Par Nathalie Mayer
Le réchauffement climatique et ses conséquences, ça ne nous concerne pas. En êtes-vous si sûr ? Parce que des chercheurs nous préviennent aujourd’hui. Si rien ne change, les terres cultivées du monde entier vont de plus en plus manquer d’eau. D’ici 2050. Et 2050… c’est demain ! Heureusement, ces mêmes chercheurs nous proposent aussi des solutions.
Depuis le début de cette année 2022, les cumuls de précipitations sont déficitaires sur une majeure partie du pays. Selon les prévisions de Météo France, la situation ne va pas s’améliorer. La sécheresse va s’étendre dans les semaines à venir. Et des chercheurs de l’Académie des sciences de Chine l’annoncent aujourd’hui. Avec le changement climatique, nous devons nous attendre à ce que quelque 84 % des terres cultivées dans le monde manquent de plus en plus d’eau d’ici 2050. Pire, 60 % d’entre elles devraient connaître des situations de pénurie.
Rappelons que, depuis cent ans, la demande mondiale en eau a augmenté deux fois plus vite que la population humaine. Et c’est pour la production agricole que nous consommons le plus d’eau. De l’eau qui tombe littéralement du ciel sous forme de précipitations. Celle que les scientifiques appellent l’eau verte. Mais aussi celle qui est puisée dans les rivières, les lacs et les nappes phréatiques que l’on nomme l’eau bleue.
Or les chercheurs de l’Académie des sciences de Chine ont examiné les besoins en eau pour l’agriculture, les besoins actuels et futurs. Ils sont ensuite parvenus à prévoir si, dans le contexte de réchauffement climatique, les niveaux d’eau disponibles seront suffisants pour répondre à ces besoins. Et leur réponse est globalement : non !
Des solutions pour amener de l’eau sur les terres agricoles
Jusqu’alors, la plupart des études s’étaient concentrées uniquement sur les ressources en eau bleue. Celle-ci tient également compte des problématiques liées à l’eau verte. L’eau verte, c’est plus précisément la portion d’eau de pluie disponible pour les plantes dans le sol. Cette disponibilité dépend bien sûr des précipitations. Elle dépend aussi de la quantité d’eau perdue en raison du ruissellement et de l’évaporation, des pratiques agricoles, de la végétation, du type de sol et de la pente du terrain. Ainsi avec l’augmentation des températures et les changements attendus dans les régimes de précipitations, le tout ajouté à l’intensification des pratiques agricoles, la disponibilité en eau verte va changer. Les chercheurs estiment que ces changements de disponibilité en eau verte devraient impacter environ 16 % des terres cultivées dans le monde.
Ce que les chercheurs espèrent surtout, c’est que leurs travaux aideront les pays à mieux évaluer la menace qui plane sur eux et à élaborer des stratégies qui leur permettraient de limiter l’impact des sécheresses à venir. Car de telles stratégies existent.
Les chercheurs évoquent le paillage qui peut réduire l’évaporation du sol. Ou encore l’agriculture sans labour qui encourage l’eau à s’infiltrer dans le sol. Ou même l’ajustement du moment des semis pour mieux aligner la croissance des cultures sur l’évolution des précipitations. Ils envisagent aussi une agriculture de contour qui consiste à labourer le sol sur des terres en pente selon des rangs de même élévation, pour empêcher le ruissellement, mais également l’érosion des sols. Le tout sans oublier le gain procuré par l’amélioration des infrastructures ou de l’efficacité des systèmes d’irrigation.
L’eau dans l’agriculture, en route vers une catastrophe mondiale ?
L’eau est essentielle à la vie et à l’agriculture. Une étude révèle l’origine des eaux utilisées dans le monde pour irriguer les champs. Résultat : 20 % des ressources utilisées proviendraient de sources épuisables. Ce nombre a été multiplié par trois en quarante ans. Le réchauffement climatique aurait aussi son mot à dire. En cas de crise, l’ensemble de la Planète sera concerné…
Une sécheresse a sévi en France durant l’année 2011. De nombreux cultivateurs se sont retrouvés dépourvus face au phénomène. Cet événement nous rappelle à quel point l’agriculture est dépendante de l’eau, et donc, dans beaucoup de cas, des systèmes d’irrigation. À l’échelle de la Planète, 17 % des champs seraient équipés de dispositifs d’arrosage. Ils fourniraient à eux seuls 40 % à la production mondiale agricole.
L’eau utilisée en agriculture peut avoir plusieurs origines. Les eaux vertes proviennent des précipitations. Elles sont stockées temporairement dans les sols. Les eaux bleues sont pompées dans les rivières, les lacs ou encore dans les nappes phréatiques, mais de manière durable. La troisième source correspond aux eaux extraites de réserves qui se renouvellent peu ou pas.
Des chercheurs de l’université d’Utrecht (Pays-Bas), menés par Marc Bierkens, ont décidé d’étudier la provenance des eaux d’irrigation utilisées dans le monde. Leurs résultats, publiés dans Water Resources Research, sont inquiétants. Le recours à des ressources d’eau sans réelle gestion durable a triplé entre 1960 et 2000, passant de 75 à 234 km3 par an. Mais qu’arrivera-t-il lorsque les réserves seront épuisées ?
Gestion non durable de l’irrigation des cultures
Les scientifiques ont utilisé des données géographiques, hydrographiques et satellitaires pour modéliser et cartographier la consommation en eau dans l’agriculture mondiale. Leur programme ne se borne pas aux frontières d’un pays. Il permet d’étudier chaque région du Globe. Les résultats importants sont repris ci-dessous.
En 2000, près de 20 % de l’eau d’irrigation provenaient de sources qui ne sont pas durables. À elle seule, l’Inde a extrait 68 km3 de cette ressource en 1 an. Elle est suivie par le Pakistan (35 km3/an), les États-Unis (30 km3/an), l’Iran (30 km3/an), la Chine (20 km3/an), le Mexique (10 km3/an) et enfin, l’Arabie Saoudite (10 km3/an). Ces eaux sont principalement utilisées dans des régions semi-arides.
Certaines contrées utilisent majoritairement des eaux fossiles. Sans surprise, ces pays sont : le Qatar, les Émirats arabes unis, l’Arabie Saoudite et la Lybie. Ils sont souvent cités en exemple pour illustrer le phénomène du verdissement des déserts.
Conséquences économiques mondiales
Plus surprenant, certains pays recourant principalement aux eaux bleues (lacs et rivières) et vertes (pluies) pourraient se retrouver en déficit hydrique à cause du réchauffement climatique (diminution de la pluviométrie). L’Algérie, le Maroc, l’Espagne et l’Italie sont particulièrement concernés.
En cas de pénuries d’eau, les conséquences économiques se ressentiraient à l’échelle planétaire. La France n’importe-t-elle pas d’énormes quantités de fruits et légumes d’Espagne et du Maroc, deux pays cités ci-dessus ? Que se passerait-il sur le prix des aliments si ceux-ci venaient à se raréfier ?
Une diminution de la production agricole mondiale pourrait également avoir de graves conséquences sanitaires alors que la population ne cesse d’augmenter…
Cette étude a le mérite de rappeler l’urgence de la situation dans laquelle nous nous trouvons face à la problématique de l’irrigation de nos terres agricoles.
Nathalie Mayer, Journaliste