La France, touchée par une sécheresse historique depuis plusieurs semaines, a profité du Congrès international des horticulteurs, le plus grand événement mondial consacré au végétal spécialisé, de l’ornement aux fruits et légumes en passant par les semences, qui se dérouler sur son territoire et qui a enregistré la présence des scientifiques venus d’Afrique pour s’intéresser aux méthodes utilisées sur le continent noir pour continuer de cultiver malgré le changement climatique.
Près de 2 000 scientifiques réunis à Angers ont notamment débattu de la gestion de l’eau. L’occasion de s’intéresser à l’Afrique et à la manière dont ce continent adapte son modèle agricole aux bouleversements climatiques. La France, et plus globalement l’Occident, ont peut-être des leçons à en tirer.
À l’heure des restrictions imposées dans de nombreux départements de la France, comment les professionnels de la terre font-ils pour subvenir aux besoins de leurs cultures ? « Il faut travailler à la fois sur les modifications des pratiques et chercher des variétés plus économes en eau », a répondu le ministre de l’Agriculture, Marc Fresneau, lequel présidera ce lundi 22 août 2022 un comité spécial sur la sécheresse.
« En Afrique, si on a pu anticiper tout ça, c’est parce qu’on est resté sur des cultures traditionnelles », a précisé l’un des experts africains.
« L’Afrique vit ces épisodes climatiques depuis des années ». Ces épisodes climatiques, ce sont les grandes chaleurs et les sécheresses extrêmes avec lesquelles le continent doit composer.
« Que nous puissions nous inspirer des techniques à l’œuvre dans des pays qui savent ce qu’est la rareté de l’eau et les sécheresses durables, oui. Après, on ne va pas calquer les modèles ! Ce ne sont pas les mêmes modèles climatiques ni les mêmes modèles agricoles », a-t-il répondu à ce sujet.
« En Afrique, si on a pu anticiper tout ça, c’est parce qu’on est resté sur des cultures traditionnelles. Il y a moins de difficultés à adapter une espèce locale qu’à le faire pour des espèces importées. Quand nous n’avons pas assez d’eau, on va favoriser la culture non pas du riz, mais d’autres céréales, par exemple », a expliqué Moctar Fall, dirigeant Afrique de la Société internationale des sciences horticoles.
Pour cela, il faut repenser les modèles agricoles dans les pays du Nord où la production est d’abord régie par les lois du marché global. Une hérésie pour Pierre Raji, professeur d’université à Lomé, au Togo. « L’Occident avance trop rapidement et oublie les fondamentaux : cultiver pour vivre et penser aux générations futures, et non pour toujours vendre. De quoi la France a-t-elle besoin pour vivre ? C’est comme ça qu’il faut se poser la question. On veut exporter alors que ce qu’on veut exporter, on en a besoin localement », insiste-t-il.
C’est peut-être là que le bât blesse au fond. Car à l’heure du changement climatique, l’Afrique, entre autres, aurait sans doute quelques leçons à donner au Nord en matière de « modèle », précisément. Et pour cause, sur le Continent noir, on a depuis longtemps appris à composer avec une pluviométrie famélique. Comment ? « En s’adaptant aux conditions pour faire ce qu’il est possible de faire. Quand on n’a pas assez d’eau, on ne va pas favoriser la culture du riz mais d’autres céréales, a insisté Moctar Fall, dirigeant Afrique de l’ISHS [International Society for Horticultural Sciences]. Ici, on a su rester sur des cultures traditionnelles, sur des espèces locales. Certes, c’est peut-être parce qu’on n’a pas le choix, mais c’est un modèle pertinent, et c’est un enseignement à tirer. »
Alors, l’occident est-il prêt à sortir d’une logique intensive ? Est-ce opportun, alors qu’il faut nourrir toujours plus de monde ? A-t-on encore le choix face à l’épuisement des ressources en eau ? Au-delà des schémas agricoles, c’est un nouveau modèle de société que peut inspirer l’Afrique. « Quoi qu’on dise l’avenir de nos États se trouvent encore dans la terre ».
Moctar FICOU / VivAfrik