La lutte contre la déforestation importée est l’une des priorités affichées par la France, qui a pris la présidence tournante du Conseil de l’UE en début d’année. Une première réunion informelle entre les ministres de l’Environnement a permis d’avancer sur le projet de directive afin, notamment, de l’élargir à d’autres écosystèmes comme les prairies ou les zones humides. Le texte ne cible pour l’instant que les forêts alors qu’elles sont loin d’être les seules en danger.
En fin d’année dernière, la Commission européenne a dévoilé un projet de réglementation sur la déforestation importée qui bannit l’importation de soja, bœuf, huile de palme, bois, cacao et café, ainsi que certains produits dérivés (cuir, ameublement…), si leur production est issue de terres déboisées après décembre 2020. Les entreprises concernées devront mettre en place un système de traçabilité. Mais pour de nombreuses associations environnementales, il est important d’élargir le texte, qui ne cible pour l’instant que les forêts, à d’autres écosystèmes naturels eux aussi en danger et essentiels pour le climat et la biodiversité.
La lutte contre la déforestation importée est l’un des sujets prioritaires de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) qui a démarré le 1er janvier dernier pour six mois. C’est pourquoi il a été mis à l’ordre du jour de la réunion informelle des ministres européens de l’environnement, qui s’est tenue la semaine dernière à Amiens, dans le nord de la France. Et la voie semble désormais ouverte pour un élargissement du texte.
« Plusieurs propositions seront débattues lors des prochaines semaines : l’extension du champ du règlement à d’autres produits de base, tels que l’hévéa (arbre à caoutchouc) et la prise en compte de l’impact de ces productions sur d’autres écosystèmes que les forêts, fragiles et riches en biodiversité, tels que les prairies et les zones humides », a ainsi déclaré Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique, qui a mené les pourparlers.

Un cinquième de l’huile de palme importée par l’UE provient d’une région où les tourbières ont été décimées
Dans un rapport très documenté, publié le 18 janvier, le WWF montre que la moitié des prairies et savanes du monde a déjà été perdue, 15 % des réserves mondiales de tourbières ont été détruites ou dégradées et 35 % des mangroves ont disparu en seulement 20 ans. Par exemple, le Cerrado – un écosystème de savanes, de prairies et de forêts au Brésil – a déjà perdu plus de la moitié de sa végétation naturelle, notamment depuis les années 1970. « Les taux de conversion du Cerrado, qui résultent en grande partie de l’expansion de la production de soja et de bétail, ont dépassé ceux de l’Amazonie » notent les auteurs de l’étude.
Ces écosystèmes, riches en biodiversité, jouent également un rôle central pour lutter contre le changement climatique. Les prairies et les savanes stockent actuellement deux fois plus de carbone que les forêts tropicales. Et les tourbières ont un potentiel de stockage de carbone par hectare deux fois plus important que les forêts. Leur destruction est responsable de 5 % des émissions de GES mondiales, soit le double des émissions de l’aviation mondiale.
En outre, ce sont souvent des réserves de carbone plus stables que les forêts car la grande majorité est stockée sous terre et est donc moins vulnérable que les forêts aux perturbations dues aux sécheresses et aux incendies. Ainsi, les tourbières stockent 98 % du carbone sous terre, 80 % pour les praires et les savanes et 68 % pour les mangroves, contre 44 % pour les forêts tropicales humides.
L’Union européenne joue un rôle central dans la destruction de ces écosystèmes puisque les importations européennes sont à l’origine de 16 % de la déforestation importée du monde, faisant de Bruxelles le deuxième destructeur de forêts tropicales, derrière la Chine, et devant l’Inde et les États-Unis. Mais l’UE s’approvisionne également en produits provenant d’écosystèmes naturels non forestiers, tels que le blé ou le soja issus des Grandes plaines américaines, le bœuf du Cerrado ou encore l’huile de palme de Sumatra en Indonésie où plus de la moitié des tourbières ont disparu en 25 ans. Un cinquième de l’huile de palme importée par l’UE provient de cette région.
(novethic.fr)