Mettre fin à la révolution verte défaillante : une action audacieuse pour des systèmes alimentaires résilients ?

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Par Anne Maina : Coordinatrice nationale de l’Association kenyane pour la biodiversité et la biosécurité.

Dans les prochains jours, l’Alliance pour une révolution verte en Afrique tiendra son 12e sommet à Kigali, au Rwanda, en promettant de prendre des « mesures audacieuses pour des systèmes alimentaires résilients ». Ils ont intérêt, car ils ont emmené l’Afrique dans la mauvaise direction.

Lors du Forum sur la révolution verte en Afrique, qui se tiendra du 5 au 9 septembre, les responsables gouvernementaux, les chefs d’entreprise et les donateurs internationaux ne devraient pas se contenter de se serrer la main, mais la tordre en raison du manque de progrès dans la résolution des multiples crises du continent. La production agricole est en baisse, les coûts pour les agriculteurs sont en hausse pour des engrais qui ne donnent pas de résultats, et la faim s’accentue, au lieu de s’améliorer.

La hausse des prix des engrais n’a fait qu’aggraver une crise alimentaire déjà rendue plus critique par le Covid-19, les conflits et le changement climatique.

Nos dirigeants ne peuvent pas continuer à faire quelque chose de la même manière et espérer des résultats différents. Comme je l’ai dit aux représentants du Congrès américain en mars, le modèle de la révolution verte ne donne pas les résultats escomptés. Cela fait des années qu’il échoue.

Je n’ai pas été une voix isolée. La société civile africaine, les agriculteurs et les chefs religieux ont déclaré que l’approche de la révolution verte faisait plus de mal que de bien.

Lors du Forum sur la révolution verte en Afrique (AGRF en anglais) de l’année dernière, ils ont remis une lettre signée par plus de 200 organisations qui demandaient aux donateurs de l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA en anglais) de cesser de financer l’initiative.

Pourtant, ni l’AGRA ni ses donateurs n’ont tenu compte de notre appel. Au contraire, ils ont continué à faire l’éloge de l’AGRA au lieu d’exiger un changement de cap.

L’Agence américaine pour le développement international (USAID), l’un des principaux bailleurs de fonds de l’AGRA, a par exemple rapidement rejeté les conclusions critiques de la propre évaluation des bailleurs de fonds, qui a révélé une faible amélioration de la productivité ou de la sécurité alimentaire, la plupart des avantages allant aux agriculteurs masculins plus riches. L’USAID dit avoir envoyé une mission au Kenya et au Ghana pour consulter les « parties prenantes », mais n’a jamais parlé à mon organisation ou à toute autre organisation qui a demandé publiquement un changement.

L’USAID a déclaré qu’elle n’avait trouvé aucune indication de mauvaise gestion qui l’empêcherait de poursuivre le financement actuel. « Le vaste réseau de partenaires locaux africains de l’AGRA soutient les objectifs de localisation de l’Agence », a déclaré l’USAID à une commission du Congrès, donnant ainsi à l’AGRA un soutien sans faille pour poursuivre son modèle désastreux à haut niveau d’intrants.

Cependant, malgré cette intransigeance des grands acteurs de l’agriculture, les réalités du terrain racontent une histoire radicalement différente et tragique. Les monocultures de maïs et de riz de l’AGRA, alimentées par des engrais synthétiques, ont ruiné les sols et réduit les chances des agriculteurs africains de produire des aliments plus diversifiés et sains, moins dépendants des intrants fossiles. Elle a été désastreuse pour les écologies locales, réduisant la productivité agricole, ruinant les sols et aggravant la crise de la faim.

Plus tragiquement, le modèle de la révolution verte a rendu l’agriculture locale dépendante des importations, détournant le dollar difficile à trouver qui aurait permis de répondre à une myriade d’autres besoins.

La situation risque de s’aggraver, les prix des engrais synthétiques restant hors de portée des agriculteurs pauvres et des petits exploitants.

Pendant ce temps, les géants mondiaux des engrais se nourrissent des affamés, réalisant des bénéfices stratosphériques grâce à leurs exportations vers l’Afrique. Une nouvelle étude réalisée par le chercheur allemand Gideon Tups, qu’il a préparée pour l’organisation caritative INKOTA basée à Berlin, démontre que les entreprises tirent profit de la hausse spectaculaire des prix des engrais, qui a été multipliée par six dans le cas du Kenya.

Le rapport, publié en allemand, indique que, par rapport à l’année précédente, les grandes entreprises d’engrais ont pu multiplier leurs bénéfices par 70 et, selon leurs propres chiffres, « récupérer plusieurs fois leurs coûts accrus ».

L’AGRF, ses donateurs et les gouvernements africains devraient prendre des mesures audacieuses pour soutenir une agriculture résiliente qui travaille avec la nature, développe la diversité des cultures et des régimes alimentaires, respecte les schémas climatiques et donne aux agriculteurs marginalisés, tels que les petits exploitants et les femmes, les moyens de subvenir aux besoins de leurs familles tout en produisant des aliments pour un continent affamé. L’Afrique dispose d’alternatives viables ici même, chez elle.

Des centres de bio-inputs gérés par les agriculteurs qui ont besoin du soutien du gouvernement pour se développer.

La résilience ne peut être atteinte en faisant toujours la même chose et en espérant des résultats différents. La révolution verte a échoué. Je me joindrai à d’autres dirigeants communautaires le 1er septembre pour une conférence de presse afin de délivrer à nouveau ce message à l’AGRF. Il est grand temps de changer de cap.

Anne Maina  est la coordinatrice nationale de l’Association kenyane pour la biodiversité et la biosécurité, qui est membre de l’Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique. Courriel : anne.maina@bibakenya.org

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