Afrique : En nette augmentation, la production locale de riz stimule l’offre intérieure

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Par Blaise Nnang

Selon l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le volume de la production de riz en Afrique est passé de 32,9 millions de tonnes métriques à 37,9 millions de tonnes métriques entre 2017 et 2020. L’adoption de nouvelles pratiques agricoles dans la région africaine qui stimule l’offre intérieure devrait stimuler la croissance du marché du riz dans la région. La demande de riz augmente de plus de 6 % par an.

Selon AfricaRice, le riz est une denrée stratégique pour la sécurité alimentaire en Afrique : Le riz est la source d’énergie alimentaire prédominante en Afrique de l’Ouest et à Madagascar, et est la seconde plus importante source de calories en Afrique. La demande de riz augmente de plus de 6 % par an – plus vite que toute autre denrée de base en Afrique subsaharienne du fait de la croissance démographique, de l’urbanisation et du changement des préférences des consommateurs. Le riz est cultivé dans près de 40 des 54 pays du continent africain et la riziculture est la principale activité et source de revenus de plus de 35 millions de petits riziculteurs en Afrique. Certes, la plupart des pays africains sont fortement tributaires des importations pour satisfaire la demande croissante de riz des consommateurs.

Cependant, avec l’introduction de la culture ciblée du riz à travers plusieurs études, la production locale a augmenté.  Selon l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le volume de la production de riz en Afrique est passé de 32,9 millions de tonnes métriques à 37,9 millions de tonnes métriques entre 2017 et 2020. Le volume de production élevé peut être attribué aux conditions climatiques favorables dans la région caractérisée par des environnements continus humides et subhumides, des basses terres pluviales et des environnements d’eau profonde / riz flottant.

Néanmoins, cette production locale de riz ne couvre que 60 % de la demande en Afrique, donnant lieu à des importations de 14 -15 millions de tonnes par an (coûtant plus de 6 milliards de $ US), ce qui constitue des pertes considérables en réserves de devises étrangères du continent. Bien que les conditions naturelles soient favorables à la croissance du marché, les agriculteurs améliorent également les investissements dans l’irrigation artificielle. Les meuniers s’engagent dans des activités d’agriculture contractuelle avec les petits exploitants agricoles pour s’approvisionner en paddy. Cela a fourni aux agriculteurs une source stable de revenus auprès des meuniers, et a amélioré la production de riz dans la région.

Le riz est principalement cultivé par les femmes dans les écologies pluviales en Afrique, car elles offrent la majeure partie de la main-d’œuvre du semis à la commercialisation, en passant par le désherbage, la récolte et la transformation. Le secteur rizicole a le potentiel d’employer la plupart des 17 millions de jeunes qui entrent chaque année sur le marché du travail en Afrique subsaharienne. Ce qui fait dire à AfricaRice que l’Afrique a les ressources humaines, physiques et économiques pour produire assez de riz de qualité de façon durable en vue de se nourrir, et sur le long terme d’exporter vers d’autres régions.

19,4 millions de tonnes de riz produites en 2019/2020 en Afrique subsaharienne

Ce volume représente environ 4 % de la production rizicole mondiale. Par comparaison, la Thaïlande fournit à elle seule plus que toute la région (20 millions de tonnes). Toutefois, même si la contribution du continent africain au stock rizicole mondial reste encore mineure, les filières africaines essaient tant bien que mal de se développer. Avec un taux de croissance de 6 %, la production de riz a progressé plus rapidement que celle de toutes les autres céréales du continent au cours de la décennie 2006-2015, selon l’OCDE/FAO. Par ailleurs, d’après les données de la FAO, le rendement rizicole en Afrique de l’Ouest a augmenté de 33 % sur la période 2007-2017 ; le maïs n’a enregistré qu’une hausse modeste de 5 % dans le même temps.

L’Afrique encore dépendante des importations

Selon les statistiques commerciales de l’ITC, les importations africaines de riz ont représenté 23 189,9 millions USD en 2019, la Côte d’ivoire, le bénin et l’Afrique du Sud étant les principaux importateurs. Le Nigeria, la Côte d’ivoire, Madagascar, le Mali et la Tanzanie sont les principaux producteurs de riz de la région. L’augmentation de la consommation intérieure est satisfaite par les importations, tandis que l’avantage climatique approprié pour la riziculture encourage la production. Ne représentant que 13 % de la population mondiale, l’Afrique représente 32 % des importations mondiales de riz, ce qui en fait un important acteur du commerce international du riz.

La Côte d’ivoire, principal importateur de riz

Le pays a importé pour 550,3 millions USD de riz en 2020, soit 1,1 million de tonnes métriques. Alors que GOCI estime que 2,0 millions de tonnes métriques de riz blanchi satisferaient la consommation intérieure d’ici 2025. Bien que le riz soit un aliment de base en Côte d’ivoire, la production locale ne couvre que 50% de la consommation du pays, ce qui rend la Côte d’ivoire très dépendante des importations.

Actuellement, le secteur du riz est très informel, fragmenté et inefficace, et souffre donc d’un manque de compétitivité par rapport au riz importé.  En 2018, la Fondation Louis Dreyfus, en partenariat avec FairMatch Support (FMS) et avec l’implication de Louis Dreyfus Company (LDC), a lancé le projet d’amélioration de la performance du secteur rizicole Boundiali (BRISPI), dans le Nord de la Côte d’ivoire, afin d’améliorer la production de riz des petits exploitants agricoles et d’améliorer leur sécurité alimentaire.

La croissance démographique et l’évolution des habitudes alimentaires des consommateurs augmenteraient presque certainement ce chiffre dans les années à venir. Le riz est devenu une partie importante de l’alimentation des consommateurs et est utilisé dans de nombreuses cuisines dans les restaurants et à la maison. En conséquence, les importations de riz continueront de jouer un rôle en Côte d’ivoire dans un avenir prévisible.

Alors même que le pays vise à atteindre l’autosuffisance en riz d’ici 2025, cette échéance risquerait à cette allure d’être difficile à tenir en raison de la perturbation des cours mondiaux, la stagnation de la production et la faible production du riz au niveau national. Toutefois, le gouvernement ivoirien s’est donné pour objectif d’accroître la production et les capacités de transformation du riz afin de réaliser son ambition. Parmi les mesures prises par l’État ivoirien, on note : la distribution de semences améliorées, l’irrigation, la mécanisation et la formation des producteurs. Par ailleurs, l’État ivoirien a également mis en place des politiques pour encourager la production locale de riz, telles que la suppression des taxes sur les intrants agricoles et la subvention des producteurs. Selon une étude de la FAO, pour atteindre l’autosuffisance en riz, la Côte d’Ivoire doit au moins doubler sa production actuelle pour répondre à une croissance annuelle de la demande domestique de 3 %.

La demande en riz croît de 6% par an environ en Afrique de l’Ouest

Selon Rikolto, le riz est une denrée ultra stratégique en Afrique de l’Ouest. La demande en riz croit de 6% par an environ (de 11 millions de tonnes en 2008/2009 à 15 millions de tonnes en 2012/2013), avec des consommations annuelles par habitant dépassant les 100 kg dans certains pays. L’Afrique de l’Ouest est la région la plus grande importatrice de riz au monde. Elle consomme à elle seule, 20% des volumes échangés sur le marché mondial, bien que disposant des potentialités pour nourrir sa population. Or, ces volumes ne représentent en moyenne que 7% de la production mondiale. La tentation pour les décideurs de poursuivre avec des politiques alimentaires fortement basées sur l’importation du riz est grande, vu les facilités d’approvisionnement en un riz homogène et bien nettoyé.

Cette dépendance d’approvisionnement en riz du marché mondial est cependant problématique, car à la moindre difficulté, les pays producteurs (asiatiques) assureront au préalable la sécurité alimentaire de leurs propres populations. En témoigne la réduction de l’exportation du riz par les pays asiatiques qui a été un élément déclencheur de la flambée des prix en Afrique en 2008. A long terme, la sécurité alimentaire en riz de l’Afrique de l’Ouest, selon Rikolto, ne pourra plus dépendre des importations alimentaires. Elle va dépendre grandement des capacités de la sous-région à développer sa propre riziculture – en tenant aussi compte des menaces réelles du changement climatique dans cette partie du monde – ainsi que le marché du riz local.

Selon Mame Birame Ndiaye, chargé de programme riz/point focal pour le bureau régional de l’Afrique de l’Ouest du cluster riz du réseau Rikolto, il est important d’investir dans la chaîne de valeur parce qu’elle est source de création d’emploi pour les jeunes du fait que le marché existe et que les facteurs de production sont disponibles. Au plan macro, l’investissement par les états dans la chaîne de valeur permettra une réduction des pertes de devises ; il faut en effet reconnaître que les importations de riz représentent actuellement environ 5,2 millions de tonnes contre 1,7 millions au début des années 1990.

La production locale avoisine près de 2 millions de tonnes en Afrique de l’Ouest

La production annuelle totale varie de seulement 90 000 tonnes pour le Niger à près de 2 millions de tonnes pour le Mali. Le taux de couverture des besoins par la production nationale varie lui de 15 % au Niger jusqu’à 93 % au Mali. Le riz est produit par des exploitations familiales disposant de peu de surfaces. Les rendements moyens observés par pays dépendent de l’importance des périmètres irrigués. Le Niger se détache avec des rendements de 5 à 7 tonnes à l’hectare puisque les périmètres y produisent 85 % du total. C’est aussi le pays où la surface moyenne est la plus faible avec seulement 1/3 d’hectare, selon Alimenterre.

Le riz s’est surtout imposé dans les habitudes alimentaires urbaines car il est plus facile à cuisiner. Le cas du Niger est emblématique avec 20 kilos consommés en moyenne par personne et par an en ville, et 2,4 kilos à la campagne. Le riz local est compétitif par rapport au riz importé, surtout au Bénin, Niger, Sénégal. Son goût peut être préféré par les consommateurs, mais c’est au niveau du conditionnement et du marketing qu’il perd des parts de marché.

Premier consommateur africain de riz, le Nigeria occupe également la place de premier producteur de la céréale. Le pays le plus peuplé du continent a produit environ 5 millions de tonnes de riz blanchi en 2022/2023. Sur ces dernières années, les autorités ont multiplié les partenariats avec le secteur privé et des investissements publics pour renforcer le segment de la transformation afin d’améliorer l’offre et réduire les importations.

Cette politique a déjà porté ses fruits, permettant au pays de disposer d’une capacité d’usinage de 3 millions de tonnes en 2021 contre seulement 350 000 tonnes en 2015 selon les données de l’USDA.  Dans le top 5 des pays producteurs de riz en Afrique de l’Ouest, viennent ensuite, la Guinée, avec près de 1,95 million de tonnes de riz blanchi en 2022/2023 ; le Mali occupe la 3ème position avec 1,8 million de tonnes, la Côte d’Ivoire, avec une production de 1,1 million de tonnes de riz blanchi, en 2022/2023 et le Sénégal avec 950 000 tonnes de riz blanchi produites en 2022/2023.

Le Nerica, le « miracle africain »

Mis au point à l’origine par des chercheurs de l’Association pour le développement de la riziculture en Afrique de l’Ouest (Adrao), un centre intergouvernemental de recherche sur le riz, le Nouveau Riz pour l’Afrique (Nerica), est issu du croisement d’une ancienne variété africaine très résistante et d’une variété asiatique à haut rendement.

Il allie les caractéristiques de ces deux variétés : la résistance à la sécheresse et aux parasites, des rendements supérieurs même avec peu d’irrigation ou d’engrais et une teneur en protéines plus élevée que les autres variétés de riz. C’est tout simplement « une culture miracle », a déclaré à Afrique Relance le Directeur général de l’Adrao, Kanayo Nwanze, lors de la troisième Conférence internationale de Tokyo sur le développement africain (29 septembre-1er octobre), au cours de laquelle le Nerica a occupé une place importante.

Les partisans du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), vaste programme de développement adopté en 2001 par les dirigeants du continent, ont pris conscience du potentiel que représente le Nerica. Le Comité de direction du NEPAD a fait figurer le Nerica parmi les « meilleures pratiques » du continent et a approuvé l’objectif qui consiste à développer la culture de ce riz dans l’Ouest et le centre de l’Afrique et à l’étendre à l’Afrique orientale et australe, dans le cadre d’une volonté plus générale d’accroître la production agricole et la sécurité alimentaire.

Le Nerica, explique le professeur Richard Mkandawire, conseiller du NEPAD pour l’agriculture, peut aider à « accélérer le processus d’élimination de la faim et de la famine sur le continent africain. Grâce aux travaux novateurs de M. Monty Jones, un chercheur de la Sierra Leone qui a trouvé de nouvelles façons de croiser des espèces courantes de riz africain et asiatique, l’Adrao – également connue sous le nom de Centre du riz pour l’Afrique – est parvenue à mettre au point ce nouveau type de riz. Lorsque les premiers tests du Nerica ont été effectués dans des champs d’essai de la Côte d’Ivoire en 1994-95, explique M. Nwanze, l’ADRAO s’est aperçue que cette nouvelle variété alliait ce que le riz asiatique et le riz africain avaient chacun de mieux à offrir ».

Le marché africain du riz fortement orienté vers l’Afrique de l’Ouest

L’Afrique de l’Ouest occupe une place centrale dans le marché rizicole africain, à plusieurs égards. 4e céréale produite dans la région, après le mil, le sorgho et le maïs, le riz n’en reste pas moins un aliment de base majeur dans la région. En effet, la région représente plus de 65 % de la production du continent grâce à des pays comme le Nigeria, la Côte d’Ivoire, le Mali et la Guinée. D’un autre côté, la consommation de l’Afrique de l’Ouest est l’une des plus fortes du monde. Le volume par habitant tourne en effet autour de 45-55 kg/an par habitant, soit le double de la consommation moyenne subsaharienne. La tendance varie beaucoup selon les pays. La consommation grimpe entre 80 et 100 kg/an en Côte d’Ivoire et au Sénégal et descend à 35 kg au Ghana et même à 32 kg au Nigeria, selon les données de l’USDA. La région dépend à hauteur de 40 % des importations pour couvrir ses besoins.

Un marché mondial fortement impacté par le Covid

Selon une analyse de Modor Intelligence, la taille du marché du riz en Afrique devrait passer de 13,29 milliards USD en 2023 à 15,72 milliards USD, d’ici 2028, à un TCAC de 3,41% au cours de la période 2023-2028. L’épidémie de coronavirus a eu de graves répercussions sur la production et le commerce de plusieurs produits de base sur le marché mondial, en particulier en Afrique. Les pays d’Afrique sont fortement tributaires des importations, ce qui entraîne un manque d’autosuffisance. L’introduction de restrictions commerciales a perturbé l’approvisionnement en riz en provenance des pays du marché mondial. La réduction des importations de riz dans le pays au cours de la phase initiale de la COVID-19 a eu un impact sur les prix de détail et de gros du riz dans plusieurs pays comme le Nigeria, le Cap-Vert, le Cameroun, etc. L’augmentation des prix des produits de base peut être attribuée au manque d’offre pour satisfaire la demande intérieure des consommateurs. Par conséquent, le marché du riz en Afrique a été affecté négativement par la pandémie mondiale.

Blaise Nnang, Journaliste

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