Après s’être tenue durant une semaine, (du 22 au 26 mai 2023), l’Assemblée générale de la Banque africaine de développement (BAD) s’est achevée à Charm el-Cheikh, en Égypte. Cette année, les discussions ont principalement tourné autour des projets environnementaux. L’Afrique est l’une des parties les plus vulnérables du monde au changement climatique. Suffisant pour le président de la BAD, Akinwumi Adesina, d’accorder, dimanche 28 mai 2023, une interview à notre confrère de Radio France internationale (RFI), Édouard Dropsy, livrant les solutions africaines face au changement climatique.
RFI : Il y a six mois, se tenait ici à Charm el-Cheikh la COP27. Les pays occidentaux se sont engagés dans le cadre des Pertes et Dommages à aider le sud global et notamment l’Afrique. Six mois plus tard, où en est-on ?
Akinwumi Adesina : Pendant la COP 27, il y a des choses qui ont été promises. Il y a les Dégâts et les Pertes dont vous venez de parler. Il faut qu’il y ait un fond qui puisse faire cela. Deuxièmement, les pays développés ont demandé depuis longtemps de donner 100 milliards de dollars chaque année aux pays en voie de développement, pour avoir les ressources pour s’adapter au changement climatique. Ce sont les deux choses qui ont été promises, mais on attend toujours de voir les résultats. Pour nous, en tant que Banque africaine de développement, nous avons promis de donner 25 milliards de dollars de nos propres fonds pour l’adaptation climatique pour l’Afrique
Quoi qu’il en soit, l’Afrique paraît un peu seule dans la lutte contre le réchauffement climatique alors qu’elle n’y contribue que très peu. 3 à 4% selon les experts. Quelles sont les solutions africaines à ce changement climatique ?
On n’a pas créé le problème, mais il y a des choses que l’on a lancées en tant que Banque africaine de développement. Tout d’abord, nous avons lancé un programme pour donner des semences qui résistent à la chaleur partout en Afrique. Nous avons donné ces types de variété de blé à l’Éthiopie. Ils ont cultivé ce blé en 2018 sur 5000 hectares. Mais l’année passée, ils ont cultivé 1,4 million d’hectares. L’Éthiopie est devenue autosuffisante en trois ans et ils sont aussi devenus exportateurs nets de blé pendant une période de quatre ans
La deuxième chose, c’est que la BAD a mis en place un système d’assurance des pays. On paie des primes d’assurances pour les pays contre les dégâts du changement climatique. Et ça marche très bien. Nous avons fait cela pour Madagascar par exemple quand ils ont eu le cyclone. Ils ont reçu 2,4 millions de dollars qui ont été utilisés pour soutenir plus de 600 000 paysans qui ont subi ces dégâts.
À côté de cela, on voit un peu partout en Afrique, on pense au projet Tortue entre le Sénégal et la Mauritanie, ou EACOP en Ouganda, qui font la part belle aux énergies fossiles. Est-ce que l’Afrique a besoin de tels projets ?
Je ne peux pas parler pour un projet ou un autre projet, je laisse cela avec les gens qui font les projets.
Oui, mais ce sont les énergies fossiles…
Oui, mais ce que je voulais simplement dire, c’est que ce qui concerne la transition énergétique. La transition énergétique est fondamentale dans le monde. Ce sont les pays développés qui doivent faire la transition plus vite parce que ce sont eux qui ont commencé le problème. Et il faut avoir l’espace pour les pays en voie de développement qui n’ont pas créé de problèmes, qui devraient avoir de l’énergie, parce que nous avons presque 600 millions de personnes qui n’ont pas accès à l’énergie. Ce n’est pas l’idéologue qui change l’économie, c’est le pragmatisme.
Avec les récents événements mondiaux comme la guerre en Ukraine ou la pandémie de Covid-19, on a remarqué la vulnérabilité de l’Afrique, notamment dans ses importations. Comment les pays africains peuvent-ils être moins dépendants du marché global ?
Ah oui, pour moi, pour être moins dépendant du marché global, tout d’abord, il faut du commerce entre les pays africains. Aujourd’hui, nous soutenons 20 millions de paysans africains qui sont en train de produire 38 000 millions de tonnes de denrées alimentaires avec une valeur de 12 milliards de dollars.
Mais ce n’est pas qu’une question d’urgence. Il faut penser à moyen et à long terme. Je veux que l’Afrique devienne le grenier du monde en ce qui concerne les produits agricoles parce que 65 % des terres arables non cultivées restent en Afrique. Ce que fait l’Afrique avec l’agriculture, c’est ce qui va déterminer l’avenir du monde et la manière dont on va le nourrir.
Parmi ces 65 % de terres arables non cultivées, il y a 280 millions de personnes qui continuent de souffrir de la faim en Afrique alors qu’au même moment, les pays occidentaux, la Chine, les pays du Golfe continuent d’exploiter les terres africaines pour leur propre autosuffisance alimentaire. Est-ce que cela peut durer ?
Les pays qui font les exportations de matières premières deviennent toujours pauvres, et on est fatigués d’être pauvres ! Donc il faut vraiment avoir de la valeur ajoutée. C’est pour cela qu’à la BAD, nous soutenons les choses structurantes par le développement de zones spéciales pour l’agro-industrie. Avec le secteur privé, on produit des produits agricoles, la transformation, la logistique etc. pour pouvoir se nourrir, faire le commerce avec les pays africains, stabiliser nos économies […]