Par Samir Abdelkrim
Les sources d’énergie ont besoin d’être accompagnées pour créer de la valeur. L’Afrique s’y attelle fortement par sa créativité dans s nouvelles technologies.
La crise énergétique, latente depuis quelques années, s’est renforcée avec la pandémie de Covid-19 puis le conflit russo-ukrainien. Partout dans le monde s’observent des pénuries de gaz, de bois, de pellets, mais aussi de fortes augmentations des prix si bien que les coûts, tant pour les entreprises, de tous les secteurs, que pour les particuliers, se sont décuplés. En parallèle, de nombreuses coupures d’électricité sont d’ores et déjà annoncées, un peu partout dans le monde, afin d’éviter une situation de total black-out cet hiver. Face à ce grand enjeu mondial, qui fut l’une des préoccupations majeures de la COP27, que faire ? Chaque pays cherche comment résoudre cette problématique à son échelle. Pourtant à quelques milliers de kilomètres d’eux, se trouve un vivier de solutions énergétiques exploitables et efficaces, répondant à des besoins concrets des entreprises et des ménages. Mettons la lumière sur celles-ci.
La transition énergétique, une dynamique soutenue par les États africains
En Afrique, la forte croissance de la demande en électricité transparaît à travers les efforts soutenus des États pour faire progresser les taux d’électrification sur le continent, qui demeurent malgré tout faibles dans nombre de pays. Cette demande entraîne à son tour une forte croissance de la production, notamment à partir d’énergies renouvelables. Selon la dernière édition de l’Africa Energy Outlook de l’AIE, la part combinée des énergies renouvelables variables dans la production totale pourrait passer de 3 % en 2020 à 27 % en 2030. Selon une étude récente réalisée par Castalia pour l’AFD, le marché potentiel de l’énergie solaire photovoltaïque distribuée dans le secteur résidentiel et C & I (Commercial et Industriel) devrait se situer entre 4 et 5 TW d’ici à 2027.
Par ailleurs, comme le soulignent les Nations unies, la transition énergétique africaine connaît un essor incroyable depuis une petite dizaine d’années : « D’après l’Agence internationale pour les énergies renouvelables, des pays comme l’Égypte, l’Éthiopie, le Kenya, le Maroc et l’Afrique du Sud ont fait preuve d’un engagement ferme en faveur d’une utilisation accélérée des énergies renouvelables modernes et sont à la tête des efforts de transition énergétique, tandis que certains des plus petits pays d’Afrique, dont le Cap-Vert, Djibouti, le Rwanda et le Swaziland, ont également fixé des objectifs ambitieux en matière d’énergies renouvelables. D’autres pays suivent le mouvement et les énergies renouvelables sont en augmentation sur tout le continent. » D’autant plus que l’Afrique bénéficie de ressources naturelles indéniables : un taux d’ensoleillement puissant et régulier tout au long de l’année, de très longues frontières naturelles océaniques avec un littoral d’environ 26 000 km et d’importants gisements de gaz.
« Avec l’essor du digital, de nombreuses startups ont émergé pour identifier des solutions concrètes à ces défis en s’appuyant sur les différents atouts du continent », indique Samir Abdelkrim, expert de l’innovation africaine et fondateur d’Emerging Valley et Emerging Mediterranean, auteur de StartupBrics.
Pour faciliter cette transition, une série de mesures seront nécessaires pour favoriser la flexibilité dans les systèmes électriques : renforcement de la planification des moyens de production et de transport, optimisation de la gestion de l’équilibre offre-demande, développement du stockage et des interconnexions, développement de la production distribuée et de l’autoconsommation, participation active des consommateurs à l’équilibre du système électrique, amélioration de l’efficacité énergétique, adaptation des réglementations pour favoriser l’investissement, digitalisation des réseaux et adoption de solutions de réseaux intelligents, ou encore renforcement de la cybersécurité. Avec l’essor du digital, de nombreuses start-up ont émergé pour identifier des solutions concrètes à ces défis en s’appuyant sur les différents atouts du continent.
L’énergie, une thématique majeure dans l’innovation africaine
Car la question énergétique est à plus forte raison cruciale que l’énergie est au cœur de tous besoins de développement, que ce soit pour des activités professionnelles, sanitaires, de soins ou pour rendre les conditions de vie des particuliers plus confortables. Citons par exemple Green Algeria. Cette start-up algérienne propose aux particuliers de transformer leurs déchets organiques en gaz combustible. De même, D-Olivette, au Nigeria, conçoit et met à disposition des populations rurales des technologies bio-organiques, notamment des biodigesteurs domestiques, leur permettant de transformer leurs déchets domestiques en biogaz et en bio-engrais, créant à la fois plus d’énergie quotidienne pour les familles mais aussi plus d’apports en engrais pour les champs.
Au Burkina Faso, Solafrique conçoit des solutions innovantes promouvant l’utilisation de forages et pompes intelligentes à motricité solaire pour améliorer la résilience des petits producteurs agricoles du pays, en leur donnant accès à de l’eau potable et/ou d’irrigation grâce à une énergie propre, à travers un système de « pay as you go ».
Au Nigeria, Solaristique Nigeria se concentre sur la création d’énergie propre durable en concevant des congélateurs fonctionnant à l’énergie solaire fabriquée à partir de déchets recyclés. Cette innovation technologique et écologique a le potentiel de rendre de nombreux ménages plus indépendants énergétiquement tout en améliorant la chaîne du froid au Nigeria.
Start-up énergétiques : la question de la coopération Afrique-Monde posée
Ces nombreux exemples ont un potentiel d’impact incroyable pour le reste du monde. Mais comment favoriser les coopérations au-delà des continents et comment faire pour que ces innovations puissent se déployer hors frontières ?
Tout d’abord, par des investissements de grands groupes dans ces start-up. C’est notamment le cas de Total et Vinci Energy qui sont fortement actifs dans la recherche de pépites africaines. En outre, qu’ils soient dédiés à l’énergie comme I & P Digital Energy (lancé l’été dernier par I & P et l’Agence française du développement) ou davantage axée sur l’innovation positive comme EMERGING Mediterranean, le Social Inclusive Business Camp, de nombreux programmes internationaux existent pour identifier ces pépites et les accompagner à l’échelle tout en les faisant bénéficier de leurs réseaux.
C’est aussi le cas de rencontres internationales telles qu’EMERGING Valley, qui peuvent mettre la lumière sur ces différents projets et favoriser des ponts entre ces start-up et le reste du monde. Au-delà de tables rondes telles que « l’innovation technologique au cœur de la mise en place de politiques énergétiques durables, souveraines, et résilientes en Afrique » dont l’objectif est d’éclairer sur le rôle que pourraient avoir les nouvelles technologies dans le renforcement des systèmes électriques africains mais aussi sur la manière dont elles pourraient à la fois permettre d’optimiser la planification et la gestion opérationnelle de ces systèmes, il y a la mise en lumière de structures comme la start-up nigérienne E-Energietec qui, à l’aide de compteurs intelligents, offre aux ménages africains la possibilité de suivre la consommation en temps réel et d’éviter tout décalage de facturation. Ou encore la jeune pousse Motsi Technologies Group, qui a mis en place une plateforme d’échange d’électricité solaire peer-to-peer basée sur la blockchain pour les clients commerciaux et industriels en Namibie. Élément important à noter : ces entreprises ont fait partie des lauréats du Digital Energy Challenge, programme de l’Agence française de développement qui récompense les innovations dans le secteur de l’énergie en Afrique.
Samir Abdelkrim, Fondateur d’EMERGING Mediterranean, d’EMERGING Valley et auteur de Startup Lions.