Une trentaine d’organisations de la société civile alertent sur des violations de droits de l’homme dans un litige foncier à Madagascar opposant les communautés locales des districts de Mampikony et de Port-Bergé, dans le nord-ouest de l’île et la société Cotona Real Estate. Selon le correspondant de Radio France internationale (RFI) à Madagascar, Laetitia Bezain, qui cite ces organisations, 39 habitants ont été placés sous mandat de dépôt et 3 000 se sont réfugiés dans la forêt aux alentours par peur d’être arrêtés par les forces de l’ordre. Elles demandent au président malgache, Andry Rajoelina, « de prendre ses responsabilités » concernant cette affaire.
L’objet du litige, apprend-on de rfi.fr est un terrain de 2 700 hectares titré au nom d’un ancien colon français sur lequel les communautés de dix hameaux cultivent du riz depuis des décennies, lorsque ce dernier était à Madagascar et après son départ.
« Nous cultivons ces terres depuis longtemps. Nos ancêtres, originaires du sud-est, sont venus travailler ici pour les colons », a expliqué à RFI Clément Razanaka, vice-président de l’association des cultivateurs solidaires de Mampikony et Port-Bergé. Les populations de ces hameaux contestent la manière dont les terres ont été immatriculées au nom de la société Cotona Real Estate. Elles dénoncent « une mutation irrégulière, voire fictive » et ce d’autant plus que « les services fonciers refusent de fournir la preuve d’acquisition entre cet ancien colon et cette entreprise. »
Si dans un arrêt de la cour d’appel de Mahajanga du 7 avril 2021 que RFI a pu consulter, cette dernière autorise les communautés à continuer de cultiver sur ce terrain jusqu’à l’issue de la procédure domaniale, « la réalité est faite d’arrestations et de violences », rapportent les organisations de la société civile signataires du communiqué, notamment la Solidarité des intervenants sur le foncier, la plateforme Rohy, Transparency International, Initiative Madagascar ou encore le Collectif pour la défense des terres malgaches. « En décembre, les forces de l’ordre sont venues avec des tracteurs pour détruire nos cultures », raconte Clément Razanaka. Une destruction pendant laquelle certains tracteurs ont été incendiés. « Un mois et demi plus tard, les forces de l’ordre sont venus dans les hameaux pour arrêter des habitants. Je me suis enfui avant à Antananarivo avec certains. Mais beaucoup se cachent dans la forêt. Les enfants ne vont plus à l’école, car ils ont suivi leurs parents dans la forêt. Nous n’avons plus de revenus en ce moment », poursuit ce représentant des communautés locales, qui a affirmé qu’elles ne sont pas à l’origine du feu.
« Pendant les enquêtes, certaines personnes ont subi des coups et des violences pour les pousser à dénoncer les autres », a signalé à RFI la société civile. Elle demande, entre autres, la libération des paysans emprisonnés, l’arrêt des poursuites envers les populations, la restitution de leur riz et exhorte les services fonciers à communiquer au tribunal les documents relatifs à l’acquisition par Cotona Real Estate des terrains « pour permettre la connaissance de la vérité. »
Si l’on se fie à Laetitia Bezain, les habitants et leurs défenseurs demandent au président de la République, Andry Rajoelina, d’intervenir. Selon eux, le chef de l’État « avait donné sa parole aux populations de ces fokontany [Ndlr : hameaux] qu’il leur donnerait ces terrains dès qu’il serait élu. »
Moctar FICOU / VivAfrik