Établir une carte d’identité du bois pour freiner la déforestation illégale

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Par Rishika Pardikar

Des chercheurs ont créé un nouvel outil d’analyse pour améliorer la traçabilité du bois qui pourrait permettre d’appliquer la législation de l’Union européenne visant à lutter contre la déforestation.

Plus d’un quart de la disparition des forêts à l’échelle mondiale est dû à la production de produits de base, ce qui inclut donc l’exploitation forestière. On le sait, la déforestation illégale fournit une partie du bois qui sert à fabriquer des meubles ou des fenêtres, mais une vérification indépendante de l’origine du bois une fois le produit fini est une tâche titanesque. Aujourd’hui, des chercheurs découvrent de nouveaux moyens d’identifier le bois.

La composition chimique varie selon la provenance géographique. À l’Université de Wageningen, aux Pays-Bas, des scientifiques ont analysé des échantillons issus de près de 1000 arbres du Cameroun, du Congo, du Gabon et d’Afrique Centrale, ainsi que de la partie indonésienne de l’île de Bornéo. Ils concluent qu’il est possible de déterminer leur origine à l’échelle infranationale. Ils vantent maintenant les mérites de cette analyse qui représente un pas en avant vers un outil de traçabilité mondial.

« La motivation la plus importante [pour entreprendre ces recherches] a été d’améliorer la traçabilité à petite échelle », explique Laura Boeschoten, spécialiste de données. « Mais au bout du compte, le but est surtout de réduire le commerce illégal du bois. » Laura Boeschoten est l’auteure principale de l’étude et doctorante à l’Université de Wageningen. Actuellement, les méthodes de traçabilité du bois ne limitent pas systématiquement l’origine d’un échantillon à une zone inférieure à 100 kilomètres, la distance a priori requise pour identifier avec précision un bois coupé illégalement.

Identifier les éléments afin d’identifier le bois

L’équipe a prélevé des échantillons de bois de cœur provenant de trois bois tropicaux dans des régions économiques importantes : azobé et tali en Afrique centrale, et meranti rouge à Bornéo. Elle a également enregistré les coordonnées GPS des arbres, tous situés dans des concessions forestières – des zones délimitées par le gouvernement où l’exploitation est administrée par une entité privée.

Chaque échantillon a été dissous et environ 40 éléments ont été dosés, notamment le magnésium, le calcium et le lanthane, afin de générer une carte d’identité pour chaque concession forestière. L’équipe a ensuite développé un modèle d’affectation avec un système d’apprentissage-machine pour déterminer l’origine la plus probable de l’échantillon. Le modèle était entraîné à partir de sous-ensembles aléatoires issus de la base de données, après quoi les échantillons pouvaient être affectés à leur origine la plus probable.

L’une des limites de cet outil est qu’il aide à répondre à la question « Est-ce que ce bois provient de telle ou telle région ? », mais pas à la question « D’où vient ce bois ? »

Parce que la composition chimique d’un arbre varie d’une région à l’autre, l’apprentissage-machine contribue à distinguer les principaux éléments présents pour une région donnée. Pieter Zuidema, écologiste des forêts et co-auteur de l’étude à l’Université de Wageningen, propose un exemple : les échantillons montrent que l’ouest du Cameroun présente une forte concentration de molybdène tandis que les concentrations de sodium sont plus importantes dans l’est de la République du Congo et celles de silice caractérisent le nord de Bornéo.

Les chercheurs ont découvert que l’on pouvait déterminer la provenance des échantillons à l’échelle infranationale avec une précision de 86 % à 98 % en Afrique centrale, et de 88 % au niveau de la forêt d’origine à Bornéo. Lorsqu’une tierce partie indépendante a effectué un test en situation réelle, le modèle a localisé l’origine infranationale des échantillons avec une précision de 70 % à 72 %.

Selon Pieter Zuidema, l’une des limites de cet outil est qu’il aide à répondre à la question « Est-ce que ce bois provient de telle ou telle région ? », mais pas à la question « D’où vient ce bois ? ». D’autres recherches seront nécessaires pour l’affiner et le rendre moins restrictif.

Satisfaire les objectifs de la loi

De telles analyses multi-éléments existent pour d’autres produits, notamment l’asperge, la banane et le thé. « Mais c’est la première fois qu’elle est appliquée au bois », précise Pieter Zuidema.

« Je crois fermement au fort potentiel de cette technique. Chaque nouvelle découverte est un pas immense dans la bonne direction. »

Ces analyses pourraient constituer un outil important au vu de la nouvelle loi visant à lutter contre la déforestation dans l’Union européenne (UE). Celle-ci oblige les entreprises à garantir que les produits qu’ils vendent dans l’UE ne contribuent pas à la déforestation ou à la dégradation des forêts, et ce en conformité avec les lois du pays d’origine. Les produits concernés par cette législation sont le bœuf, le cacao, le café, l’huile de palme, le caoutchouc, le soja et le bois.

« Je crois fermement au fort potentiel de cette technique », dit Victor Deklerck, directeur de recherche de World Forest ID aux Royal Botanic Gardens de Kew, au Royaume-Uni. « Chaque nouvelle découverte est un pas immense dans la bonne direction. » Cependant, il reconnaît également que la chimie du bois n’est pas évidente : « Les quantités d’éléments-traces peuvent varier selon les années ou les cernes de l’arbre. Il faut plus de recherches pour un signal plus constant ».

Rishika Pardikar (@rishpardikar), Journaliste scientifique.

Avec eos.org

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