Que peut-on attendre de la 16ème Conférence mondiale (COP16) sur la biodiversité qui s’ouvre en Colombie ?

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Par Justine Prados et Esteban Grépinet                         

Il nous faut une COP claire. Deux ans après l’accord historique sur la biodiversité de Kunming-Montréal, les États du monde entier se retrouvent à partir du lundi 21 octobre 2024 à Cali, en Colombie. Vert vous résume les grands enjeux de cet événement.

Faire le point sur les grandes promesses de l’accord de 2022

Lors de la dernière Conférence mondiale des Nations unies (COP15) sur la biodiversité, à Montréal, les 196 pays participants avaient adopté un ambitieux « Cadre mondial de la biodiversité » – aussi appelé « accord de Kunming-Montréal » (notre article). Protection de 30% des mers et des terres, restauration de 30% des écosystèmes dégradés, réduction de moitié des « risques liés aux pesticides » : 23 objectifs pour 2030 avaient été définis.

Pour s’aligner sur ces cibles, chaque gouvernement avait promis de définir un plan d’action national (les « SPANB ») avant la prochaine COP biodiversité, qui a lieu tous les deux ans. Problème : à l’ouverture du sommet de Cali, seuls 34 États ont fourni un document actualisé. Une centaine d’entre eux – à peu près la moitié des membres du Cadre mondial de la biodiversité – ont indiqué leurs « cibles », soit leurs ambitions nationales qui devront ensuite être détaillées dans leur plan d’action.

Selon le ministère de la Transition écologique, « ça va être la COP de la mise en œuvre sur l’ensemble des décisions prises à Montréal ». « L’enjeu, c’est d’analyser cette ambition agrégée et d’envoyer des messages pour aller plus vite, plus loin », complète Juliette Landry, spécialiste des questions de gouvernance de la biodiversité à l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI). Elle rappelle que l’élaboration de ces plans nationaux est coûteuse pour de nombreux pays en développement.

Trouver des financements

Après l’accord de Kunming-Montréal, un fonds de solidarité a été mis en place pour aider les pays en développement. Il doit atteindre 30 milliards de dollars (environ 27,6 milliards d’euros) d’ici à 2030. « Aujourd’hui, il y a environ 400 millions de dollars de promesses, dont 200 millions qui ont véritablement été versés », tempère Juliette Landry.

Les pays africains réclament un nouveau fonds, plus indépendant, tandis que les pays donateurs préfèrent conserver le système actuel. C’est notamment le cas de la France : « Il y a une tendance à imaginer qu’en créant un nouveau fonds, de l’argent nouveau va arriver, ce qui n’est pas le cas », explique le ministère de la Transition écologique, pour qui la mise en place d’un nouveau fonds n’est pas du tout une priorité.

Les discussions porteront également sur la manière de réduire les subventions néfastes à la biodiversité, l’un des objectifs de l’accord adopté il y a deux ans.

Mettre en place un partage juste des « ressources génétiques informatisées »

La biodiversité regorge d’informations génétiques, contenues dans l’ADN des êtres vivants. Alimentation, médicaments, cosmétiques… ces ressources sont exploitées par les pays riches, au détriment des pays en développement d’où elles sont majoritairement issues (notre article).

En 2010, le protocole de Nagoya a tenté d’instaurer un partage plus juste de l’information génétique : ceux qui en profitent doivent reverser une partie de leurs bénéfices aux pays d’origine. Mais ce système est de plus en plus contourné. Aujourd’hui, les séquences d’ADN sont numérisées et accessibles librement sur Internet.

Depuis plusieurs années, les pays en développement demandent un nouveau protocole. Ils ont obtenu un accord de principe lors de la COP15 de Montréal. « C’est difficile de traquer l’origine d’une partie de génome : est-ce qu’il vient de Côté d’Ivoire ? du Brésil ? », remarque Juliette Landry. À Cali, les négociateurs devront se mettre d’accord sur un mécanisme de partage concret de ces ressources.

Affirmer le rôle des communautés autochtones

L’accord de Kumming-Montréal a reconnu l’importance des peuples autochtones dans la lutte contre l’effondrement de la biodiversité (notre article). Ces derniers gèrent, possèdent ou occupent un quart des terres mondiales, qui abrite 80% de la biodiversité totale. L’enjeu est désormais de les intégrer pleinement aux négociations. Sur ce point, l’IDDRI salue la présidence de la COP16, opérée par la ministre colombienne de l’Environnement, Susana Muhamad. Cette dirigeante est respectée par ses pairs et reconnue pour sa volonté de prendre en compte les communautés locales dans les discussions.

Le Réseau action climat anticipe également « une négociation de la plus haute importance » autour de la création d’un organe assurant la participation systématique des peuples autochtones dans la gouvernance de la biodiversité.

Adopter un leadership mondial autour de la biodiversité

C’est assez rare pour être souligné : pour la première fois, plusieurs chefs d’État sont attendus à Cali lors de cette COP16 sur la biodiversité – principalement latino-américains (Brésil, Colombie, Mexique) et africains (Ghana, Guinée-Bissau). À l’inverse des COP sur le climat qui contiennent toujours des séquences politiques avec des discours de nombreux chefs de gouvernement, les COP sur la biodiversité restent des moments de négociations techniques. En France, c’est Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition écologique, qui fera le déplacement à Cali pour trois jours (a priori du 28 au 30 octobre 2024).

La présidence de la Colombie, pays du Sud, hôte d’une riche biodiversité et aux positions ambitieuses, est particulièrement significative. Elle tentera d’impulser une forte dynamique sur le sujet. Reste à souligner l’absence des États-Unis, qui n’ont jamais ratifié la Convention pour la diversité biologique et ne participent donc pas aux négociations.

Justine Prados et Esteban Grépinet, Journalistes

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