En Afrique subsaharienne, l’agriculture représente bien plus qu’un simple secteur économique ; elle constitue un pilier fondamental de la sécurité alimentaire, de la réduction de la pauvreté et du développement économique. Cependant, ce secteur vital fait face à un double défi structurel qui freine son essor et affecte directement la stabilité alimentaire, la compétitivité des produits locaux et la résilience des populations vulnérables.
D’une part, le déficit de production agricole continue de s’aggraver, touchant aussi bien les cultures de base, comme les céréales, que celles à haute valeur ajoutée, telles que les fruits, les légumes, et les cultures de rente. Malgré son potentiel, l’Afrique subsaharienne enregistre des rendements agricoles parmi les plus bas au monde, notamment en raison d’une faible utilisation des technologies agricoles modernes, d’un accès limité aux engrais et d’une couverture irrégulière en infrastructures d’irrigation. Cette situation entraîne une productivité insuffisante, aggravée par la dépendance aux aléas climatiques, et pousse les populations locales à importer des denrées alimentaires à des coûts souvent élevés. En conséquence, les prix alimentaires ne cessent de croître, fragilisant les populations les plus vulnérables qui peinent à accéder à une alimentation abordable et nutritive.
Le second déficit réside dans la faiblesse des chaînes de valeur agricoles, qui restent peu structurées et peu connectées aux marchés urbains en pleine expansion. Avec la croissance démographique rapide et l’urbanisation galopante, la demande alimentaire en zones urbaines augmente rapidement, mais la production locale peine à suivre, tant en termes de quantité que de qualité. La mise en place de chaînes de valeur optimisées permettrait de réduire la dépendance aux importations en favorisant la production domestique, tout en stimulant la compétitivité des produits locaux. Pourtant, les agriculteurs, majoritairement de petites exploitations, sont souvent isolés des marchés et manquent d’infrastructures adaptées, telles que les routes, les entrepôts, et les centres de distribution. Cette fragmentation limite leur capacité à accéder aux marchés urbains et à répondre aux exigences de qualité des consommateurs.
Financement et infrastructures pour une agriculture résiliente
Pour surmonter ces deux déficits, plusieurs solutions peuvent être envisagées, en particulier dans le domaine du financement, des infrastructures et de la formation technique des agriculteurs.
Accroître l’accès aux financements agricoles : L’une des barrières majeures pour les petits producteurs réside dans l’accès limité aux financements. Sans capital initial, les agriculteurs ne peuvent pas investir dans des intrants modernes ou dans des équipements qui amélioreraient leur rendement. Des programmes de microfinance ciblés, des fonds de garantie pour le secteur agricole et des partenariats public-privé pourraient jouer un rôle essentiel pour rendre les financements plus accessibles aux agriculteurs. En plus, le développement de plateformes de financement numérique et de services bancaires mobiles pourrait aider à toucher davantage de petits producteurs, y compris ceux qui vivent dans des zones rurales isolées.
Investir dans les infrastructures d’irrigation et les chaînes logistiques : L’un des leviers les plus importants pour renforcer la résilience de l’agriculture subsaharienne est le développement d’infrastructures d’irrigation. Cela permettrait de limiter la dépendance aux saisons des pluies et d’améliorer les rendements des cultures. De plus, des investissements dans les infrastructures de transport et de stockage sont indispensables pour réduire les pertes post-récolte, qui représentent une part importante de la production totale perdue chaque année. Des réseaux de transport fiables, combinés à des centres de stockage modernes, permettraient d’optimiser la chaîne de valeur, tout en facilitant l’accès des agriculteurs aux marchés.
Encourager la diversification des cultures et le passage à des cultures à haute valeur ajoutée : En sortant des modèles agricoles traditionnels basés principalement sur les céréales, l’Afrique subsaharienne pourrait stimuler sa productivité et sa compétitivité. Des programmes d’accompagnement technique et financier devraient encourager les agriculteurs à se tourner vers des cultures plus rentables, comme les fruits, les légumes, et les produits d’élevage. La diversification des cultures pourrait non seulement augmenter les revenus des exploitants, mais aussi offrir des options alimentaires plus variées et nutritives pour les populations locales.
Renforcer la formation et l’éducation technique pour une agriculture durable : Enfin, le renforcement des compétences agricoles par la formation est essentiel pour que les agriculteurs adoptent des pratiques agricoles modernes et durables. Des programmes de formation, dispensés par des experts ou des organisations locales, pourraient enseigner aux agriculteurs les techniques de conservation des sols, l’usage optimal des engrais et de l’irrigation, ainsi que la gestion des ressources naturelles. Cela les aiderait non seulement à augmenter leur production mais aussi à minimiser leur impact environnemental.
Construire un avenir durable pour les populations vulnérables en Afrique subsaharienne
Les défis posés par les déficits de production et de chaînes de valeur ne sont pas insurmontables. Avec une volonté politique forte, des investissements stratégiques et un soutien accru aux petits producteurs, l’Afrique subsaharienne pourrait transformer son secteur agricole en un moteur de développement, capable de nourrir ses populations tout en stimulant son économie. En améliorant l’accès au financement, en investissant dans les infrastructures, et en soutenant les petits exploitants à chaque étape de la chaîne de valeur, il est possible de créer une agriculture résiliente et compétitive, au bénéfice des populations vulnérables.
Moctar FICOU / VivAfrik
