Les ressources forestières en Afrique font partie des plus importantes au monde, mais le continent peine encore à maximiser leur potentiel économique. L’amélioration de l’exploitation des forêts et des investissements dans la transformation du bois pourraient être des leviers cruciaux pour augmenter les revenus de l’Afrique et contribuer à son développement économique.
Une exploitation inefficace des ressources forestières en Afrique
L’Afrique demeure l’une des régions du monde qui tire le moins de profit de ses ressources forestières. Selon le rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), « La Situation des forêts du monde 2024 – Innovations dans le secteur forestier pour un avenir plus durable », l’Afrique n’a représenté que 2% des exportations mondiales de produits forestiers en 2022, un montant qui s’élevait à 127 milliards USD. Ce chiffre est particulièrement bas comparé à la superficie forestière du continent, qui constitue 16% des forêts mondiales, soit 637 millions d’hectares de forêt.
À titre de comparaison, l’Union européenne, qui possède seulement 4% de la surface forestière mondiale, a généré 43% des ventes mondiales de produits forestiers. Ce décalage entre la superficie forestière et la part des exportations souligne un paradoxe majeur : l’Afrique possède des ressources considérables, mais peine à les valoriser à leur juste valeur.
Le bois-énergie, un facteur limitant la transformation du secteur forestier
L’un des principaux facteurs expliquant cette situation est l’utilisation massive du bois comme source d’énergie. En Afrique, 90% du bois récolté est utilisé comme bois-énergie, principalement pour le chauffage et la cuisson, contre 49,4% au niveau mondial. Cette situation s’explique par un accès limité à des alternatives énergétiques plus propres, ce qui fait du bois une ressource essentielle pour de nombreuses familles africaines. Cette utilisation du bois pour l’énergie empêche le développement d’autres segments de l’industrie forestière, notamment ceux liés à la transformation du bois en produits finis ou semi-finis.
Les 10% restants du bois récolté en Afrique sont principalement exportés sous forme de grumes, de sciages ou de placages non transformés. Par exemple, dans le bassin du Congo, qui regroupe six pays (Gabon, République Démocratique du Congo, République du Congo, Guinée équatoriale, Cameroun et Centrafrique), ces exportations représentent une faible part de l’offre mondiale : environ 6% pour les sciages, 9,7% pour les placages et 5,3% pour les grumes.
L’impact économique limité de l’exploitation forestière non transformée
En conséquence, l’Afrique ne perçoit que moins de 10% de la valeur de son bois d’œuvre. Le secteur du bois génère également moins de 10% des emplois qu’il pourrait créer si davantage de produits finis et semi-finis étaient produits et exportés. Ce manque de transformation est un frein à l’industrialisation du secteur, limitant les retombées économiques et les opportunités d’emploi pour les populations locales.
Le Gabon, un exemple à suivre pour l’Afrique
Bien que le chemin vers une transformation complète du secteur forestier prenne du temps, certains pays africains commencent à prendre des mesures pour améliorer la valorisation de leurs ressources forestières. Le Gabon est souvent cité en exemple dans ce domaine. Depuis 2010, le pays a interdit l’exportation de grumes. Cette mesure a conduit à une augmentation significative de la production de sciages : entre 2009 et 2022, la production a presque quadruplé, passant de 2,8 millions de m³ à 10,3 millions de m³.
De plus, les exportations de bois rond ont chuté de manière spectaculaire, passant de 1,7 million de m³ en 2009 à seulement 0,01 million de m³ en 2022. Cette politique a permis au Gabon de garder plus de valeur ajoutée au niveau local, contribuant ainsi à l’industrialisation du secteur forestier.
Mesures incitatives pour le secteur privé : Le cas de la Zone économique spéciale de Nkok
Pour soutenir cette transformation, le Gabon a également mis en place plusieurs mesures incitatives visant à encourager les investissements privés dans la transformation du bois. En 2011, le pays a créé la Zone économique spéciale de Nkok (Gabon Special Economic Zone – GSEZ), en partenariat avec Arise IIP (Integrated Industrial Platforms), une initiative qui offre un cadre favorable aux entreprises du secteur. La fiscalité avantageuse mise en place pour les industries de transformation du bois a permis d’attirer de nombreux investisseurs.
Des perspectives prometteuses mais des défis à surmonter
Si le secteur forestier africain possède un potentiel de valeur ajoutée considérable, il reste encore beaucoup à faire pour surmonter les obstacles liés à la transformation. L’Afrique doit développer des infrastructures adaptées, faciliter l’accès à des technologies de transformation modernes et promouvoir des politiques publiques qui encouragent l’industrialisation du secteur. Des initiatives comme celles du Gabon montrent que des progrès sont possibles, mais des efforts à plus grande échelle sont nécessaires pour que le continent puisse pleinement tirer parti de ses vastes ressources forestières et créer des emplois durables pour ses populations.
Moctar FICOU / VivAfrik