Une nouvelle loi contribuera à protéger la biodiversité et le climat en obligeant les entreprises à garantir que certains produits vendus dans l’Union européenne (UE) ne proviennent pas de terres déboisées.
A travers cette nouvelle réglementation adoptée lundi 5 décembre 2022, l’Union européenne interdit l’importation de produits issus de la déforestation. Deux critères définissent le droit « d’entrer » sur le marché européen : les produits ne doivent pas être issus de la déforestation depuis le 31 décembre 2020 et le produit doit être légal au regard de son droit national. Parmi les produits concernés, figurent l’hévéa mais aussi le cacao. La Côte d’ivoire produit en moyenne 2,2 millions de tonnes de cacao par an, essentiellement destinés à l’exportation. Cette nouvelle règlementation est suivie de près par les acteurs de ce secteur, qui ont déjà commencé à se réorganiser pour introduire plus de traçabilité.
En termes clairs, les députés sont parvenus à un accord préliminaire avec les gouvernements de l’UE sur une nouvelle loi sur les produits sans déforestation qui obligera les entreprises à vérifier et à publier une déclaration de « diligence raisonnable » selon laquelle leurs marchandises vendues dans l’UE n’ont pas contribué à la déforestation ou à la dégradation des forêts où que ce soit dans le monde, après le 31 décembre 2020.
Au Conseil Café Cacao (CCC), on insiste sur un point : depuis 2018, aucune nouvelle plantation n’a été créée. « Cette règlementation de l’Union européenne n’affecte pas nos productions de cacao », a affirmé un cadre de cette institution.
Une « carte de paysan »
Récemment, le CCC a mis en place plusieurs mesures pour instaurer de la traçabilité dans le secteur, avec notamment, la distribution d’une carte de paysan.
D’après le ministre de l’Agriculture, Kobénan Adjoumani, seuls les planteurs ainsi recensés pourront exporter vers l’Union européenne. « Nous avons pu recenser 993 031 producteurs et nous avons pu géolocaliser 3 220 800 ha de café et de cacao, indique le ministre. Lorsque vos vergers sont identifiés, nous (vous) donnons une carte multifonction, qui dispose d’un code QR renfermant toutes les informations sur le producteur et son verger.
Il peut y avoir des personnes qui s’installent de façon illicite dans les forêts classées, reconnaît le ministre d’Etat, mais dès lors que nous avons décidé de géolocaliser les plantations, de recenser les gens qui vont désormais disposer de carte, la traçabilité est faite ».
Quid des planteurs installés dans les zones classées ? Koffi Kanga, le président de l’Association nationale de Producteurs de café cacao (ANAPROCI), craint un durcissement des mesures de contrôle sur le terrain. Ce responsable réclame des mesures d’accompagnement pour ces planteurs qui sont, selon ses mots, « bannis du système ». Il reste encore plus nœuds à trancher pour améliorer le cadre juridique de ce système, précise encore un observateur.
« Il n’a rien qui ressemble plus à une fève produite en forêt classée qu’une fève produite dans le domaine dit rural ! »
Pour sa part, François Ruf, expert en économie cacaoyère, doute de l’applicabilité d’une telle législation, au micro d’Olivier Rogez, du service Économie. Les entreprises commercialisant ces produits devront produire des informations vérifiables prouvant qu’ils n’ont pas été cultivés sur des terres déboisées après 2020. Mais « c’est très illusoire, parce que cela voudrait dire qu’il y a une traçabilité parfaite et que l’Europe serait capable de déterminer si une fève de cacao ou un sac de cacao, vient d’une plantation qui a été créée il y a plusieurs années et non pas sur une parcelle qui a été défrichée après la date qu’ils ont choisie en 2020. C’est impossible à déterminer dans le contexte actuel des pays comme la Côte d’Ivoire et le Ghana. Je vous donne un exemple : depuis trois ans, on essaie de se battre et d’alerter les politiques publiques sur la disparition de l’une des plus belles forêts classées du pays et une des dernières, la Bossematié. Ces anciennes forêts produisent du cacao en masse ; le cacao sort par des pistes piétonnières et une fois qu’il est sorti du périmètre de la forêt classée, il est mélangé avec le reste ; et il n’a rien qui ressemble plus à une fève produite en forêt classée qu’une fève produite dans le domaine dit rural ! ».
Cette nouvelle réglementation devrait entrer en vigueur dans 18 mois, une fois publiée au journal officiel de l’Union européenne.
Selon le texte convenu, si aucun pays ou produit en tant que tel ne sera interdit, les entreprises ne seront pas autorisées à vendre leurs produits dans l’UE sans cette déclaration. Comme l’ont demandé les députés, les entreprises devront également vérifier la conformité avec la législation du pays de production, notamment en matière de droits de l’homme, et s’assurer que les droits des populations autochtones ont été respectés.
La nouvelle loi garantirait aux consommateurs européens que les produits qu’ils achètent ne contribuent pas à la destruction ou à la dégradation des forêts, notamment des forêts tropicales irremplaçables, et réduirait ainsi la contribution de l’UE au changement climatique et à la perte de biodiversité au niveau mondial.
Moctar FICOU / VivAfrik