Mauvaise nouvelle pour les autorités camerounaises. En effet, la Commission de l’Union européenne (UE) a annoncé jeudi 5 janvier 2023 qu’elle adresse un « carton rouge » au Cameroun pour l’insuffisance de ses efforts dans la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN).
« Nous pratiquons une tolérance zéro à l’égard de la pêche INN, et la Commission a donc agi avec fermeté aujourd’hui (Ndlr : jeudi 5 janvier 2023) en adressant un carton rouge au Cameroun », a déclaré le commissaire européen chargé de la pêche, Virginijus Sinkevicius.
Par cette décision annoncée dans un communiqué de presse, l’instance européenne identifie officiellement la première économie d’Afrique centrale comme un pays non-coopérant dans le cadre de ladite législation.
Pour expliquer sa démarche, l’institution européenne met en avant un contrôle inadéquat de la flotte nationale et l’absence de mécanismes de sanction pour enrayer et prévenir les activités de pêche INN.
Cette évolution de l’évaluation de la contribution du Cameroun à la croisade contre la pêche INN survient après l’avertissement adressé au pays en février 2021. Suite au « carton rouge » que le Cameroun vient de recevoir, annonce la Commission européenne, le Conseil des ministres de l’UE sera saisi, en vue d’inscrire la locomotive économique de la zone de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) à savoir le Cameroun, le Congo, le Gabon, le Tchad, la RCA et la Guinée équatoriale sur la liste noire des pays dont les exportations de poissons sont interdites sur les territoires de l’UE.
Malgré cette injonction, la Commission européenne a expliqué que les autorités camerounaises continuent d’enregistrer les navires de pêche opérant en dehors de ses eaux territoriales, dont un bateau de pêche INN, sans qu’il y ait un suivi de leurs activités.
Si elle indique vouloir continuer à « dialoguer avec les autorités » pour l’amélioration du cadre juridique et des capacités du pays, la Commission européenne estime que la prochaine étape est l’inscription du Cameroun sur la liste de l’Union européenne pour manque de collaboration dans la lutte contre la pêche INN.
Une fois cette inclusion réalisée, l’institution pourrait interdire l’importation des produits de la pêche en provenance du Cameroun. Par ailleurs, les navires européens devront également cesser toute activité dans les eaux territoriales du pays et les accords de pêche entre l’UE et le pays ne seront plus possibles.
Mais les répercussions d’une telle mesure devraient être très limitées sur l’économie camerounaise, le pays n’étant pas un gros exportateur de poissons vers l’UE. Selon les données officielles, le principal produit halieutique exporté par le Cameroun est la crevette, qui a trouvé un débouché porteur vers l’Asie avec un volume d’environ 102 tonnes absorbé en 2021. Ce produit est déjà interdit du territoire européen depuis 2004, pour non-conformité aux normes d’hygiène dans la capture, la transformation et la conservation.
Pour certains experts, il faut davantage voir derrière l’interdiction qui se profile à l’horizon, une bataille entre l’UE et la Chine pour le contrôle des ressources halieutiques du Cameroun. En effet, face au désintérêt des investisseurs locaux, la pêche industrielle au Cameroun (et même artisanale) est abandonnée aux ressortissants étrangers notamment chinois, qui écument les eaux nationales pour alimenter des circuits d’exportation bien entretenus. Alors que le Cameroun, lui, perd des devises pour plus de 100 milliards de FCFA chaque année, pour approvisionner le pays en poissons congelés, selon les estimations officielles.
Pour rappel, le Cameroun a produit en 2022, près de 170 000 tonnes de poissons selon les données officielles. L’essentiel de ce stock provient de la pêche maritime artisanale et de la pêche continentale.
Moctar FICOU / VivAfrik