Animation scientifique sur « Post-Covid-19 et guerre en Ukraine : quelles conditions à la souveraineté alimentaire au Sénégal ? »

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Dakar, le 27 avril 2022 – L’Initiative Prospective Agricole et Rural (IPAR), en partenariat avec le Rapport Alternatif sur l’Afrique (RASA) et le Réseau Sénégalais des Think tanks (SENRTT), a organisé, le 26 avril 2022 un webinaire sur le thème : Post-Covid-19 et guerre en Ukraine : quelles conditions à la souveraineté alimentaire ? Cette activité, qui s’inscrit dans le cadre des animations scientifiques organisées régulièrement à l’initiative d’IPAR et portant sur des problématiques de développement ou des questions d’actualité, avait pour principal objectif d’engager une réflexion soutenue autour des implications des crises récurrentes secouant la planète, notamment la Covid-19 et la crise ukrainienne, ainsi que l’embargo de la CEDEAO contre le Mali, sur la souveraineté alimentaire des pays en développement, en insistant sur le cas du Sénégal.

Le webinaire a mobilisé une centaine de participants dont le Ministre sénégalais en charge du Plan Sénégal Emergent (PSE), Abdou Karim Fofana, des enseignants, des chercheurs, des étudiants, des acteurs du secteur privé, des membres de la société civile, des consommateurs, etc. Ils ont croisé leurs regards sur la situation de la souveraineté alimentaire et ses enjeux dans le monde et au Sénégal, avant de proposer des pistes d’accélération d’une souveraineté alimentaire basée sur les productions locales et des modalités de transformation adaptées aux besoins des nouveaux consommateurs.

• Une situation alimentaire rudement impactée par les crises

Il est ressorti des échanges que le Sénégal, à l’instar de beaucoup de pays en développement, subit de plein fouet les contrecoups de la crise sanitaire liée à la Covid-19 et de la guerre en Ukraine. Elles ont des répercussions dramatiques sur la situation alimentaire dans le monde, du fait des mesures restrictives et de la diminution du volume des échanges entre pays.

Assurant le cadrage de la thématique à l’ouverture du webinaire, Dr Ibrahima Hathie, chercheur émérite à IPAR, a dépeint une situation alimentaire mondiale préoccupante. Il a souligné que « bien avant la pandémie de COVID-19, nous n’étions déjà pas sur la bonne voie pour respecter nos engagements d’éliminer la faim et la malnutrition dans le monde, d’ici 2030. Aujourd’hui, la pandémie et la crise ukrainienne ont rendu cet objectif beaucoup plus difficile à atteindre ».

Pour illustrer son propos, Dr. Hathie rapporte que la Faim dans le monde a touché entre 720 et 811 millions de personnes, en 2020, soit entre 118 et 161 millions de personnes de plus qu’en 2019. Par ailleurs, toujours selon lui, la sous-alimentation a affecté 768 millions de personnes, en 2020, dont plus de la moitié (418 millions) vivent en Asie et plus d’un tiers (282 millions) en Afrique.

Évoquant le cas du Sénégal, Dr. Hathie parle d’une vulnérabilité structurelle, avec des importations alimentaires estimées, en 2020, à 800 Milliards de FCFA, utilisés principalement pour l’achat de riz, de produits laitiers, d’huiles et de graisses, etc. « Le Sénégal reste très vulnérable aux chocs en dépit des réponses de l’Etat et des progrès réalisés ces dernières années dans la chaine de valeur riz, notamment, (hausse des productions, amélioration de la qualité, meilleure organisation des acteurs, mécanismes de financement innovants, investissements publics et privés importants), aussi, à travers l’amélioration de la couverture des besoins en oignons et pomme de terre (régulation, incitations) et la forte augmentation des productions avicoles (fermeture des frontières) », selon Dr. Hathie.

• Quelles pistes pour accélérer la transformation de nos systèmes alimentaires et asseoir une souveraineté alimentaire durable au Sénégal ?

Pour faire face aux défis de la souveraineté alimentaire, il ressort des échanges qu’il faut aller vers une transformation de nos systèmes alimentaires sous l’impulsion de l’Etat qui a tous les instruments. Il importe ainsi de définir une politique alimentaire holistique en cohérence avec les politiques agricole, d’élevage, de pêche, commerciale, industrielle, sanitaire, environnementale et de protection sociale afin de mieux tirer parti des synergies et gérer les compromis. Il faut, par ailleurs, des mécanismes et des institutions de gouvernance efficaces et inclusifs, choses essentielles pour mettre en œuvre la politique alimentaire holistique et accélérer la transformation des systèmes alimentaires.

Un axe possible de la politique alimentaire pourrait être le développement d’une économie du mil. Il peut être un marché adéquat pour l’armée, les cantines scolaires, les achats institutionnels étatiques et au niveau des collectivités territoriales, et permettre de développer un écosystème autour de la production et de la transformation. Une option que soutient Mme Mame Khary Diène, panéliste et spécialiste des chaînes de valeurs agricoles et de l’Entreprenariat des jeunes. Elle pense que « Le mil pourrait être une solution, notamment avec la crise ukrainienne qui va exacerber les pénuries de blé ».

Le Ministre en charge du PSE est également allé dans le même sens. Tout en reconnaissant que « des efforts doivent être faits pour davantage valoriser les céréales locales au Sénégal », il considère que « l’incorporation graduelle de céréales, telles que le mil, dans la panification, peut être une solution pour habituer nos papilles à ces produits ». Il signale que « des études ont montré qu’une incorporation de 20 % de mil dans le pain permettrait de faire une économie de 17 milliards de FCFA, avant d’annoncer qu’il y a un décret dans ce sens depuis longtemps et « qu’il faudra l’appliquer ».

Nadjirou Sall, producteur, président du CNCR, Secrétaire général du ROPPA et également panéliste, plaide pour un accompagnement de l’Etat pour une meilleure structuration des acteurs intervenant dans les chaines de valeur, une amélioration de l’environnement des marchés à travers des infrastructures de qualité, un accès à l’information, etc.

Abondant dans le même sens, Mme Mame Khary Diène, suggère de « réfléchir à long terme aux moyens d’autonomiser le paysan afin de le soustraire du sponsor de l’Etat ». Relativement au maillon transformation, elle pense « qu’elle ne pourra être dopée que s’il y a un secteur privé fort ». Elle ajoute qu’il faut que la petite et moyenne entreprise puisse s’insérer dans la chaine de valeur », avant de plaider pour une « intégration de l’entrepreneuriat dans les curricula afin d’inculquer aux jeunes le sens de l’entreprenariat dès le bas âge ».

M. Bagoré Bathily, fondateur et directeur général de la Laiterie du berger, estime que « les crises peuvent être des opportunités de rebondir et de repartir du bon pied ». Comme solution au développement d’une filière lait capable de soutenir durablement la souveraineté alimentaire du Sénégal, il préconise « des subventions davantage ciblées pour que les industriels n’aient plus à acheter le lait local à des coûts trop élevés ». Il informe que la cherté des produits locaux oblige les industriels à s’orienter vers les produits laitiers importés. Pour finir, le Ministre en charge du PSE, M. Abdou Karim Fofana s’est félicité de la tenue de

cette rencontre qui permet d’échanger sur une problématique qui relève d’une priorité nationale, la souveraineté alimentaire. Selon lui, « la souveraineté alimentaire n’est pas une question d’opportunité mais une nécessité ». Il a, par ailleurs, informé que l’Etat du Sénégal, parallèlement à l’installation des pôles agricoles, a l’ambition de mettre en place des centres de formation professionnelle, dans les différents départements du pays, centrés sur les spécificités de chaque zone.

• Prochaines étapes :

Un prochain Webinaire, dont la date reste à fixer, est prévu sur l’implication des jeunes et l’intéressement du privé dans la production ; Sous la houlette de IPAR, un processus d’évaluation de la loi agrosylvopastorale sera engagé et mis en œuvre dans le long terme.

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