Simon Mizrahi : « L’Afrique et la Banque ont fait preuve d’une incroyable résilience face à la pandémie »

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Dans une interview parue dans le site internet de la Banque africaine de développement (BAD), le dirigeant du département de la performance et des résultats de la Banque africaine de développement, Simon Mizrahi, qui publie la Revue annuelle de l’efficacité du développement a confié que « l’Afrique et la Banque ont fait preuve d’une incroyable résilience face à la pandémie ».

La pandémie de Covid-19 a entraîné une récession économique à l’échelle mondiale, mais quel a été son impact sur les économies africaines ?

Ce qui fait la singularité de cette crise n’est pas tant son ampleur – l’Afrique en a connu d’autres –, que la confluence de crises multiples qu’elle incarne.

La pandémie de Covid-19, avec un nombre incalculable de pertes en vies humaines, a sapé les forces vives de nombreux pays. La scolarité de 127 millions d’enfants a été suspendue en Afrique australe et en Afrique de l’Est, avec les conséquences que l’on sait sur leur avenir.

Le ralentissement économique a touché de plein fouet l’ensemble des secteurs économiques. Plus de 30 millions d’Africaines et Africains ont basculé dans l’extrême pauvreté en 2021, selon les estimations. Pour la première fois depuis 50 ans, le continent a enregistré une croissance négative, mettant en péril les acquis du développement.

Ce à quoi il faut ajouter la crise climatique, une situation sécuritaire complexe dans le Sahel et la Corne de l’Afrique, outre l’impact de la guerre en Ukraine, notamment sur le prix des denrées alimentaires. Il est encore trop tôt pour juger de l’ampleur de cette crise alimentaire, mais nous savons d’ores et déjà qu’elle aura un impact considérable : le prix du blé a déjà bondi de 24 % en Tunisie et de 10 % au Nigeria, mais aussi au Kenya et en Algérie – au point que les ménages les plus pauvres n’ont plus les moyens aujourd’hui d’acheter du pain.

Face à cette crise multiforme et de grande ampleur, que peut une institution comme la Banque africaine de développement ?

Avant même de parler du rôle de la Banque, rendons hommage aux gouvernements africains qui ont vite réagi : ils ont multiplié les interventions en santé publique, engagé des opérations de soutien monétaire et budgétaire d’une ampleur sans précédent et étendu les filets de protection sociale.

Dans ce contexte d’urgence, la Banque a vocation, avant tout, à accompagner les gouvernements africains dans leurs efforts, à mobiliser les ressources dont ils ont besoin et à prioriser les actions les plus susceptibles d’appuyer leurs initiatives.

C’est pourquoi notre priorité a été de mobiliser des ressources en quantité et vite décaissables au profit des pays les plus vulnérables. La Banque a mis en place la Facilité de réponse rapide à la Covid-19 dès avril 2020, qui a mobilisé plus de 4 milliards de dollars.

Mais, concrètement, cela veut dire quoi pour ces pays ?

Très concrètement, cela signifie que des pays comme le Malawi, le Sénégal ou la Côte d’Ivoire ont pu, grâce à la Banque, subventionner les factures d’eau et d’électricité pendant plusieurs mois. Près d’un million de ménages en ont bénéficié dans chacun des trois pays. En Sierra Leone, un pays particulièrement vulnérable, les ressources de la Banque ont permis de former et d’équiper 11 000 agents de santé. Et, en Afrique du Sud, 38 % des adultes et 58 % des personnes âgées de plus de 60 ans ont été vaccinés contre la Covid grâce à la Banque.

Si nous avons délibérément donné la priorité au service public, le secteur privé n’a pas été en reste : plus de 300 000 PME du continent ont bénéficié d’un appui, comme des garanties de crédit et des financements abordables.

Une crise pareille a forcément un impact sur le fonctionnement de la Banque…

En effet. La Banque a dû faire preuve de flexibilité et de résilience pour s’adapter aux nouvelles priorités des pays. Au Togo, par exemple, où la Covid-19 a entraîné des problèmes de sécurité alimentaire, nous avons restructuré nos prêts pour répondre aux nouvelles urgences et contraintes apparues. Mais la crise a aussi affecté notre programme de travail. L’an dernier, plus de 60 de nos opérations, représentant pas moins de 3 milliards de dollars, ont dû être reprogrammées pour cibler en priorité la lutte contre la pandémie et ses conséquences. La fermeture des frontières et les contraintes de déplacements sont aussi venues entraver notre travail sur le terrain : malgré tous nos efforts, un tiers de nos opérations a accusé des retards ou des difficultés de mise en œuvre en 2021.

Avec quelles conséquences sur les clients de la Banque ?

L’Afrique et la Banque ont fait preuve d’une résilience incroyable. Nos équipes ont redoublé d’efforts pour que nos projets atteignent leurs résultats. L’année dernière, par exemple, nous avons offert un accès à l’eau potable ou à des services d’assainissement à plus de 12 millions de personnes – c’est trois fois plus que l’objectif que l’on s’était fixé pour 2021 ! Nos investissements dans le secteur privé ont proposé des services financiers à plus de 130 000 micros, petites et moyennes entreprises – là encore, c’est le double de notre objectif initial –, ce qui a profité à plus de 3,4 millions de personnes.

Le Fonds africain de développement, notre instrument d’appui aux pays les plus vulnérables, a été classé 2e parmi 49 agences de développement, pour la qualité de son aide au développement. Autre source de satisfaction pour nous : la Banque a été classée au 4e rang des institutions de développement les plus transparentes au monde en 2020.

Cette reconnaissance internationale et les résultats que nous enregistrons chaque jour sur le terrain nous incitent à poursuivre notre mission de développement sans jamais renoncer à nos ambitions.

La résilience climatique et une transition énergétique juste sont au cœur de ces Assemblées. Comment ces enjeux sont-ils intégrés dans le travail de la Banque ?

C’est une priorité pour la Banque ! En 2021, 92 % de nos opérations étaient conçus de manière à intégrer la problématique du changement climatique, contre 75 % en 2015. Idem pour nos stratégies pays et documents politiques, qui sont tous élaborés en tenant compte des effets du changement climatique. En 2021, 41 % du total des engagements de la Banque appuyaient des projets liés aux financements climatiques.

Parce que lutter contre les effets du changement climatique en Afrique est une priorité absolue, nous continuerons d’être aux côtés des pays africains, mais aussi du secteur privé, pour les accompagner dans leur transition énergétique et le développement de solutions énergétiques propres et sobres en carbone. Ils peuvent compter sur notre soutien indéfectible !

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