Les semences représentent le fondement même de la sécurité alimentaire mondiale, jouant un rôle essentiel dans la chaîne de valeur agricole, estimée à 3 000 milliards de dollars. Dans un contexte de réchauffement climatique et d’augmentation de la population mondiale, le secteur des semences prend une importance cruciale pour garantir des récoltes suffisantes et résilientes. En Afrique, cette question est particulièrement pertinente, car le continent doit renforcer sa résilience agricole et son autosuffisance alimentaire pour faire face aux défis à venir. Le marché africain des semences est en pleine expansion, attirant non seulement des acteurs locaux, mais également des multinationales. Arthur Santosh Attavar, président de la Fédération internationale des semences (ISF), explore les enjeux et les perspectives du secteur des semences en Afrique et insiste sur l’importance des systèmes semenciers traditionnels dans un entretien exclusif avec l’Agence Ecofin.
Pourriez-vous introduire la Fédération internationale des semences (ISF) et expliquer quel type d’agriculture l’organisation cherche à promouvoir ?
La Fédération internationale des semences (ISF), avec presque un siècle d’histoire, est une organisation représentant le secteur mondial des semences. Nous avons pour mission de soutenir l’innovation dans la sélection végétale, l’harmonisation des régulations commerciales, ainsi que l’accès aux semences de qualité. L’ISF représente 80 associations nationales de semences, couvrant une grande diversité d’entreprises, des petites entreprises familiales aux grandes multinationales, et couvrant 96 % du commerce international des semences.
Notre organisation plaide pour un modèle d’agriculture durable intégrant les nouvelles technologies, le respect de la biodiversité, une gestion environnementale responsable et une gouvernance éthique. Nous défendons une approche où la qualité des semences, le commerce mondial, et les politiques fondées sur des données scientifiques soutiennent les agriculteurs de toutes tailles, en particulier dans les pays en développement où l’accès à des semences de qualité reste limité. En prônant une agriculture durable et inclusive, nous espérons garantir la sécurité alimentaire, le développement rural et la croissance économique, notamment en Afrique, un continent au potentiel agricole immense mais sous-exploité.
L’Afrique reste à la traîne dans le commerce mondial des semences. Comment l’ISF intervient-elle pour promouvoir le secteur des semences en Afrique ?
L’Afrique représente une priorité stratégique pour l’ISF. Nous œuvrons pour renforcer les systèmes semenciers et créer un cadre de commerce équitable et transparent qui permette aux agriculteurs d’accéder à des semences de haute qualité. Les pays africains sont particulièrement vulnérables aux impacts du changement climatique, qui affecte les rendements agricoles et la sécurité alimentaire. Pour relever ces défis, nous travaillons avec des organisations locales, des institutions internationales et des partenaires privés.
Nous participons notamment à des initiatives importantes telles que le programme Seed Resilience au Rwanda, visant à développer des semences résistantes aux changements climatiques et adaptées aux conditions locales. Par ailleurs, l’ISF est également impliquée dans le projet de certification des semences G7+OCDE, qui aide à renforcer les normes de qualité et à assurer une distribution fiable des semences en Afrique. En soutenant de telles initiatives, nous espérons accroître la productivité agricole et la résilience climatique, tout en permettant aux petits agriculteurs d’améliorer leur niveau de vie.
En Afrique, les petits agriculteurs dépendent principalement des systèmes semenciers traditionnels. Quelle importance accordez-vous à ces pratiques dans votre vision ?
Les systèmes semenciers traditionnels sont absolument essentiels, en particulier en Afrique où ils constituent souvent la principale source de semences pour les agriculteurs. Ces pratiques ont une valeur unique car elles favorisent la biodiversité agricole et permettent aux communautés de conserver et de reproduire des variétés de semences adaptées à leur environnement. L’ISF soutient ces systèmes traditionnels et reconnaît leur rôle dans la diversité génétique, la sécurité alimentaire locale, et la résilience face aux aléas climatiques.
Nous encourageons cependant la coexistence des semences traditionnelles et des variétés améliorées. Les agriculteurs devraient avoir le choix et la liberté d’utiliser des semences modernes si elles répondent mieux à leurs besoins. Par exemple, les semences hybrides, souvent critiquées, présentent des avantages indéniables tels que des rendements accrus et une plus grande résistance aux maladies. En fin de compte, la diversité des options est essentielle pour offrir aux agriculteurs les outils nécessaires pour faire face à des conditions agricoles changeantes.
Le marché des semences africain attire un nombre croissant de multinationales. Certains y voient une menace pour la diversité des semences. Quelle est la position de l’ISF sur cette question ?
Les multinationales jouent un rôle essentiel dans l’apport de technologies avancées et dans l’élargissement des choix de semences pour les agriculteurs africains, qui ont besoin de solutions adaptées aux défis spécifiques qu’ils rencontrent. L’entrée de grands acteurs du secteur des semences en Afrique permet non seulement d’accélérer l’introduction de nouvelles variétés, mais aussi de renforcer l’écosystème semencier local en stimulant l’innovation et les partenariats public-privé.
Ces partenariats sont particulièrement précieux car ils permettent de combiner les ressources et les compétences des secteurs public et privé pour créer des variétés de cultures adaptées aux besoins locaux. Dans de nombreux cas, ces collaborations facilitent la diffusion des nouvelles variétés auprès des agriculteurs et permettent des actions de formation. Le continent africain, avec ses vastes terres cultivables et son climat diversifié, a un rôle central à jouer dans la sécurité alimentaire mondiale. L’ISF soutient cette vision en encourageant un marché des semences inclusif, où les innovations et la préservation de la biodiversité peuvent coexister harmonieusement.
Comment l’ISF soutient-elle la recherche agricole et les initiatives locales en Afrique ?
Notre projet Seed Resilience au Rwanda est un excellent exemple de l’engagement de l’ISF pour une agriculture durable. En partenariat avec des institutions locales, nous testons différentes variétés de semences pour identifier celles qui conviennent le mieux aux conditions climatiques et agroécologiques locales. En collaborant avec les agriculteurs, nous démontrons l’efficacité de ces variétés et créons un lien de confiance au sein des communautés rurales.
À l’échelle mondiale, nous travaillons avec le CGIAR, le plus grand partenariat de recherche agricole au monde, pour remédier aux défis que rencontrent les agriculteurs des pays en développement, notamment en Afrique, où l’accès aux semences de haute qualité reste limité. En tirant parti de cette expertise, nous nous efforçons de garantir aux agriculteurs un accès à des variétés améliorées, résilientes face aux extrêmes climatiques, tout en promouvant des pratiques agricoles durables et résilientes.
Les semences hybrides et modernes répondent-elles aux besoins des petits agriculteurs africains ?
Il est important de préserver les pratiques culturelles locales et de soutenir les banques de semences communautaires tout en intégrant des variétés améliorées telles que les hybrides, qui peuvent coexister avec les systèmes traditionnels. Les semences hybrides offrent des rendements élevés et une résistance accrue aux maladies, ce qui représente un atout pour les agriculteurs africains.
Le maintien de la diversité génétique et des méthodes traditionnelles de conservation des semences est essentiel, car ces pratiques jouent un rôle dans la résilience des communautés face aux changements climatiques. Les systèmes de semences hybrides et traditionnels peuvent fonctionner en complément, offrant aux agriculteurs une large gamme de choix pour répondre aux défis agricoles.
Moctar FICOU / VivAfrik