Une meilleure compétitivité de l’agribusiness passe par de meilleurs financements

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La conviction des experts est que le développement de la filière agricole est un enjeu majeur du continent africain. L’accompagnement des filières agricoles requièrent de multiples compétences qu’il faut fédérer autour de projets concrets, aux impacts mesurables. Mais, malgré un potentiel immense, les filières agricoles africaines peinent à être compétitives à l’international. La raison ? Leurs modes de financement qui entraînent des taux de crédits prohibitifs.

Le site d’information theafricaceoforum.com, relève que, comptant pour près d’un quart du Produit intérieur brut (PIB) des Etats d’Afrique de l’Ouest, l’agriculture est à la fois le secteur majeur et le parent pauvre des économies du continent noir. « Le secteur agricole est au cœur de l’économie des pays africains. Pourtant, mais il demeure peu rentable et peu rémunérateur pour les acteurs qui le composent, au premier rang desquels les paysans, en raison d’une faiblesse de la mécanisation, du manque d’irrigation (6% terres arables irriguées en Afrique contre 14% en Amérique du Sud, ou plus de 30% en Asie), et d’un secteur agro-alimentaire sous-développé », a déploré Agnès Braka-Calas, avocate conseillère au sein du cabinet parisien de Hughes Hubbard & Reed.  

« Les modes de financements sont encore trop traditionnels. Ils désavantagent les exportateurs locaux au profit des exportateurs internationaux en provoquant une inégalité en termes de moyens financiers et d’accès aux financements », sous un autre registre, indiqué l’avocate qui appelle à moderniser les financements au profit d’une période particulièrement favorable.

Un problème identifié par la Banque africaine de développement (BAD) qui rappelle par l’intermédiaire de son directeur des investissements alimentation, agriculture et forêt, Eren Kelecki, que cette question « fait partie des cinq piliers stratégiques établis par la banque pour développer l’agriculture africaine », ont ajouté nos confrères.

Or, estime Sena Agbayissah, avocat associé chez Hughes Hubbard & Reed, qui conseille notamment depuis près d’une vingtaine d’années les acteurs de la filière cotonnières du Mali, « la période n’a jamais semblé aussi favorable pour enfin moderniser cet écosystème ». « Il n’y a jamais eu autant d’argent dans le monde qu’actuellement. A l’international, les taux d’intérêts sont négatifs. Les banques européennes sont obligées de prêter leur argent. Pour les déposer à la Banque centrale européenne (BCE), elles doivent payer des taux d’intérêt. Pour elles, il y a une urgence à utiliser cet argent », a-t-elle confié à theafricaceoforum.com.  

Une aubaine qui ne va pas sans un coût d’opportunité mais qui doit bénéficier aux acteurs locaux sur le long terme. « Certes, le coût du crédit à l’entrée est élevé lorsque l’on fait appel à des financements internationaux. Mais sur la durée, il baisse. Les exportateurs africains ont tout à y gagner en bénéficiant de taux très bas comparés à ceux auxquels ils ont accès sur le marché local », a concédé M. Agbayissah.  

Les exportateurs africains, précise theafricaceoforum.com, ont donc deux sources de financement possibles : les banques internationales qui prêtent en devises sur la base de taux variables et les banques locales qui prêtent en franc CFA à taux fixe. Mais attention, bénéficier des taux internationaux ne va pas sans contrepartie. Car celles-ci sont moins flexibles et moins agiles en matière de délais de décaissement, en même temps qu’elles demandent davantage de garanties sur le produit financé mais aussi sur les contrats de vente conclus avec les acheteurs internationaux.

Directrice du financement structuré des matières premières au sein de la filiale internationale d’EcoBank, EBI SA, Julie Coulon ne cache pas les opportunités qui existent tout en rappelant quelques conditions si l’on veut les saisir. « Des financements internationaux à des taux plus compétitifs que ceux que l’on trouve en Afrique ne sont pas accessibles à toutes les entreprises africaines, tempère-t-elle. Parmi les critères principaux, il y a la taille de l’entreprise mais aussi le fait que celle-ci doit avoir des comptes audités et une expérience dans son secteur. Un des éléments clés, c’est d’avoir des ressources en devises. A partir de là, on peut entamer des démarches », a confié Mme Coulon à theafricaceoforum.com.

« Nous avons besoin d’avoir des produits compétitifs. Or la compétitivité passe par la baisse des coûts. Les frais financiers sont des éléments importants de nos coûts de revient. Notre intérêt est de parvenir à creuser encore davantage l’écart entre les taux proposés par les banques locales et ceux pratiqués l’étranger », a laissé entendre le directeur général de la Société pour le développement du Coton (SODECO) du Bénin, premier égreneur du continent, Serge Aderomou, appréciant les taux bas proposés par les banques internationales (environ 30% de ses financements) par rapport aux banques locales (taux à 6,5% contre un peu moins de 6% pour les étrangères).  

Selon lui, c’est toute la filière qui a à y gagner. « Améliorer notre compétitivité, c’est nous donner les moyens d’investir davantage d’argent dans l’accompagnement de nos agriculteurs afin de garantir durablement la production de coton ».

Mais les autorités publiques ont aussi leur rôle à jouer afin de permettre de regrouper les demandes et de faire bénéficier de meilleurs taux à un maximum d’acteurs. Ainsi, le Ghana Cocoa Board (aussi appelé COCOBOD) bénéficie d’un investissement structuré depuis 1992 et a obtenu lors de la dernière campagne un montant de près d’1,5 milliards de dollars à travers 24 banques internationales, quand la Compagnie malienne de développement du textile parvient à obtenir des financements syndiqués depuis une vingtaine d’années avec près de 2000 milliards de francs CFA mobilisés.

Moctar FICOU / VivAfrik

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