Lisbonne, la capitale du Portugal, abrite du 27 juin au 1er juillet 2022, le Sommet mondial sur la santé des océans. A travers cette rencontre de haute portée initiée par l’ONU, les Nations unies volent au secours des océans. Tous les voyants sont rouges : hausse des températures, acidification, montée des eaux et la surpêche. Face à cette dernière, en dehors des accords internationaux qui commencent à être adoptés, une solution est présentée comme plus durable : l’aquaculture.
Les experts voient l’aquaculture comme une alternative durable à la surpêche. Pendant de l’agriculture dans le milieu aquatique, l’aquaculture correspond à la production par la main de l’Homme de ressources marines ou dulcicoles d’intérêt économique : poissons, crustacés, mollusques et même plantes. Alors qu’elle est pratiquée depuis des millénaires, elle représente aujourd’hui l’un des secteurs de production alimentaire en plus forte progression, sa croissance annuelle atteignant ces dernières années plus de 6 %.
En 2008 par exemple, les ressources alimentaires provenant de l’aquaculture globale (en eau salée et en eau douce) ont représenté près de 50 % de la production halieutique mondiale totale, soit 68 millions de tonnes. L’aquaculture marine correspond quant à elle à près de 50 % du total, ou 32 % si l’on exclut les végétaux. Alors peut-on voir dans l’aquaculture une alternative durable à la surpêche ?
Quelque 214 millions de tonnes, c’est la production en 2020 des pêcheries et de l’aquaculture. Elle dépasse aujourd’hui la pêche de capture et est en pleine progression. L’humanité consomme toujours plus de produits de la mer : 20 kilos par personne par an en moyenne, c’était deux fois moins dans les années 1960.
« La croissance soutenue de la production du secteur est essentiellement liée depuis les années 1990 à une croissance de la production du secteur aquacole, a expliqué Marc Taconet de la FAO. Ce qui veut dire qu’ils mettent en œuvre un certain nombre de mesures qui permettront une production plus importante et durable, environnementalement et socialement. »
Il faut savoir que l’élevage des premiers stades des animaux marins, qu’ils soient des poissons, des crustacés ou des mollusques, est toujours délicat. Ces très jeunes animaux sont fragiles et le taux de mortalité en milieu naturel est très élevé. De plus, contrairement aux espèces d’eau douce, les très jeunes animaux marins disposent d’une nourriture riche et variée, le plancton. Au cours de leurs différents stades larvaires, ils grossissent et peuvent changer de régime alimentaire, préférant des proies de plus en plus grandes. L’aquaculteur a souvent beaucoup de mal à reconstituer ces conditions en bassins.
Des fermes de prégrossissement (Ndlr : des bassins construits sur le sol) des alevins ou des larves prennent le relais, puis les adultes sont mis en élevage dans des cages sur le littoral (ou de plus en plus en pleine mer). Les poissons carnivores (comme le saumon) sont nourris par des farines et des huiles de poisson, provenant d’espèces issues de la pêche minotière et qui ne présentent pas d’intérêt direct pour l’Homme
Besoin d’une aquaculture plus durable
L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) préconise ainsi d’intensifier l’aquaculture aux dépens de la pêche de capture. Cette dernière a toujours des effets particulièrement néfastes : un tiers des stocks pêchés ne le sont pas de façon durable et ce mauvais chiffre augmente.
« Les chiffres de la surpêche présentés par la FAO sont terrifiants, et on se dirige vers le mur, s’inquiète Guillermo Antonio Crespo, chercheur au Stockholm Resilience Center. Nous avons une population en croissance qui a besoin de plus de produits de la mer, et l’ONU nous dit année après année qu’on continue de surpêcher, donc, est-ce que l’aquaculture est la solution ? Oui, elle peut être une source de nutriments. Mais toutes ses formes ne sont pas durables. Elle peut entraîner la dégradation de mangroves ou de littoraux, elle a donc besoin d’infrastructures. Ce n’est pas aussi simple que cela. »
Les besoins sont croissants, les pratiques souvent non durables. Face à ce constat, la FAO plaide pour un changement des pratiques en faveur de ce qu’elle appelle une transformation bleue.
Moctar FICOU / VivAfrik