L’Organisation des Nations unies (ONU) a fait valoir que 8 millions de personnes ont besoin d’une aide alimentaire en Somalie, dont plus de 250 000 vivent dans des conditions « proches de la famine ». Cette situation fait suite à la pire sécheresse que connait le pays depuis 40 ans, a relayé l’envoyée spéciale de RFI à Baidoa, la capitale de la province de Bay, Florence Morice. Pour les Somaliens des zones rurales administrées par les islamistes shebabs, la peine est double : déjà durement frappés par la sécheresse, ils continuent de subir des taxations forcées instaurées par le groupe terroriste.
On retrouve Abdulaye à l’abri des regards, à Baidoa où il s’est réfugié. Abdoulaye n’est pas son vrai prénom, mieux vaut rester discret ici pour évoquer les pratiques des islamistes shebabs. Il a 76 ans, et le visage buriné par une vie de labeur à Gurban, son village. Il y vivait jusqu’en juin 2022, a rapporté Mme Morice.
« Al-Shabab est source de souffrance pour les populations. Non seulement ils nous harcèlent, mais en plus ils nous taxent. Ils ponctionnent nos revenus, tuent nos têtes de bétail. Ils nous réduisent en esclavage », a confié Abdulaye, asphyxié par les taxes prélevées par les shebabs.
À Gurban, Abdulaye vivait de son bétail et de la culture du sorgho. À cause de la sécheresse, ses revenus n’ont fait que diminuer. Mais pas les taxes prélevées par les shebabs. Elles ont fini par l’asphyxier.
« Il fallait payer jour et nuit. Même si ton champ est vide, qu’il n’est plus cultivé, on te force à payer. Mais au bout d’un moment je n’avais plus rien pour payer. J’ai dû commencer à vendre mon bétail. J’avais 20 vaches et 20 chèvres. Et j’ai tout perdu. Certaines sont mortes de soif, d’autres ont été vendues pour payer les shebabs. Quand la dernière bête est morte, j’ai décidé de partir. C’était devenu insupportable », s’est-il indigné.
Aliman Hassan supervise pour la communauté le site de déplacés où vit désormais Abdulaye. Il n’est pas étonné. « Ils n’ont aucune pitié, pour personne… Il n’y a pas de pitié dans ces endroits. Vous devez payer ce qu’on vous demande sous peine d’être punis. »
Hassan Ali, est chef de projet adjoint au sein de l’ONG Acted. Le « blocus imposé aux populations rend cette sécheresse encore plus dure à supporter. L’an dernier, des habitants de ces zones rurales s’étaient organisés pour acheminer de la nourriture de Dinsor jusque chez eux dans des charrettes tirées par des ânes. Mais les shebabs ont tué les ânes et ont brûlé la marchandise. Même si tu as de quoi payer, parfois dans ces zones, tu ne peux rien acheter. C’est très inquiétant. »
D’autant plus inquiétant que dans les villages sous contrôle shebabs, pratiquement aucune agence humanitaire n’est autorisée à intervenir.
Moctar FICOU / VivAfrik