Même si elle représente plus de 60 % des océans et près de la moitié de la surface de la planète, la haute mer a longtemps été ignorée dans le combat environnemental. Avec cet accord, bientôt adopté, la communauté internationale entend protéger ces espaces vitaux pour l’humanité.
La fin d’un marathon qui a duré plus de 15 ans. Les Etats membres de l’ONU se sont enfin mis d’accord samedi sur le premier traité international de protection de la haute mer. Le « Biodiversity Beyond National Juridiction » (BBNJ) – ou « Biodiversité au-delà des juridictions nationales » – est destiné à contrecarrer les menaces qui pèsent sur des écosystèmes vitaux pour l’humanité. Si le contenu exact du traité n’a pas encore été publié, ses enjeux principaux sont déjà connus.
• Une part cruciale de notre planète
Le dernier grand accord international sur la protection des océans, la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, datait d’il y plus de 40 ans, rappelle la chaîne britannique BBC.
En décembre, l’ensemble des gouvernements du monde se sont engagés à protéger 30 % des terres et des océans de la planète d’ici 2030. Un défi quasi impossible sans inclure la haute mer. La haute mer commence là où s’arrêtent les zones économiques exclusives (ZEE) des Etats, à maximum 200 milles nautiques – 370 km – des côtes, et elle n’est donc sous la juridiction d’aucun pays.
Même si elle représente plus de 60 % des océans et près de la moitié de la surface de la planète, elle a longtemps été ignorée dans le combat environnemental, au profit des zones côtières et d’espèces emblématiques.
Les écosystèmes océaniques fabriquent pourtant la moitié de l’oxygène que nous respirons, limitent le réchauffement en absorbant une part importante du CO2 émis par les activités humaines, et nourrissent une partie de l’humanité.
Mais ils sont menacés par le changement climatique, les pollutions en tous genres et la surpêche.
• Création d’aires marines protégées
Le nouveau traité devrait permettre de créer des aires marines protégées dans ces eaux internationales. Environ 1 % seulement de la haute mer fait l’objet de mesures de conservation, et cet outil emblématique est jugé indispensable pour espérer protéger d’ici 2030 30 % des terres et des océans de la planète, comme s’y sont engagés l’ensemble des gouvernements de la planète en décembre.
Dans ces aires marines protégées, certaines activités devraient être limitées, voire interdites. Cela pourra se traduire notamment par des limites sur la pêche ou encore sur la délimitation de zones d’exploitation minière en profondeur, souligne la BBC.
« Les zones de haute mer protégées peuvent jouer un rôle essentiel pour renforcer la résilience face aux effets du changement climatique », a déclaré Liz Karan, de l’ONG Pew Charitable Trusts qui a qualifié cet accord de « réalisation capitale ».
Le traité sur « la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale » introduit également l’obligation de réaliser des études d’impact sur l’environnement des activités envisagées en haute mer.
• Partage des ressources
Pendant des années, les discussions ont été ralenties notamment en raison de désaccord sur le financement de cette protection des océans ou des accords sur la pêche. Mais un chapitre hautement sensible a cristallisé les tensions jusqu’à la dernière minute : le principe du partage des bénéfices des ressources marines génétiques collectées en haute mer. Les pays en développement qui n’ont pas les moyens de financer de très coûteuses expéditions et recherches se sont battus pour ne pas être exclus de l’accès aux ressources marines génétiques et du partage des bénéfices anticipés de la commercialisation de ces ressources – qui n’appartiennent à personne – dont entreprises pharmaceutiques ou cosmétiques espèrent tirer des molécules miracles.
Comme dans d’autres forums internationaux, notamment les négociations climat, le débat a fini par se résumer à une question d’équité Nord-Sud, ont commenté des observateurs.
Avec une annonce vue comme un geste pour renforcer la confiance Nord-Sud, l’Union européenne a promis, à New York, 40 millions d’euros pour faciliter la ratification du traité et sa mise en œuvre initiale. Au-delà, elle s’est engagé à consacrer plus de 800 millions d’euros à la protection des océans en général pour 2023 lors de la conférence « Notre Océan » qui s’est achevée vendredi à Panama.
• Reste l’étape de l’adoption formelle
Après plus de 15 ans de discussions, dont quatre années de négociations formelles, la troisième « dernière » session à New York a finalement été la bonne, ou presque. Les délégués ont finalisé un texte qui ne peut désormais plus être modifié de manière significative.
Reste encore l’étape de l’adoption formelle, fixée à une date ultérieure : le texte va être passé au crible par les services juridiques et traduit pour être disponible dans les six langues officielles de l’ONU.
• « Une étape cruciale pour préserver la vie marine »
Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a félicité les délégués, selon un de ses porte-parole qui a déclaré que cet accord est une « victoire pour le multilatéralisme et pour les efforts mondiaux visant à contrer les tendances destructrices qui menacent la santé des océans, aujourd’hui et pour les générations à venir ».
Le commissaire européen à l’Environnement, Virginijus Sinkevicius, a salué « un moment historique pour nos océans ». « Nous franchissons une étape cruciale pour préserver la vie marine et la biodiversité qui sont essentielles pour nous et pour les générations à venir », a-t-il indiqué dans une déclaration transmise à l’AFP.
La France s’est également félicitée de cet accord : « l’adoption d’un traité sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine en haute mer est une étape clé pour protéger l’océan et sa biodiversité et permettre un juste partage de ses ressources », a salué le Quai d’Orsay dans un communiqué. « Nous n’avons rien lâché pour y arriver : l’engagement qui a été pris cette nuit à New York est historique ! », a également déclaré le président Emmanuel Macron.
« C’est un jour historique pour la conservation et le signe que dans un monde divisé la protection de la nature et des personnes peut triompher sur la géopolitique », a déclaré de son côté une représentante de Greenpeace, Laura Meller.
(nouvelobs.com)