La Corne de l’Afrique, où la farine de blé est un aliment de base essentiel, assiste à une révolution commerciale. Longtemps dominé par la Turquie, le marché voit désormais l’Égypte émerger comme le principal fournisseur de farine de blé dans la région. Durant la campagne commerciale 2023/2024, l’Égypte a exporté 1,2 million de tonnes de farine de blé, surpassant les 1 million de tonnes turques, selon les données du Département américain de l’agriculture (USDA).
Les clés de la montée en puissance égyptienne
Le succès égyptien repose sur une stratégie robuste d’expansion industrielle et de partenariats avantageux. Depuis une décennie, les investissements massifs dans les infrastructures de meunerie ont considérablement augmenté les capacités de transformation du pays. La disponibilité de blé à prix compétitif, notamment en provenance de la Russie et de la région de la mer Noire, a permis aux minotiers égyptiens de produire à moindre coût et de se positionner comme des acteurs incontournables sur les marchés internationaux.
Les exportations égyptiennes se sont majoritairement dirigées vers le Soudan (60 % des cargaisons), mais également vers l’Érythrée, la Somalie et Djibouti. En 2023/2024, l’Égypte a atteint un volume record de 1,5 million de tonnes de farine de blé exportées, soit trois fois la moyenne des cinq dernières années.
Un repli turc face aux contraintes internes
De son côté, la Turquie a vu sa domination affaiblie par des décisions politiques et des contraintes économiques internes. Entre juin et octobre 2023, le gouvernement turc a interdit les importations de blé pour forcer les industriels à utiliser leurs stocks et privilégier la production locale. Cependant, cette politique a eu des conséquences négatives, notamment un ralentissement de la production destinée à l’export, les industriels préférant attendre la réouverture des importations en raison du coût élevé du blé local (320 $/tonne contre 240 $/tonne pour l’importé).
Même après la levée des restrictions, les minotiers turcs ont dû se conformer à une nouvelle règle exigeant qu’au moins 85 % de leurs besoins en blé soient couverts par des sources locales. Ces limitations ont conduit à une baisse de 41 % des exportations turques de farine de blé entre juillet et septembre 2024, en comparaison avec la même période de l’année précédente.
Perspectives pour 2024/2025
L’année 2024/2025 s’annonce prometteuse pour les minotiers égyptiens, avec des importations de blé prévues à un niveau record de 12,5 millions de tonnes, permettant de renforcer leur position sur les marchés internationaux. En revanche, la Turquie devrait enregistrer une baisse de sa production et de ses importations de blé, ce qui pourrait encore réduire sa compétitivité dans la Corne de l’Afrique.
Moctar FICOU / VivAfrik