Le rôle des pays forestiers est crucial à la 16ème Conférence des États signataires de la convention sur la diversité biologique (COP16) qui se déroulera du 21 octobre au 1er novembre 2024 à Cali en Colombie. Le Brésil, la République démocratique du Congo (RDC), l’Indonésie, ou la Colombie elle-même ne couvrent que 10% de la surface de la planète, mais abritent 70% de la biodiversité terrestre. Leurs forêts sont également considérées comme les poumons de la planète, capables de stocker une partie de nos émissions de gaz à effet de serre, même si certaines peuvent émettre plus de CO2 qu’elles n’en absorbent.
Selon Jeanne Richard de Radio France internationale (RFI), en observant un arbre, ses feuilles, ses branches, on ne se doute pas forcément que la moitié de la masse sèche de cet arbre, c’est du carbone. Du carbone sous forme de bois. Les arbres absorbent en effet du gaz carbonique et rejettent de l’oxygène pour vivre et grandir, c’est la photosynthèse. C’est ce carbone de l’air, qui est pompé, qu’ils transforment en bois. Les forêts absorbent ainsi chaque année près d’un tiers de nos émissions de CO2, et nous aident au passage à limiter l’effet de serre et le réchauffement climatique. Lorsqu’un arbre meurt, ce carbone solide, le bois donc, se décompose et le CO2 est réémis dans l’atmosphère, lit-on dans les colonnes de RFI.
Une forêt peut donc devenir émettrice de CO2 explique Nancy Harris, directrice du programme de recherche sur les forêts au World ressource institute. « Quand on laisse les forêts tranquilles, elles sont en général de bonnes éponges à CO2. Mais quand on les perturbe ou qu’on les coupe, alors elles peuvent émettre plus de CO2 qu’elles n’en absorbent. C’est le cas lors des feux de forêts, quand on débite le bois et qu’on exporte les grumes, ou qu’on défriche pour l’agriculture ». Parfois, la forêt récupère. Les arbres survivants et les jeunes poussent permettent de retrouver cette capacité de puit de carbone. Parfois, « si trop d’arbres meurent alors elles peuvent perdent définitivement cette capacité à être un puits de carbone ».
Stopper la déforestation
Si l’on se fie à notre source, ces 20 dernières années, les forêts d’Asie du Sud-Est sont ainsi devenues une source nette d’émissions de carbone à cause de la déforestation pour planter des palmiers à huile notamment, selon une étude du World ressource institute.
L’Amazonie, elle, est encore un puits de carbone, mais elle est sur le point de basculer si la disparition des forêts se poursuit au rythme actuel. En 2020, elle n’absorbait déjà plus que 100 millions de tonnes de CO2. L’ancien poumon de la planète ne le sera peut-être plus bientôt, à cause des incendies, de la sécheresse, mais surtout de la déforestation pour planter du soja destiné à nourrir le bétail. « Nous devons transformer radicalement notre système agricole pour produire plus de nourriture sur des espaces plus restreints, » indique, RFI ? Nancy Harris. Comment ? Pour la chercheuse « la façon la plus simple d’y arriver c’est de réduire notre consommation de viande de bœuf. L’élevage de bœufs est la première cause de déforestation dans les forêts tropicales. Nous pouvons modifier nos régimes alimentaires, en particulier dans les pays développés », où la consommation est la plus forte.
Des puits de carbone fragiles
Selon RFI, parmi les trois plus grandes forêts tropicales humides du monde donc, seul le bassin du Congo possède encore suffisamment d’arbres sur pied pour rester un puits de carbone important. Il séquestre chaque année 600 millions de tonnes de dioxyde de carbone. Mais ses forêts sont elles aussi sous pression de l’appétit des exploitants de bois, de ressources souterraines, et de l’agro-industrie.
Plus inquiétants, les chiffres de l’année dernière montrent que les puits de carbone forestiers se sont effondrés. Au lieu des 7,5 milliards de tonnes de CO2 captées chaque année par les forêts, moins de deux milliards ont été séquestrées en 2023 selon une étude récente. Même si cela est dû en grande partie à des évènements particuliers qui ne s’inscrivent pas sur la durée – les graves incendies dans les forêts canadiennes et sibériennes, et la sécheresse en Amazonie qui ont mis beaucoup d’arbres à terre – cela montre bien la fragilité de ces forêts sur lesquelles nous comptons tellement pour notre survie.
Pour sauver l’incroyable diversité d’êtres vivants qu’elles abritent, pour limiter le changement climatique et ses catastrophes à répétition, il faut aider à les préserver, et c’est ce que vont plaider à la COP16 ces grands pays forestiers. Les programmes de reforestation sont essentiels, à condition qu’ils soient menés correctement.
Moctar FICOU / VivAfrik