Par Jean-Michel Meyer
Le réchauffement climatique sollicite près de 10 % du budget du Rwanda. À travers « Wakanda », le pays du président Kagame a choisi d’en réduire l’impact de manière radicale. Le projet de Green City, baptisé « Wakanda » par les populations, est un signal fort de prise en compte du changement climatique.
Le pari d’une ville verte est audacieux, mais à Kigali, on y croit d’autant plus que les autorités ont décidé d’en décliner le concept dans six villes secondaires. Défi environnemental donc, mais aussi défi économique autour de ce qui a été baptisé du nom de code Green City. Les ingénieurs estiment entre 4 à 5 milliards de dollars l’investissement nécessaire à la construction de cette future cité 100 % durable. Point important de l’approche : miser sur des technologies vertes résilientes, notamment en matière d’urbanisation et de transport. De quoi le roder au Rwanda avant de l’exporter vers d’autres pays du continent africain à plus ou moins longue échéance.
Wakanda : tout un programme !
Présentée dans les grandes lignes en mai, cette future ville 100 % écolo a déjà été rebaptisée « Wakanda » par la population du Rwanda, en référence au blockbuster américain Black Panther, commercialisé au début de l’année, et dont la majeure partie de l’action se situe dans le royaume imaginaire de Wakanda.
Le début des travaux est annoncé pour janvier 2020. Tandis que les différentes études s’achèveront d’ici décembre prochain, a précisé à la presse Eudes Kayumba, le chef d’équipe adjoint du projet pilote Green City. Et qui se déroulent avec l’aide d’entreprises européennes, mais aucune française pour l’instant. Le Fonds vert rwandais (Fonerwa), avec le soutien financier de la Coopération allemande au développement, par l’intermédiaire de la Banque de développement de la KfW, a entrepris l’étude de faisabilité. Alors que Sweco, un cabinet d’ingénierie et d’architecture basé à Stockholm en Suède, a été retenu pour la mise en œuvre du projet.
La ville verte occupera 620 hectares en périphérie de la capitale Kigali, dans le secteur de Kinyinya, district de Gasabo. Elle bénéficiera de technologies propres. Elle sera alimentée, par exemple, par des énergies renouvelables, grâce à des installations de biogaz et solaires, et elle disposera d’un traitement durable des déchets valorisant le recyclage. La récupération, la réutilisation de l’eau, grâce à des réservoirs de stockage à l’échelle industrielle, réduiront les captages pendant la saison sèche et réduiront par ailleurs les eaux de ruissellement, amplifiées par la déforestation.
Des forêts urbaines seront également préservées et étendues. Et tandis que les habitants circuleront en véhicules électriques, de pistes pour vélos et motos, également électriques, seront aménagées. L’utilisation de téléphériques est également envisagée pour les transports en commun au pays des Milles Collines. Dans le même esprit, les matériaux utilisés pour la construction des habitations et des bâtiments d’activités seront principalement locaux, donc plus respectueux de l’environnement, en limitant les transports, et moins cher.
Parmi les lignes de force du projet « Wakanda », la cohabitation habitat-entreprise dans un écosystème écologique.
Créer un espace écologique de l’habitat à l’entreprise…
Pour l’instant, deux projets ont la priorité : Cactus Green Park, un ensemble immobilier de 410 logements sur 13 hectares, confié à la société britannique Horizon Group. Dans le même temps, des logements écologiques à prix abordables pour les populations à faibles revenus seront édifiés sur une superficie de 125 hectares, à l’initiative du Conseil de la sécurité sociale du Rwanda.
En théorie, la ville nouvelle 100 % écolo sera donc ouverte à tous les Rwandais, riches ou pauvres. « Des systèmes de crédits et de prêts innovants (location-achat, NDLR) permettront aux personnes à faibles revenus d’obtenir un financement leur permettant d’acheter des logements abordables. Certaines d’entre elles obtiendront également des logements sociaux parce qu’elles ne peuvent pas se les payer elles-mêmes », a confié Eudes Kayumba.
Mais dans l’esprit de ses promoteurs, il ne s’agit pas simplement de faire surgir de terre une vaste cité dortoir aux portes de Kigali. Dans une deuxième phase, des bâtiments commerciaux et des immeubles de bureaux seront construits dans le but « d’attirer des entreprises écologiques innovantes », précisent les porteurs du projet. « Le domaine comprendra également des mini-usines avec des technologies propres et des centres de production artisanaux intégrés », a précisé le chef d’équipe adjoint du projet pilote Green City. « Nous menons une étude pour estimer les emplois qui seront créés », a-t-il ajouté. Déjà, le gouvernement évalue entre 80 000 et 320 000 le nombre d’emplois verts qui seront créés dans le pays à partir de 2020 par l’industrie.
… dans le respect du plan directeur de Kigali…
Le projet Green City s’intègre dans le plan directeur de Kigali qui doit être lancé d’ici août prochain. Ce dernier définit la feuille de route du développement de la capitale rwandaise pour les 30 prochaines années. Là aussi, le plan directeur doit, mais pour l’ensemble de l’agglomération, contribuer à réduire la pénurie de logements à bas prix, faciliter l’accès à une maison pour tous comme à celui des équipements publics et augmenter les espaces verts.
« Le plan directeur n’autorisera pas de grands espaces de stationnement pour les voitures privées dans certains bâtiments qui seront construits à l’avenir. Au lieu de cela, les gens laisseront leur voiture sur des emplacements de stationnement désignés, avec la possibilité d’utiliser les transports en commun », a souligné Fred Mugisha, directeur de la planification urbaine de Kigali. Les autorités de la capitale cherchent ainsi à ce qu’au moins 70 % des déplacements dans Kigali s’effectuent en transports. Et que 10 % des citadins utilisent le vélo.
Ville propre et verte, Kigali franchit un palier supplémentaire. En 2015 déjà, elle s’affichait parmi les six villes africaines classées dans le top 100 des villes les plus résilientes au monde, établi par la Fondation Rockfeller. En 2016, et pour la troisième année consécutive, ONU Habitat hissait la capitale à la tête des villes les plus propres d’Afrique.
Jean-Michel Meyer, Journaliste