L’invasion russe en Ukraine a engendré une pénurie de blé notamment en Afrique mais les agriculteurs Soudanais peinent à écouler leurs récoltes. Au même moment, le pays en manque et que les populations font face à une inflation galopante.
Plongé dans une crise économique qui ne cesse de s’aggraver, le Soudan manque de blé. Le prix du pain a été multiplié par dix depuis le coup d’État d’octobre 2021 et les files d’attente font désormais partie du quotidien de ceux qui ont encore les moyens d’en acheter.
En termes clairs, le blé et le pain manquent partout et pourtant les sacs de graines s’empilent dans la petite maison d’Imad Abdallah : le gouvernement qui jusqu’ici achetait chaque année sa récolte n’a plus d’argent.
Lors des semailles, les autorités lui avaient pourtant promis 75 dollars par sac de blé, un prix incitatif fixé par le gouvernement pour promouvoir la culture de la précieuse céréale.
« Cela fait plus de deux mois que le blé a été récolté, nous ne pouvons plus le stocker chez nous », a regretté Imad, dépité dans sa ferme d’al-Laota, dans la province d’Al-Jazira, au sud de Khartoum.
Le pays importe plus de deux millions de tonnes de blé par an, mais en produit aussi plus de 750 000 tonnes, selon les derniers chiffres de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), pour l’année 2020. Or, depuis deux mois, la récolte locale a du mal à se vendre. L’État avait promis 75 dollars par sac de blé, mais aujourd’hui les acheteurs institutionnels ont disparu du circuit et les sacs de céréales s’entassent chez les agriculteurs qui craignent de voir leur stock s’abîmer.
L’État a confirmé qu’il n’achèterait pas l’intégralité des récoltes produites dans le pays, car les caisses sont vides. Contraint d’acheter au prix fort sur le marché international, le Soudan a déjà dépensé 366 millions de dollars en blé importé entre janvier et mars 2022, selon la Banque centrale.
Les besoins en blé, céréale la plus consommée du pays après le sorgho, sont pourtant importants et s’élèvent à 2,2 millions de tonnes par an, importés en grande majorité de Russie et d’Ukraine, selon l’ONU.
Avec la baisse des importations et la hausse des prix des matières premières, conséquences du conflit entre la Russie et l’Ukraine, l’ONU estime que d’ici à septembre 2022, 18 millions de personnes, soit près de la moitié de la population, pourraient connaître la faim.
« Le blé local finira par trouver preneur »
La suspension de l’aide internationale depuis l’arrivée au pouvoir du général Al Buhran pèse aussi sur les finances de l’État qui avait déjà taillé dans ses dépenses l’été dernier, sous la pression internationale, en arrêtant de subventionner de nombreux produits. Une mesure qui a précipité la flambée des prix.
La difficulté, c’est que la plupart des agriculteurs ont l’habitude de vendre la totalité de leur récolte à des acheteurs officiels et qu’ils refusent pour l’instant les propositions à bas prix à des intermédiaires locaux. L’exportation de ce blé soudanais n’est pas une alternative, précise un analyste, pour des raisons de qualité des grains et faute de relais nécessaires pour le commercialiser.
Mais ce blé ne sera pas perdu, tempère un négociant : il finira par être acheté, car le pays a besoin de sa production locale, d’autant que l’Ukraine et la Russie faisaient partie jusqu’à la guerre des deux principaux fournisseurs de blé du Soudan.
Moctar FICOU / VivAfrik