Le fonds « pertes et dommages », consacré à la réparation des catastrophes climatiques a été adopté à la surprise générale dès l’ouverture de la 28ème Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 28) à Dubaï, aux Émirats Arabes Unis.
La mise sur pied de ce fonds consacré à la réparation des catastrophes climatiques dans les pays vulnérables a été adoptée dans les premières heures de la COP28, jeudi 30 novembre 2023. Ce fonds, qui était l’une des grandes avancées de la COP27 qui s’est tenue il y a un an à Charm-el-Cheikh en Égypte, attendait son opérationnalisation maintenant effective. Cette décision importante satisfait également du côté des acteurs africains, où de nombreux pays font face à de graves catastrophes météorologiques.
Alors que l’Organisation météorologique mondiale (OMM) confirmait que l’année 2023 devrait être la plus chaude jamais enregistrée, le président émirien de la COP28, Sultan al-Jaber a déclaré que « nous avons écrit une page d’histoire » avec la concrétisation du fonds « pertes et dommages » qui est le fruit d’un combat long de trente ans des pays dits du Sud, dont les pertes liées au changement climatique s’élèvent à plus de 8 % de leurs richesses nationales.
« On ne peut être qu’heureux, car c’est commencer cette COP sur une note positive. Cette décision sur les pertes et dommages n’était pas gagnée d’avance. Et voilà, aujourd’hui, cet instrument de gouvernance est adopté et le fonds est opérationnel », s’est réjoui Tosi Mpanu-Mpanu, ambassadeur de la République démocratique du Congo (RDC) à la COP.
Un pas positif pour espérer dégripper les tensions financières entre le Nord et le Sud, en parallèle des négociations sur les énergies fossiles.
Reste à savoir de combien sera doté ce fonds, provisoirement accueilli par la Banque mondiale, contre l’avis initial des pays en développement. Les premières promesses ont commencé à pleuvoir : 225 millions d’euros pour l’Union européenne (dont 100 millions de dollars annoncés par l’Allemagne), 100 millions de dollars pour les Emirats, 10 millions de dollars pour le Japon, 17,5 millions pour les Etats-Unis, jusqu’à 40 millions de livres (environ 50 millions de dollars) pour le Royaume-Uni…
Des montants insuffisants
Près de 420 millions de dollars ont été promis par les Émirats arabes unis, l’Union européenne, l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Japon et les États-Unis… De quoi lancer ce fonds, mais cela reste insuffisant. « Lorsque l’on prend les 55 pays les plus vulnérables, au cours des deux décennies qui se sont écoulées, environ 580 milliards de dégâts ont été subis par ces pays à cause de ce changement climatique, a rappelé Tosi Mpanu-Mpanu. Et l’on pense que si le changement climatique continu dans sa trajectoire actuelle, d’ici à 2030, ces 580 milliards accumulés sur 20 ans pourraient être le montant annuel auxquelles les pays doivent faire face en termes de dégâts suite aux aléas climatiques ».
Pour sa part, Joyce Banda, ex-présidente du Malawi, où les cyclones ont tué 500 personnes et en ont déplacé un demi-million cette année, a réagi en demandant « plus d’action et moins de déclarations d’intention » de la part des pays riches et premiers pollueurs de la planète. Les militants africains de défense de l’environnement déplorent également que ce nouveau fonds soit hébergé pendant quatre ans par la Banque mondiale, jugée trop proche des intérêts occidentaux.
La Sénégalaise Madeleine Diouf Sarr, présidente du groupe des pays les moins avancés, qui représente 46 des nations les plus pauvres, a salué une décision d’une « signification énorme pour la justice climatique ». « Mais un fonds vide ne peut pas aider nos citoyens », a-t-elle souligné, alors que les pertes se chiffrent en centaines de milliards. « On ne sera pas tranquilles tant que ce fonds ne sera pas financé convenablement et commencera à alléger le fardeau des communautés vulnérables », a-t-elle ajouté.
Le caractère non contraignant de ce fonds concentre aussi les critiques. Certains pays les plus développés comme les États-Unis préférant verser leur part sur la base du volontariat. C’est notamment ce que note Edmond Totin, enseignant à l’université nationale d’Agriculture du Bénin et rédacteur Afrique pour le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). « Je n’ai rien vu qui puisse contraindre les pays développés à contribuer. On a bien vu que généralement l’environnement est une priorité juste dans la période de ces événements. Mais après les priorités changent rapidement ».
Moctar FICOU / VivAfrik