Un revers pour les adeptes du projet de loi portant sur l’expropriation foncière sans compensation en Afrique du Sud où la question foncière continue de cristalliser les tensions. Si le gouvernement a affiché son objectif de redistribution des terres à la population noire depuis quelques années, le bout du tunnel est encore loin pour une réforme profonde du système agraire.
La raison ? Le projet de loi de l’exécutif sur l’expropriation foncière sans compensation a été rejeté le mardi 7 décembre 2021 par le Parlement. Le texte qui prévoyait une modification de l’article 25 de la Constitution n’a recueilli que 204 avis favorables sur les deux tiers requis (267) et aucune abstention n’a été enregistrée.
Ce rejet constitue un revers surtout pour l’ANC (Ndlr : African National Congress, abrégé en ANC = Congrès national africain) et plus particulièrement pour le président Cyril Ramaphosa qui avait annoncé en 2017, cette réforme visant à « réparer les injustices foncières » subies par les Noirs durant la période de l’apartheid, a rappelé Espoir Olodo dans les colonnes de l’agenceecofin.com.
Depuis lors, la question a suscité de nombreuses controverses au sein de l’opinion publique. Alors que les fermiers blancs commerciaux redoutaient une dépossession de leurs terres, les investisseurs les plus pessimistes redoutaient un scénario similaire au cas du Zimbabwe qui serait catastrophique pour l’agriculture sud-africaine.
Le gouvernement qui avait multiplié les tentatives pour rassurer en indiquant qu’il y aurait la possibilité de recours devant les tribunaux n’aura donc pas réussi à convaincre l’opposition politique principalement représentée par l’Alliance démocratique (DA).
Pour Annelie Lotriet, membre du DA, « ce texte fait naître des incertitudes concernant les droits de propriété et aurait des effets nuisibles sur les investissements. Ce n’est pas ce dont le pays a besoin en cette période de marasme économique lié à la pandémie de coronavirus »
D’un autre côté, il a aussi échoué à rallier à sa cause le parti des Combattants pour la liberté économique (Economic Freedom Fighters – EFF). La troisième formation politique la plus importante de la nation arc-en-ciel qui soutient le principe de l’expropriation a aussi désapprouvé le texte jugeant pour sa part qu’il n’allait pas assez loin.
S’exprimant sur ce rejet, Julius Sello Malema, leader de l’ANC a laissé entendre : « nous avons rejeté ce projet de loi et nous exhortons la population à reprendre ses terres. Le processus parlementaire est un échec. L’ANC est complètement récupéré par le capital monopolistique blanc et ne fera rien pour retourner la terre à ses propriétaires légitimes ».
S’il a subi un revers, l’exécutif n’entend cependant pas abandonner cette réforme agraire dans un pays où 27 ans après la fin de l’apartheid, 72 % des terres agricoles sont encore détenues par la minorité blanche.
« Je suis triste parce que nous n’avons pas recueilli la majorité des voix. Mais ce n’est pas la fin du chemin pour nous. Nous allons utiliser tous les autres moyens légaux pour réaliser la réforme foncière. Déjà nous travaillons sur un autre projet de loi foncière et sur une autre proposition de redistribution des terres », a confié Ronald Lamola, ministre de la Justice. Idem pour l’ANC qui affirme que la lutte continue.
Moctar FICOU / VivAfrik