Le nouveau Code sénégalais de l’environnement regorge beaucoup d’insuffisances. C’est du moins ce qu’affirment les députés de l’opposition qui faisaient face à la presse ce jeudi 22 juin 2023 à Dakar. Suffisant pour eux de transformer ces insuffisances, dans le dessein d’améliorer le texte, « en propositions d’amélioration ». Mais malgré « un travail accompli » qui a été fait de manière participative et inclusive aussi bien avec le ministre de l’Environnement, du Développement durable et de la Transition écologique, Alioune Ndoye, mais aussi les experts, les universitaires dont le laboratoire droit de l’environnement, les Organisations non gouvernementales (ONG), les amendements formulés lors d’un atelier de partage sur le projet de loi portant Code de l’environnement, ont été rejeté par « la majorité mécanique ». Les parlementaires fidèles à l’opposition et déterminés à améliorer le projet de loi portant Code de l’environnement, ont saisi, grâce à six manquements constatés, le Conseil constitutionnel afin de l’adapter aux standards internationaux.
Parmi ces insuffisances, le député Mohamed Ayib Salim Daffe par ailleurs membre de commission développement durable et transition écologique, instance compétente à agir sur tout ce qui lié à l’environnement à l’Assemblée nationale, a souligné que « par rapport à la formulation des recommandations, on avait demandé d’améliorer tout ce qui est relatif à l’exposé des motifs. Nous avons aussi proposé des définitions qui nous paressées importantes et qui devaient figurer dans le Code de l’environnement. Nous avons également proposé d’améliorer la formulation de certaines définitions, demandé de tenir compte de certains principes généraux mais aussi une meilleure intégration des questions comme celles liées aux changements climatiques, la prise en compte de la concertation en matière environnementale car, pour qu’il y ait concertation, il faut des cadres, c’est pourquoi, nous avions proposé le Conseil national du développement durable, le principe de la commande publique durable, l’économie circulaire mais aussi la prise en compte des autres nuisances ».
Pour M. Daffe & Cie, le ministre Alioune Ndoye qui reconnaissait la « pertinence des propositions d’amélioration ou recommandations issues de l’atelier de partage sur le projet de loi portant Code de l’environnement et que ses services avaient aussi jugés pertinents avait demandé de les transformer en amendements pour les intégrer dans le projet de loi. Sur cette base, les députés de l’opposition ont présenté 22 amendements visant à renforcer ou à améliorer le Code de l’Environnement ou encore faire en sorte qu’il soit au même niveau que les autres Codes au niveau international.
Mais l’amendement polémique est celui liée aux associations de défense de l’environnement. Car en cas d’atteinte à l’environnement, le seul recours pour la population pour qu’elle soit rétablie dans ses droits est l’administration ou la justice. Mais dans l’article 242 du projet de loi portant Code l’environnement, ce droit d’accès à un recours a été considérablement restreint puisque, pour que les associations de défense de l’environnement puissent aller devant les tribunaux après un dommage environnemental, il faut qu’elles soient agréer par l’Etat. Elles doivent donc disposer d’un agrément qui doit être délivré par l’Etat pour pouvoir ester en justice. Ce que les députés de l’opposition considèrent comme un obstacle posé sur la voie de l’accès à un recours effectif et exigeant dans la foulé, le retrait de ce verrou.
Mais la surprise des parlementaires de l’opposition sera encore plus grande avec la volte-face du ministre de l’Environnement. « Malgré les engagements du ministre de l’Environnement, malgré la bonne volonté des députés de l’opposition, malgré le travail participatif et inclusif abattu lors de l’atelier de partage et le bon esprit qui avait prévalu lors de l’examen du texte en commission avec l’engagement du ministre de prendre en compte ces différents amendements et le travail fourni pour présenter les 22 amendements, malheureusement, ces 22 amendements ont été rejetés par la majorité mécanique de Benne Bokk Yaakar non pas sur la base d’arguments juridiques, techniques ou scientifiques », se désole Ayib Daffe.
Pire, s’indigne-t-il, « le ministre est revenu sur sa position qu’il avait défendue en commission. Nous avons fait notre part du travail mais malheureusement le ministre a fait un revirement de 180°. Il a fait volte-face. Il est revenu sur son engagement pour s’aligner sur la position politique du groupe de Benne Bokk Yaakar. Ce qui est très dommage. Cette situation a fait que le projet de loi portant Code de l’environnement a été adopté en séance plénière malgré toutes ces insuffisances. Nous jugeons, sur beaucoup d’aspects, que c’est une régression par rapport au Code de l’environnement de 2001 ».
« Il y a que deux amendements présentés par le président du groupe parlementaire Benne Bokk Yaakar, Oumar Youm, qui ont été adoptés. Ces amendements faits sur l’article 133 et l’article 214 n’apportent aucune valeur ajoutée au texte. Dans ces articles, le projet de loi avait prévu d’interdire tout ce qui est brûlage du gaz à la torche ou le brûlage du pétrole. Ces amendements rendent service aux compagnies pétrolières et gazières plutôt qu’aux populations et font en sortent que les engagements du Sénégal au titre de l’accord de Paris sur le climat notamment la réduction des Gaz à effet de serre ne puisse pas être tenu », déplore-t-il.
Ainsi, conformément à l’article 114 de la Constitution et du règlement intérieur de l’Assemblée nationale ces députés de l’opposition ont fait un recours devant le Conseil constitutionnel le 13 juin 2023. « A l’appui de la présente saisine, il est soutenu les griefs suivants : le refus de produire la version définitive de la loi votée en plénière ; le défaut de décompte des votes pour faire constater la majorité absolue des suffrages exprimés ; la non prise en compte de l’amendement proposé par le député Sokhna Ba sur l’exposé des motifs ; la violation de l’obligation d’évaluation environnementale des plans et politiques prévue par l’article 25-2 de la Constitution ; la violation du principe de légalité des peines et des délits et de l’obligation pour les pouvoirs publics de préserver l’environnement et la violation de la liberté d’association et atteinte à l’indépendance du pouvoir judicaire », a détaillé Biram Soulèye Diop, président du groupe parlementaire Yewwi Askan Wi (YAW).
Moctar FICOU / VivAfrik