Les électeurs brésiliens aideront à décider de la direction que prendra la forêt. Dimanche, le pays organise une élection présidentielle et les deux favoris – le président de droite Jair Bolsonaro et l’ancien président de gauche Luiz Inácio Lula da Silva – devraient adopter des approches très différentes de l’écosystème le plus aimé du pays.
L’élection présidentielle au Brésil aura lieu dimanche 2 octobre 2022 au moment où le poumon vert de la planète retient son souffle. Le sort de la forêt amazonienne dépendra au moins en partie de ce qui ressortira des urnes. Durant le mandat de l’actuel président, Jair Bolsonaro, la déforestation a fortement progressé dans certaines zones de la forêt. Son principal concurrent, l’ancien président Lula, promet des mesures pour y mettre un terme.
« Il n’y a aura pas un centimètre supplémentaire de terres indigènes », promettait Jair Bolsonaro à l’automne 2018, au moment de briguer la présidence du Brésil. Il assurait par ailleurs que celles déjà reconnues (soit environ 13 % du territoire brésilien) seraient ouvertes à l’exploitation minière et à d’autres activités économiques.
Quatre ans plus tard, c’est l’heure du bilan pour Jair Bolsonaro qui en termine avec un premier mandat et en espère un deuxième. Mais Lula, le revenant et son principal rival, pourrait rafler la mise dès le premier tour de cette présidentielle.
Signalons que la déforestation continue de s’accélérer, rapprochant la forêt emblématique d’un point de basculement dangereux et autodestructeur. D’autre part, le gouvernement brésilien renouvelle ses efforts pour protéger l’Amazonie, en conservant une énorme quantité de biodiversité et de carbone.
Il faut dire que Jair Bolsonaro a un bilan qui ne plaide guère en sa faveur. Sur le volet économique, la pandémie de Covid-19 et l’inflation à deux chiffres ont fait progresser l’extrême-pauvreté Brésil.
Mais le bilan environnemental n’est pas plus reluisant. Et c’est en Amazonie, immense réservoir de biodiversité de 6 millions de km², dont 63 % se trouvent au Brésil, que cela transparaît le plus. « La déforestation annuelle moyenne y a augmenté de 75 % depuis son arrivée au pouvoir par rapport à la décennie précédente », a indiqué à 20minutes.fr, Boris Patentreger, directeur France de Mighty Earth, ONG qui agit pour la protection des forêts tropicales. Rien qu’entre août 2020 et juillet 2021, 13 000 km² de forêts ont été rasés, selon les données de l’Institut national de recherche spatiale (INPE). Soit plus de vingt fois la superficie d’une ville comme Paris.
Certes, on n’est pas retombé au niveau de 2004, la pire année avec près de 28 000 km² déforestés », rappelle Plinio Sist, directeur de l’unité Forêts et Sociétés au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD). Alors président du Brésil, Lula avait par la suite réussi à baisser drastiquement cette déforestation, jusqu’à la stabiliser autour des 4 000 km² par an à la fin des années 2010.
« Sa stratégie reposait sur trois piliers, reprend Plinio Sist. D’abord l’instauration d’un système robuste de suivi de la déforestation, notamment satellitaire, confié à l’INPE. Ensuite, l’envoi immédiat d’agences environnementales, dont l’Institut brésilien de l’environnement et des ressources naturelles renouvelables (IBAMA) pour vérifier sur le terrain ces déforestations et verbaliser les contrevenants. Et enfin, troisième pilier consistait à veiller à ce que les amendes soient payées. La déforestation était repartie à la hausse ensuite, sous le deuxième mandat de Dilma Roussef, du parti travailliste comme Lula, et plus encore sous celui de Michel Temer à partir de 2016. Sept milles km² de forêts avaient ainsi été détruits en 2017.
Du mieux à espérer avec Lula président ?
Le tout a donné un fort sentiment d’impunité aux déboiseurs. « En Amazonie, note 20minutes.fr, il s’agit avant tout de l’agrobusiness, l’élevage bovin principalement [dont le Brésil est le premier exportateur mondial], toujours en quête de nouvelles terres à convertir en pâturage, reprend le directeur France de Mighty Earth. Quant aux premiers touchés, ce sont les territoires autochtones, en particulier l’Apyterewa, dans l’état du Para au nord du pays, la plus touchée ces dernières années.
Lula président, la tendance peut-elle repartir à la baisse ? D’un côté, Marion Daugeard s’attend un « resserrage de vis ». De l’autre, la géographe rappelle que « Lula, et le Parti des travailleurs plus globalement ; ont toujours été liés à l’agrobusiness, qui a toujours été important dans la balance commerciale du pays. Plus le cas encore à ces élections pour lesquelles Lula a dû aller chercher des soutiens à droite de l’échiquier politique ».
Moctar FICOU / VivAfrik