Innovation-COP27 : Une paille contre les inondations et la sécheresse grâce au Bhungroo

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Le Bhungroo est une technique innovante de collecte de l’eau pour l’irrigation introduite par les agricultrices indiennes. Il libère l’excès d’eau des terres agricoles sujettes aux inondations et gorgées d’eau en puisant tout l’excès d’eau sous terre et en rendant ces terres accessibles à l’agriculture.

Cette technique innovante a permis à près de 125 000 personnes d’avoir accès à l’eau de pluie en permanence. Et le Bhungroo est avant tout une affaire de femmes, qui sont les seules à être formées pour l’utiliser. Sa co-inventrice, Trupti Jain, a profité de la 27ème Conférence de l’ONU sur le climat (COP27) à à Charm el-Cheikh en Egypte pour faire découvrir son outil.  

Créer une nappe phréatique artificielle pour évacuer le trop-plein d’eau des moussons et la stocker dans le sous-sol en prévision des périodes sèches, il fallait y penser. Biplab Ketan Paul et Trupti Jain ne sont pas ingénieurs pour une roupie, mais ils l’ont réalisée, en 2007, dans un champ situé à 120 km d’Ahmedabad, la grande ville du Gujarat, au nord-ouest de l’Inde, a rappelé rfi.fr.

« Le climat est de type semi-aride et le désert de Kutch avance », a expliqué à RFI Trupti Jain,  52 ans et native de Gujarat. La végétation qui servait de barrière au sel marin porté par les vents a disparu. Celui-ci se dépose sur la terre et empêche l’eau de s’infiltrer dans le sol. S’ajoute à cela une mousson perturbée, a-t-elle constatée : « il pleut beaucoup sur une plus courte période. » L’eau noie les cultures, rendues inexploitables. Trois problèmes en un : pendant la mousson, l’eau stagnante empêche les activités agricoles ; pendant l’hiver et l’été, il n’y en a pas dans le sous-sol. Les populations n’ont d’autre choix que de migrer pour travailler dans la construction dans la grande mégalopole voisine d’Ahmedabad.

Un tuyau pour stocker le trop-plein

Pressés par les agricultrices du village, Trupti Jain et Biplab Ketan Paul, soutenus par différentes institutions, imaginent le Bhungroo, la paille en langue gujarati. Le système est assez simple : un tuyau est inséré dans le sol, au milieu de la zone inondée, et traverse une première couche rocheuse. Puis, selon les études géologiques menées au préalable, il atteint une couche plus meuble, composée de terre et de sable. À environ 12 et 18 mètres de profondeur. À ce niveau-là, le tuyau est perforé. Sur terre, le trop-plein d’eau est injecté dans le tuyau et peut être stockée dans la zone meuble. Une nappe phréatique est ainsi reconstituée, pouvant aller jusqu’à « 40 millions de litres » dans le cas d’un site implanté près de Bombay, précise Trupti Jain. À l’intérieur du tube est inséré un autre tuyau : la pompe, munie d’un filtre pour n’aspirer que l’eau et laisser le solide à la « Terre-Mère », dit-elle avec poésie.

Chaque année en Inde, 12 millions d’hectares de terres sont affectées ou perdues par la désertification. Et cinq millions de petits propriétaires sont affectés par la salinisation, les sécheresses et les inondations.

L’apparition du Bhungroo entraîne à sa suite une ribambelle de bénéfices. Le premier d’entre eux, c’est la réduction de la salinité de la terre à cultiver. Le sel passe dans la nappe et s’y dilue. Le rendement s’en ressent. La disponibilité de l’eau et son désengorgement a multiplié la production : « De zéro récolte certaines années, on est passé à au moins deux sinon trois », explique Trupti Jain. Une récolte pour se nourrir, une pour la vente, une dernière pour nourrir les bêtes : le niveau de vie des communautés s’est largement amélioré, affirme-t-elle. Les bénéfices engrangés ne sont pas seulement alimentaires. Elles permettent à des communautés de se stabiliser : plus besoin de migrer dans les villes ; un revenu qui permet aux petits propriétaires de sortir de l’endettement et de racheter leurs parcelles ; l’éducation des enfants est renforcée tout comme la santé des populations.

Mais ce sont les femmes qui bénéficient avant tout de cette innovation. « Les agricultrices étaient les premières interlocutrices de Biplab Ketan Paul. Elles sont venues le voir dès les années 1990 pour lui demander de trouver une solution à ce problème d’engorgement. » En 2001, un tremblement de terre ravage le village et les pousse à agir. « En 2007, c’est à elles qu’on a donné le droit d’utiliser le Bhungroo. » Les femmes ne sont pas propriétaires de la terre, mais les voilà désormais seules détentrices d’un rouage indispensable du quotidien : l’usage de l’eau. Et l’acceptation sociale n’a pas posé de problème, à en croire Trupti Jain : « Il n’y avait ni eau, ni récolte, si argent. Les hommes ont vite compris que c’était gagnant-gagnant. » Désormais détentrices de compétentes techniques, les femmes sont également plus solidaires, surtout lorsqu’un mari se montre récalcitrant à cette émancipation. « La pression sociale fonctionne. La solidarité entre femmes a donc fait tomber la violence domestique. »

Une technologie qui commence à s’exporter

Chaque Bhungroo irrigue entre 8 et 10 hectares, profite à une poignée d’agriculteurs et coûte 2800 euros ou plus. Naireeta Services, l’entreprise sociale de Trupti Jain et Biplab Ketan Paul, fonctionne sur les recettes générées et sur des subventions. Elle assiste les communautés qui ne peuvent s’équiper. Le système a essaimé au Vietnam, au Bangladesh, au Ghana et au Rwanda. 4 600 unités sont déployées au total auprès d’environ 125 000 personnes. Les deux entrepreneurs lorgnent sur les autres pays d’Afrique et du sud-est asiatique.

Trupti Jain reconnaît deux limites à l’invention : « D’abord, on ne peut pas l’installer partout. Dans les paysages de montagnes par exemple, c’est faisable, mais plus compliqué. » L’autre obstacle est culturel lorsqu’il s’agit d’implanter l’outil dans un pays étranger. « Ce n’est pas facile de trouver le bon partenaire qui a de bons rapports avec les femmes, avec la communauté. »

Cet outil a un potentiel de développement global, estime Trupti Jain, qui ne veut pas s’arrêter là : « mon rêve est de pouvoir fournir des Bhungroos à des millions d’agriculteurs. Mais changer d’échelle ne sera pas facile ! »

Pour cette invention, étonnante de simplicité par rapport au service rendu, Trupti a reçu plusieurs prix, notamment en 2018 celui de la Constitution des femmes et du genre, qui est l’un des neufs acteurs reconnus dans les COP. Une vingtaine de lauréates issues ont été conviées à Charm el-Cheikh.

Avec RFI

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