« Les agriculteurs n’ont pas été indemnisés » dans le cadre du projet forestier BaCaSi au Congo-Brazzaville

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Sur financement du groupe français TotalÉnergies, le projet BaCaSi devrait créer un massif forestier de 40 000 hectares de forêts, avec 200 000 arbres, pouvant séquestrer 10 millions de tonnes de carbone sur vingt ans. Mieux, il y a près de deux ans, TotalEnergies lançait, avec l’État congolais, le projet BaCaSi, dans le département des Plateaux. L’objectif était de créer un massif forestier sur près de 40 000 hectares en l’espace de dix ans et développer l’agroforesterie. Problème, ce projet se serait développé au détriment des populations locales. Suffisant pour le secrétaire permanent du Secours catholique, le CCFD-Terre Solidaire et la Commission diocésaine Justice et Paix de Pointe-Noire, Brice Mackosso, de dénoncer, dans une interview accordée à Radio France internationale (RFI) les contres coups du projets.

Brice Mackosso, ce projet BaCaSi a donc été inauguré en novembre 2021, 55 000 hectares ont donc été alloués à TotalEnergies. Ces terres-là, vous dites, sont constituées de savanes et de forêts galeries utilisées notamment pour la culture du manioc. Le premier problème, dites-vous, c’est que les populations locales ont été évincées de ces terres avec l’arrivée de ce projet…

Exactement, puisqu’il a été demandé à tous les agriculteurs de cesser les activités sur cette zone. Les autochtones également ont été priés de ne plus mener d’activités dans ces forêts galeries [forêts denses fermées qui accompagnent les cours d’eau dans les régions de savanes, NDLR] ceci avant que le plaidoyer de nos trois organisations ne soit mis en place.

Est-ce que les populations locales ont été prévenues en amont de ce projet ?

D’après le gouvernement et TotalEnergies, évidemment les populations ont été prévenues. Mais lorsque nous avons discuté avec ces mêmes populations, elles nous ont fait savoir qu’elles ne comprenaient pas très bien le projet et qu’il y a eu beaucoup de surprises aussi bien du côté des terriens que des agriculteurs sur le développement actuel du projet.

Ce que vous dites un petit peu dans ce rapport, c’est que, pour vous, il n’y a pas eu vraiment de concertation entre TotalEnergies et les populations locales…

Exactement. Je parlerai des terriens par exemple à qui on dit qu’ils ont vendu la terre, alors que, d’après les terriens de la zone, il y a eu juste une compensation symbolique, un franc symbolique qui a été donné aux populations. Le gouvernement a dit : nous prenons vos terres pour développer le pays. Mais après le discours qui a été servi, c’est que les terriens ont vendu la terre et que ça, ces terriens Batéké qui ne vendent jamais leurs terres sont un peu frustrés de ce comportement mercantiliste qui leur a été attribué.

Et les populations après coup n’ont pas été indemnisées par TotalEnergies dans le cadre de ce projet ?

Dans le cadre de ce projet, les agriculteurs n’ont pas été indemnisés. Il leur a juste été demandé de faire les récoltes et de cesser toute autre activité agricole dans la zone. Mais il n’y a pas eu d’indemnisation dans le sens où ces agriculteurs, qui avaient investi des sommes d’argent déjà pour louer la terre auprès des terriens, et également pour travailler cette terre, ces agriculteurs n’ont pas été indemnisés pour les fonds investis dans le cadre de leur activité qu’ils menaient dans la zone.

À travers ce projet BaCaSi, ce que vous dénoncez, c’est ce système de compensation carbone utilisée par les multinationales comme TotalEnergies. Expliquez-nous-en quelques mots ce que c’est cette compensation carbone…

La compagnie décide de planter des acacias pour séquestrer du carbone. Mais là encore, nous ne comprenons pas très bien le projet de la compagnie. Est-ce que c’est le carbone qu’ils vont mettre sur le marché international des carbones ou est-ce que c’est juste pour compenser leur bilan carbone ?

Il est demandé aux entreprises multinationales, notamment celles qui travaillent dans les fossiles [énergies, NDLR], de réduire leur empreinte carbone. Et les multinationales pensent, et notamment aussi avec l’Accord de Paris qui a prévu ce mécanisme qu’il est possible de mener des projets d’agroforesterie pour pouvoir compenser ces carbones. Pour nous, nous pensons que les entreprises devraient beaucoup plus améliorer leur technique, réduire l’empreinte carbone en améliorant ou en réduisant les gaz à effet de serre. Mais ce n’est vraiment pas en utilisant cette technique de compensation via des forêts d’agroforesterie qu’on va vraiment réduire l’empreinte carbone dans le monde.

Aujourd’hui, il y a des discussions avec TotalEnergies. Vous êtes parvenu à entrer en contact avec la multinationale qui avait déjà été mise en cause l’an passé sur ce même projet par d’autres organisations ?

C’est cela. Aujourd’hui, nous avons un dialogue constructif avec la multinationale sur ce sujet afin de permettre aux agriculteurs de reprendre leur travail, mais aussi aux autochtones de repartir mener leurs activités dans les forêts galeries. Pour les autochtones, cela a été acté. Ils ont aujourd’hui accès aux forêts galeries grâce évidemment au plaidoyer que nous avons mené. Il y a un projet d’accord entre les agriculteurs et la compagnie afin que ceux-ci repartent travailler. Nous avons bon espoir que cet accord va être signé assez rapidement. Mais nous posons tout de même la question pour savoir quelles formes d’accompagnement la compagnie va pouvoir faire vis-à-vis des agriculteurs qui ont déjà, pendant deux ans, perdu les moyens de subsistance. Comment ces agriculteurs pourront redémarrer une activité après avoir perdu les moyens financiers ?

Avec RFI

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