Près de 20% des coopératives agricoles marocaines deviennent inactives durant les premières années suivant leur création, en raison notamment du manque de financement et de la faiblesse des compétences des dirigeants de ces entités économiques dans les domaines de la gestion, du marketing et de l’adaptation aux fluctuations économiques, a révélé un rapport publié le 14 février 2023 par l’éditeur de revues scientifiques en libre accès MDPI et repris par l’Agence Ecofin.
Le rapport qui rappelle que le nombre des coopératives agricoles au Maroc est passé de 427 en 2009 à 2504 en 2020 a souligné que ces structures jouent un rôle stratégique dans la sécurité alimentaire, la lutte contre la pauvreté et la promotion de l’auto-emploi.
Le secteur coopératif dans le domaine agricole constitue également un vecteur précieux pour le développement socio-économique des territoires, agissant comme un levier pour la protection sociale et environnementale ainsi qu’un moteur de réduction des inégalités sociales et spatiales. L’inactivité et la mortalité des coopératives agricoles freinent, de ce fait, le développement du secteur agricole et affaiblissent le rôle des petits agriculteurs comme moteur du développement socio-économique, a souligné Ecofin qui cite le rapport.
Plusieurs facteurs
Le rapport élaboré par Aomar Ibourk et Karim El Aynaoui, deux chercheurs à l’African Institute for Research in Economics and Social Sciences (AIRESS) rattaché à l’Université Mohammed VI Polytechnique, souligne que plusieurs facteurs influent sur la survie des coopératives agricoles au Maroc, particulièrement durant leurs premières années d’existence. Il s’agit notamment des compétences managériales de leurs gestionnaires, de leur stabilité financière et de leur capacité à anticiper et à répondre aux mégatendances telles que le changement climatique, l’intégration des nouvelles technologies et l’urbanisation galopante. Les entreprises agricoles coopératives les plus prospères sont en effet celles qui sont capables de relever les défis de la concurrence, de l’évolution des besoins des consommateurs, des changements des politiques publiques et des fluctuations économiques telles que l’inflation et les variations des prix des matières premières.
Un programme d’appui qui porte ses fruits
Selon le document, la taille de la coopérative constitue également un important déterminant de la survie des coopératives agricoles. Plus ces entités sont grandes, plus elles ont des chances de résister aux chocs, en raison des avantages associés au fait d’avoir plus de relations avec l’environnement externe.
Un autre facteur exogène qui joue un rôle prépondérant dans la survie des coopératives agricoles est la culture locale concernant la notion et les principes de la coopération. D’autant plus que le maintien et le développement de l’activité coopérative dépendent fortement du degré de coopération entre les membres et leurs partenaires comme les habitants de la région et les bailleurs de fonds.
L’intégration de technologies avancées telles que l’Internet des objets, le big data, la robotisation et l’intelligence artificielle est d’autre part susceptible d’aider les coopératives agricoles à rester compétitives et à assurer leur survie à long terme. Ces technologies ont en effet le potentiel de révolutionner l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur agricole allant de la production à la consommation des produits agricoles en passant par la distribution, offrant un avantage concurrentiel aux coopératives en augmentant l’efficacité, la précision et la rentabilité de leurs opérations, lit dans le texte.
Le rapport, qui se base sur une enquête menée auprès de 232 coopératives agricoles situées dans plusieurs régions marocaines, souligne par ailleurs que le taux de mortalité élevé des coopératives agricoles durant la phase du démarrage a poussé les pouvoirs publics à lancer le programme « Mourafaka » (accompagnement en arabe), qui vise à fournir un appui aux coopératives pendant le processus de création et durant leurs cinq premières années d’existence.
Ce programme assure notamment la formation et l’encadrement des gestionnaires de la coopérative, l’assistance technique, le conseil, la promotion commerciale des produits/services et l’élaboration et mise en œuvre d’un plan de développement.
L’enquête menée par les chercheurs sur le terrain a révélé dans ce cadre que 57% des coopératives bénéficiaires de ce programme d’appui ont enregistré une croissance des leurs activités durant les cinq premières années suivant leur création contre moins de 40% des coopératives non couvertes par le programme.
Le rapport fait remarquer cependant que le programme « Mourafaka » ne répond pas suffisamment aux besoins de financement des coopératives et néglige l’adoption des technologies avancées.
Bien que leur nombre se soit quasiment multiplié par six depuis 2009, les coopératives agricoles marocaines demeurent confrontées à de nombreux défis, dont l’accès limité au financement et la faiblesse des compétences managériales de leurs gestionnaires.
Moctar FICOU / VivAfrik