L’Afrique profite de la COP16 biodiversité à Cali en Colombie pour mettre en exergue ses défis et ses messages

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Le coup d’envoi de la 16ème Conférence des parties des Nations unies sur la biodiversité (COP16) est donné lundi 21 octobre 2024 à Cali en Colombie alors qu’en fin 2022 à la COP15, plus de 190 États du monde signaient l’Accord de Kunming-Montréal afin de stopper et inverser l’effondrement du vivant, indispensable à notre vie sur la planète. Ces États se retrouvent pour une nouvelle COP Biodiversité, à Cali en Colombie, pour faire un point d’étape. Fort de son patrimoine naturel, l’Afrique veut faire entendre sa voix. Quels seront les messages du continent ?  

Avec ses forêts primaires, ses tourbières qui stockent du carbone ou encore ses mangroves qui protègent les communautés côtières des aléas climatiques, l’Afrique est l’une des régions les plus riches en biodiversité au monde. Ses territoires hébergent 8 des 34 « réserves critiques de biodiversité » listées par l’ONG Conservation International. À Cali, les négociateurs africains vont donc rappeler qu’il est fondamental de protéger ce patrimoine naturel.

L’Occident, développé grâce au charbon puis au pétrole depuis 250 ans a, lui, déjà beaucoup abîmé son environnement. Dans l’Union européenne (UE) par exemple, 80% des habitats naturels ont été dégradés par les activités humaines. Relativement épargnée, malgré son urbanisation et sa démographie galopantes, la nature africaine aide l’humanité à lutter contre le changement climatique. Les pays du bassin du Congo ne manquent pas de souligner, à juste titre à chaque COP, le rôle de poumon vert que jouent leurs écosystèmes pour l’ensemble de la planète. Comme pour le climat, ces pays attendent une reconnaissance de ce rôle de régulateur thermique et de gardien du vivant.

Leur objectif est donc aussi financier : exiger des pays développés qu’ils accélèrent le décaissage des financements pour la sauvegarde de la biodiversité. À Montréal, les États du monde étaient alors convenus de mobiliser chaque année 200 milliards de dollars d’ici 2030, toutes sources confondues ; et 20 milliards par an en aide au développement d’ici à 2025. Pour le moment, le compte n’y est pas.

Le chef négociateur de la RDC, Nicky Kingunia, a expliqué à RFI que son pays exigera aussi à nouveau qu’un fonds spécifique soit créé pour la biodiversité. Pour le moment, celui qui a été décidé lors de la dernière COP Biodiversité à Montréal est hébergé par le Fonds mondial pour l’environnement. Pas sûr que les pays riches consentent à la création d’un nouveau fonds. Ce sera sans aucun doute un point de friction dans les négociations.

Enfin, le groupe Afrique sera être très attentif aux épineuses discussions sur le partage équitable des bénéfices économiques tirés de l’exploitation (par le Nord) des ressources génétiques des plantes et des animaux (trouvées majoritairement au Sud). Il souhaite pour cela que le fonds multilatéral dont le principe a été décidé à Montréal, soit bien fourni et efficace. Et préviennent : ces bénéfices doivent être versés sous la forme d’un pourcentage des revenus issus de l’utilisation de ces ressources génétiques et non de contributions volontaires des Etats développés. D’ailleurs, ils souhaitent que cette plateforme soit gérée par la Convention sur la diversité biologique (organe onusien créateur de la COP biodiversité). Les retombées potentielles sont gigantesques car les données utilisées concernent aussi bien la recherche scientifique internationale que les industries privées des secteurs florissants tels que la pharmacie, les cosmétiques et l’agroalimentaire.

Dégradation des écosystèmes

Mais l’Afrique doit aussi protéger sa biodiversité pour elle-même. Les populations et les économies africaines dépendent de ce patrimoine naturel : la fertilité des sols, la disponibilité en eau, en bois, en poissons.

Or, tous ces écosystèmes sont en train de se dégrader à grande vitesse. Pa exemple, en raison du changement climatique, les déserts progressent, mettant à mal le secteur agricole. Les matières premières, fossiles ou indispensables à la transition énergétique, suscitent en outre la convoitise des pays et entreprises des pays développés, souvent au détriment de la faune et de la flore. Une étude menée par l’Agence française de développement publiées début 2024 confirmait l’érosion de la biodiversité en Afrique. La « capabilité écosystémique », qui mesure le potentiel des écosystèmes à fournir leurs services au cours du temps et à se renouveler de manière durable, a reculé de 5,6 % sur la période 2005-2019. Si toutes les régions africaines sont concernées par cette baisse, celle-ci est plus prononcée à Madagascar (-13,9 %), en Afrique australe (-7,5 %) et dans le bassin du Congo (-6 %) ».

Selon l’AFD, sur les plus de 200 000 écozones (des territoires écologiques aux caractéristiques particulières, qui englobent des écosystèmes) du continent, seules 39 % se classent ainsi en situation durable, quand 61 % affichent un état non durable. La menace est modérée pour 24 %, forte (29 %) ou critique (7 %). Ces écosystèmes dégradés se concentrent notamment au nord de l’Afrique, à l’ouest du continent ainsi qu’à l’extrême Sud et à Madagascar.  « Plus de 750 millions d’Africains vivent aujourd’hui dans des écozones non durables, dont 157 millions dans une aire où la menace est estimée critique. Ce qui est susceptible d’entraîner plusieurs conséquences : une fragilisation de la production économique dans ces territoires (qui représentent plus de la moitié du PIB africain), un accroissement de la pauvreté et une hausse de la migration. »

Les représentants des gouvernements africains devront donc aussi donner des gages. Ils doivent mettre en place les politiques nécessaires pour freiner la destruction du vivant. Il en va de la subsistance de leurs populations, majoritairement rurales et tributaires de leurs environnements pour vivre.

« Nous devons aussi changer nos comportements »

Il y a pour cela des solutions concrètes. Parmi les 23 engagements pris par les États à Montréal, il y a la protection de 30% des terres et des mers d’ici 2030. Mais en attendant, il faut déjà commencer par protéger véritablement les aires de conservation de la nature qui existent déjà sur le continent, préconisent quant à eux les rangers africains. Ce sont les gardiens de la biodiversité sur le terrain et ils le font souvent au péril de leur vie.

Que ce soit dans le parc des Virunga, où il a travaillé, à l’est de la RDC, ou bien dans celui de la Maiko où il est aujourd’hui écogarde, Alain Mukiranya constate que des pans entiers des parcs africains restent sans protection. La raison à cela : la présence de groupes armés, d’activités minières illégales ou de communautés qui s’y installent à la recherche de terres, de bois ou d’eau. Mais aussi en raison du manque de moyens pour les rangers comme lui :

« Par exemple, lorsqu’il faut escalader, il faut des équipements spéciaux pour ça, des cordes, de la ration [de nourriture] surtout parce qu’on est en plein milieu de la forêt. Imaginez une équipe de 50 personnes pendant un mois en forêt. Elles auront besoin de manger, de boire, il n’y a pas assez et souvent on doit se débrouiller avec ce qu’on peut trouver ». Les missions de terrains, a expliqué le professionnel, s’en trouvent raccourcies.

Il faut par ailleurs renforcer les aires marines protégées, créées plus récemment en Afrique, a, de son côté, souligné Arthur Tuda, expert en protection marine et directeur de l’Association des sciences marines de l’océan Indien occidental (WIOMSA) basée en Tanzanie. « En Afrique on se concentre sur les grands mammifères emblématiques comme les éléphants ou les rhinos… On oublie qu’on a aussi de la vie sauvage dans l’océan. Il ne faut pas seulement créer des aires protégées, nous devons aussi changer nos comportements, notre façon de pêcher… Il faut tout faire de manière durable désormais, pour que la vie marine puisse se régénérer ». Pour lui, l’Afrique peut atteindre les 30% d’aires protégées si les pays collaborent davantage entre eux.

Sur le plan géopolitique, qu’il s’agisse des COP climat ou biodiversité, le groupe Afrique a pris conscience de ses atouts naturels et fait entendre sa voix, de plus en plus à l’unisson. « C’est l’Afrique qui a dit à la Russie au Sommet de l’avenir « non vous ne bloquerez pas le Pacte sur le futur, vous n’avez pas de raison de le faire ». Dans la négociation sur la fin du plastique, le

Rwanda a été très pro-environnement… Bien qu’en face on ait la Russie, la Chine, l’Inde – tous alliés de l’Afrique -, le continent prend des positions pour l’environnement contre ces acteurs-là. La capacité de l’Afrique à parler d’une seule voix et de manière organisée est marquante. Ce sont d’ailleurs ceux qui parlent le plus fort concernant les besoins financiers », analyse Sébastien Treyer, directeur de l’Institut du développement durable et des relations internationales. Forte de ses atouts naturels, l’Afrique compte bien continue d’actionner le levier diplomatique.

Moctar FICOU / VivAfrik

Avec RFI

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