irrégulières dans d’autres régions de production, telles que Daloa et Soubré, ont exacerbé les tensions.

Ousmane Attai, consultant indépendant en cacao, rapporte qu’une grande partie des champs visités récemment manquaient de jeunes fruits (« chérelles ») qui laissent présager de faibles rendements dans les trois prochains mois. « Les producteurs sont déboussolés », déclare-t-il, soulignant que certaines régions, comme Daloa, n’ont pas eu de pluie depuis deux mois, et d’autres, comme Soubré, depuis un mois.

L’Harmattan : une nouvelle menace pour la production

Le climat plus sec en décembre, avec l’arrivée de l’harmattan, accentue encore la situation. Le vent chaud et sec contribue à l’assèchement rapide des sols déjà fragilisés par un manque de pluie. Ce phénomène pourrait sérieusement compromettre les espoirs de reprise des récoltes dans la région.

Un scénario semblable à celui de l’année dernière ?

La situation actuelle rappelle fortement les conditions climatiques de l’année dernière, lorsque l’épisode El Niño a intensifié l’harmattan, affectant négativement la production de cacao. Attai met en garde contre la répétition d’une situation similaire cette année. Bien que la campagne actuelle semble légèrement meilleure que celle de l’année dernière, les conditions météorologiques défavorables pourraient encore nuire à la production, entraînant une nouvelle crise dans l’industrie du cacao.

Des déficits de production et des stocks en baisse

Le marché mondial du cacao reste fragile, avec des déficits de production qui persistent. Selon l’Organisation Internationale du Cacao (ICCO), le déficit mondial pour la campagne 2023/2024 est désormais estimé à 478 000 tonnes, un chiffre bien plus élevé que celui de 462 000 tonnes annoncé précédemment. Ce déficit représente le plus grand écart depuis 60 ans et prendra encore du temps à être comblé. Aux États-Unis, les stocks de cacao ont atteint leur niveau le plus bas depuis 2004, avec des entreprises puisant dans leurs réserves pour répondre à la demande plutôt que d’acheter sur le marché physique.

Tensions sur le marché intérieur en Côte d’Ivoire

La situation en Côte d’Ivoire reste tendue, notamment en ce qui concerne la commercialisation intérieure du cacao. La baisse des perspectives de production a entraîné une forte concurrence pour l’approvisionnement en fèves. Les négociants, confrontés à des contrats d’exportation déjà signés pour la période d’octobre à décembre, se battent pour récupérer les fèves afin de respecter leurs engagements. En conséquence, le prix du cacao a grimpé, et certaines transactions atteignent 1 900 ou même 1 950 FCFA le kilogramme, bien au-dessus du prix fixé par le gouvernement (1 800 FCFA).

Production en hausse, mais relativement faible par rapport à l’année précédente

En dépit de l’augmentation de 38 % des exportations mensuelles de la Côte d’Ivoire pour novembre, le consultant Ousmane Attai reste prudent. Il rappelle que les comparaisons sont faites avec l’année précédente, qui avait été marquée par une production catastrophique. Si l’on compare avec les années précédentes, comme 2021/2022 et 2022/2023, il devient évident que la production reste très inférieure aux attentes.

Le Ghana : une révision à la baisse des prévisions de production

Le Ghana, deuxième producteur mondial de cacao, n’échappe pas à cette instabilité. Les autorités ont révisé à la baisse leurs prévisions de production, passant de 700 000 à 650 000 tonnes pour la campagne 2024/2025. Comme en Côte d’Ivoire, les experts estiment que l’évolution des conditions météorologiques au cours des trois prochains mois sera cruciale pour déterminer l’issue de la campagne.

Une campagne cacaoyère sous haute tension

La campagne cacaoyère 2024/2025 semble de plus en plus marquée par des défis climatiques et une volatilité persistante des prix. Bien que le marché ait montré des signes de reprise en novembre et décembre, les incertitudes liées au climat, aux prévisions de production et aux tensions sur le marché intérieur soulignent la fragilité de cette campagne. Le cacao, comme ressource vitale pour les économies du Ghana et de la Côte d’Ivoire, pourrait connaître de nouveaux bouleversements dans les mois à venir.

Moctar FICOU / VivAfrik

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