Le sommet pour un nouveau pacte financier mondial organisé du 22 au 23 juin 2023 à Paris, la capitale française s’est achevé sur des avancées timides et reste un projet. Malgré quelques annonces de réformes et d’aides, l’événement est loin de concrétiser le Big Bang espéré pour réorienter la finance au service du climat.
Ainsi, la quarantaine de gouvernants qui se sont réunis à Paris pour tenter de faire face aux problèmes de surendettement et de transition climatique ne sont toutefois pas parvenu à combler le fossé entre les Etats du Nord et du Sud.
« Cher camarade Macron, préparez-vous, car j’ai une volonté de me battre encore bien plus forte qu’il y a treize ans. » Le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, a conclu à sa manière, vendredi 23 juin 2023, le sommet sur le nouveau pacte financier mondial organisé sous l’égide de son homologue français, Emmanuel Macron, dans l’espoir de dégager de nouvelles ressources au service de la lutte contre la pauvreté et contre le réchauffement climatique. « Ceux qui ont réellement pollué la planète pendant les deux cents dernières années sont ceux qui ont fait la révolution industrielle », avait martelé l’ancien syndicaliste, la veille au soir, lors d’un concert sur le Champ-de-Mars. « C’est pour cela qu’ils doivent payer la dette historique qu’ils ont envers la planète ».
Des dollars mais pas de révolution : le sommet s’est terminé avec quelques avancées en faveur des pays pauvres mais sans encore concrétiser le Big Bang espéré pour réorienter la finance mondiale au service du climat.
En clôture du sommet, le président français Emmanuel Macron, qui était l’invité exceptionnel de France 24 vendredi 23 juin 2023, s’est félicité d’un « consensus complet » pour « réformer en profondeur » le système financier mondial.
Ces quelques formules ciselées n’ont pas empêché les deux hommes de déjeuner ensemble à l’Elysée un peu plus tard. Mais elles résument à elles seules la difficulté de récréer des liens entre les Etats du nord et du sud de la planète sur les principaux défis du moment. Organisé dans l’enceinte du Palais Brongniart, le sommet a réuni pendant deux jours une quarantaine de dirigeants venus des pays riches, des grands émergents comme des Etats les plus vulnérables. Le premier ministre chinois, Li Qiang, avait fait le déplacement, tout comme le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, et le chancelier allemand, Olaf Scholz, seul représentant à ce niveau du G7, hormis M. Macron. Il s’agissait, dans l’esprit du président français, de dépasser les clivages révélés et amplifiés par l’invasion russe de l’Ukraine, sur un terrain diplomatico-financier où l’urgence est de mise. Cinquante-trois pays sont en situation de surendettement ou s’en rapprochent et l’indice de développement humain a reculé en 2021 dans neuf pays sur dix.
Pourtant, la rencontre s’est achevée par une série de petits pas sans la grande déclaration commune espérée un temps par la présidence française, qui a simplement publié dans l’après-midi son propre « résumé » des discussions.
Paris accueillait de nouveau vendredi une quarantaine de chefs d’État et de gouvernement, dont le Brésilien Lula, dans une réunion censée concrétiser des idées nées à la dernière COP, en Égypte, avant la prochaine, aux Émirats arabes unis à la fin de l’année. Quelques annonces ont été faites au palais Brongniart, ancien siège de la Bourse de Paris.
Plusieurs pays (Barbade, Espagne, États-Unis, France, Royaume-Uni), avec la Banque mondiale, ont ainsi soutenu un système de suspension automatique du remboursement de la dette en cas de catastrophe naturelle.
Mia Mottley, Première ministre de la Barbade, poussait depuis des mois pour transformer le système financier avec notamment une telle clause.
« C’est une bonne journée, car presque tout le monde a accepté la validité des clauses de catastrophe naturelle », a jubilé la dirigeante dans une interview à l’AFP jeudi soir 22 juin 2023 avant un grand concert pour le climat devant la Tour Eiffel.
« La montagne a accouché d’une souris »
Dans une longue tirade passionnée, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a pour sa part déploré pêle-mêle vendredi l’inertie de la communauté internationale en matière de lutte contre le changement climatique et de réduction des inégalités, ainsi que le protectionnisme des Occidentaux.
Il a vertement critiqué les institutions financières internationales : « Celui qui est riche est toujours riche et celui qui est pauvre est toujours pauvre ».
Face aux immenses attentes pour faire face à la crise climatique, les avancées du sommet ont encore semblé maigres à une partie de la société civile. « La montagne a accouché d’une souris », a déploré Greenpeace.
« Le sommet se termine sans une reconnaissance explicite du principe de pollueur-payeur », regrette l’ONG, qui souhaiterait que les entreprises du secteur fossile « payent pour le chaos climatique ».
Plus de 350 personnes se sont aussi rassemblées vendredi matin au pied de la statue de la République, à Paris, des militants écologistes transformant des dollars géants noirs en dollars verts pour inciter les dirigeants politiques à arrêter d’investir dans les énergies fossiles et à basculer dans la finance verte.
« Nous sommes favorables à une taxe internationale sur le transport maritime parce que c’est un secteur qui n’est pas taxé », a aussi dit Emmanuel Macron, qui voudrait voir cette question avancer lors d’une prochaine réunion de l’Organisation maritime internationale (OMI) début juillet.
La présidence a décompté une coalition de 22 pays (dont le Danemark, la Grèce, le Vietnam ou encore la Nouvelle-Zélande), avec la Commission européenne, soutenant cette initiative.
Mais cette question épineuse semble encore loin de faire consensus. « Si la Chine, les États-Unis et plusieurs pays européens clés qui ont aussi des grandes entreprises impliquées ne nous suivent pas, alors vous mettez une taxe en place mais elle n’a pas d’effet », a regretté Emmanuel Macron.
100 milliards de dollars pour les pays pauvres
Le sommet avait cependant engrangé quelques autres progrès jeudi. Des pays riches vont ainsi payer le Sénégal pour l’aider à se débarrasser du fioul lourd dans son énergie. La Zambie verra sa dette allégée, une annonce saluée à Lusaka, où les parlementaires ont entonné l’hymne national pour marquer leur joie.
Le Fonds monétaire international (FMI) va pour sa part augmenter à 100 milliards de dollars ses financements pour les pays pauvres.
« Le sommet de Paris a fait naître l’espoir d’une réforme radicale du système financier mondial », a commenté Nick Mabey, co-directeur de l’influent groupe de réflexion E3G. « Le défi maintenant est de mettre en oeuvre cette vision dans l’année qui vient, ce qui nécessitera une diplomatie intense et des décisions difficiles », a souligné l’observateur.
Dans sa « feuille de route » proposée pour les mois à venir, la France a déjà marqué une série de rendez-vous importants avec le sommet du G20 en Inde en septembre, suivis des réunions d’automne de la Banque mondiale et du FMI, puis la COP28 à Dubaï en fin d’année.
Moctar FICOU / VivAfrik