Un rapport publié en juin 2022 par la Banque mondiale a fait valoir que, si rien n’est fait pour adapter les économies au changement climatique, le Produit intérieur brut (PIB) des cinq pays de la région sahélienne (Mali, Niger, Burkina, Tchad, Mauritanie) pourrait enregistrer une baisse allant jusqu’à 11,7 % d’ici à 2050, rien qu’en raison d’une pénurie d’eau liée au dérèglement climatique.
Selon le document, les besoins en financements des pays du G5 Sahel pour l’adaptation au changement climatique d’ici à 2030 se chiffrent à 33 milliards de dollars.
L’équation climat-développement interpelle l’ensemble du Sahel. La résoudre nécessite «accélération de la croissance et adaptation climatique». Ousmane Diagana en est, plus que jamais, convaincu. «Les pays du Sahel doivent accélérer la croissance et prioriser l’adaptation climatique » ; et ce, « pour mieux faire face à la crise climatique et à l’insécurité alimentaire ».
L’enjeu est de taille : « quelque 13,5 millions de personnes supplémentaires pourraient basculer dans la pauvreté à travers la sous-région d’ici à 2050 ». Pour cause : « les chocs liés au changement climatique », confie à financialafrik.com, Diagana. Ce qui oblige à une action concrète et des mesures urgentes en matière d’adaptation, notamment au niveau des trois pays du G5 les plus vulnérables au fléau : le Niger, le Mali et le Tchad, dont « la capacité d’adaptation est fortement limitée par la pauvreté et la fragilité », stipule ledit rapport.
Intitulé « Région du G5 Sahel-Rapport national sur le climat et le développement », l’étude évalue également les besoins en financements nécessaires à l’atténuation des effets du réchauffement climatique dans la région au cours des huit prochaines années à près de 50 milliards de dollars.
Ces estimations se basent sur les Contributions déterminées au niveau national (CDN) dans le cadre de l’Accord de Paris, actualisées lors de la 26ème conférence des Nations Unies sur les changements climatiques COP26) qui s’est tenue à Glasgow en novembre 2021.
La Banque mondiale souligne, dans ce cadre, que les coûts de l’inaction sont bien plus élevés que ceux de l’action. D’autant plus que le Sahel est l’une des régions les plus vulnérables au monde aux sécheresses extrêmes, aux inondations, aux vagues de chaleur et autres phénomènes extrêmes liés au changement climatique. Trois des pays du G5 Sahel, en l’occurrence le Tchad, le Niger et le Mali, figurent en effet parmi les sept pays les plus vulnérables du monde au dérèglement climatique. La région ne contribue que de façon marginale au réchauffement climatique (moins 1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre), mais elle risque d’en payer le prix fort. Le Sahel a été identifié comme l’un des points de basculement de la planète si la température moyenne à la surface du globe augmente de 3º C par rapport aux niveaux préindustriels. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la plupart des scénarios climatiques montrent que les températures au Sahel augmenteront d’au moins 2º C à court terme (2021-2040), a-t-on analysé dans les colonnes de l’Agence Ecofin.
Améliorer la gouvernance de l’eau
L’impact économique de ces scénarios est colossal. Le PIB des pays du G5 Sahel pourrait enregistrer une baisse allant jusqu’à 11,7 % d’ici à 2050, rien qu’en raison d’une pénurie d’eau liée au changement climatique. Le taux de pauvreté devrait augmenter pour atteindre 34% à l’échelle régionale dans le scénario d’un faible niveau de précipitation. Cela signifie que 13,5 millions de personnes supplémentaires basculeront dans la pauvreté, a clarifié Ecofin.
Qui relève que pour éviter ce scénario cauchemardesque, la Banque mondiale recommande aux Etats de la région d’accroître leurs capacités institutionnelles en matière de lutte contre le changement climatique et de mobiliser des financements supplémentaires auprès de sources internationales, privées, non-gouvernementales et nationales tout en utilisant de manière plus efficiente et efficace leurs ressources financières existantes.
Les pays du G5 Sahel devraient d’autre part améliorer la gouvernance de l’eau en formalisant un cadre politique pour la gestion intégrée des ressources en eau, accélérer la transformation structurelle de leurs économies, et réaliser le potentiel du dividende démographique en renforçant le capital humain et en s’attaquant aux facteurs de fragilité et de conflits.
La Banque mondiale rappelle par ailleurs l’importance d’une croissance économique « rapide, résiliente et inclusive » comme « meilleure forme d’adaptation » au changement climatique.
« Plus un pays et ses citoyens sont prospères, plus le gouvernement, les entreprises et les ménages disposent de ressources pour investir dans les technologies d’adaptation au changement climatique », suggère l’institution, qui appelle à la constitution de plus importantes réserves stratégiques de céréales et à la mise en place de régimes d’assurance récolte et bétail.
Moctar FICOU / VivAfrik