Date : 6 novembre 2021
Auteur : Arnaud Jouve
Source : rfi.fr
Depuis que nous savons que nous avons un problème de réchauffement climatique, le monde tente de développer une réponse planétaire. Pour ce faire, l’ensemble des pays signataires de la Convention Climat des Nations unies (CCNUCC) se réunit tous les ans lors de la conférence des parties, la COP. Une négociation internationale d’une extraordinaire complexité pour amener toutes les nations à développer une stratégie commune. Retour sur l’histoire des COP à l’heure où Glasgow accueille la COP26.
« Nous disposons encore de quelques années pour éviter les pires conséquences du changement climatique, mais l’action climatique doit pour cela devenir une réalité et une ambition de toutes et tous », prévient Laurence Tubiana, l’architecte de l’Accord de Paris et directrice générale de la Fondation européenne pour le climat.
L’émergence d’une prise de conscience environnementale
En 1972 à Stockholm, une première conférence des Nations unies adopte des principes pour une gestion écologique de notre environnement et place ses préoccupations au niveau international. La déclaration de Stockholm qui en ressort engage un dialogue entre pays en développement et pays industrialisés sur la notion d’universalité de ces questions écologiques quand on parle par exemple de l’air, de l’eau ou des océans. À l’issue de ce premier sommet est créé le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) autour d’un nouveau concept: le développement durable.
Mais vingt ans plus tard, le constat est encore plus alarmant. Les communications scientifiques se multiplient, documentent la détérioration de l’environnement et confirment que nos modèles de développement économique menacent de nombreux équilibres naturels. Pour y répondre, les Nations unies profitent de leur rassemblement décennal pour réunir tous les pays du monde en juin 1992 à Rio de Janeiro au Brésil : ce sera la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement surnommé « le Sommet de la Terre », qui sera considéré par beaucoup comme le véritable point de départ de l’action internationale sur les questions d’environnement.
La préoccupation climatique
Durant cette période, les recherches se multiplient dans de nombreux domaines et ceux qui travaillent sur le climat vont faire des découvertes surprenantes. La petite histoire raconte que pendant une expédition en Antarctique dans les années 1960, le chercheur français Claude Laurius, en observant des bulles qui se libèrent d’un glaçon qu’il a plongé dans son whisky, réalise que ces bulles d’air contiennent des informations sur le moment où elles ont été piégées par la glace. Lui vient alors l’idée d’aller chercher d’anciennes bulles d’air et de les analyser pour avoir des informations sur le passé. Des équipes de plusieurs pays s’intéressent à ces traces dans la glace et des forages sont réalisés dans la banquise pour prélever de plus en plus profondément des carottes de glace dans lesquelles se trouvent des bulles d’air piégées qui peuvent témoigner de l’air et du climat à différentes époques. Ces analyses sur des puits profonds en Antarctique vont permettre d’obtenir des informations sur plusieurs dizaines de milliers d’années et d’établir pour la première fois une véritable histoire du climat. L’analyse de ces données climatiques vont révéler, au-delà des variations habituelles, une augmentation croissante de la température à partir du début de l’ère industrielle.
Par ailleurs, les scientifiques observent une accumulation des gaz à effet de serre dans l’atmosphère et en 1979, un rapport de Jules Charney signale qu’un doublement de la concentration atmosphérique de dioxyde de carbone (CO2) entraînerait une hausse des températures comprise entre 1,5 et 4,5 °C. De nombreuses études vont confirmer le réchauffement climatique. Le climatologue Hervé le Treut dans Reporterre se souvient : « On savait déjà que ces chiffres étaient énormes, équivalents à une transition glaciaire-interglaciaire. À l’époque, on émettait moins de gaz à effet de serre qu’aujourd’hui et cet horizon semblait encore assez lointain. Mais il n’a cessé de se rapprocher depuis. »

Pour pouvoir faire une synthèse de l’ensemble des connaissances scientifiques sur le climat, afin d’aider les décideurs à trouver des parades, sous l’égide de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) et du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) est créé, en 1988, le Groupe d’expert sur l’évolution du climat (le Giec). Le Giec produira un premier rapport en 1990 qui confirmera la gravité du phénomène et nous en sommes aujourd’hui au 6ème rapport qui ne cesse de confirmer l’aggravation de ces données si nous n’agissons pas.
Un Sommet pour la Terre
À l’occasion du Sommet de la Terre de 1992, l’ONU va faire du réchauffement climatique une de ses préoccupations prioritaires mais les problèmes sont aussi nombreux dans de multiples domaines. Pour mieux protéger la planète, le Sommet de la Terre va faire adopter une déclaration qui fait progresser le concept des droits et des responsabilités des pays dans le domaine de l’environnement en énonçant des principes fondamentaux permettant un développement durable sur la Terre. La déclaration de Rio qui est adoptée n’est pas qu’une simple réaffirmation de la déclaration de Stockholm pour souligner la nécessité de protéger la planète : elle va être aussi un compromis entre pays industrialisés et pays en développement. Car les pays en développement vont demander que leurs préoccupations propres soient plus largement prises en compte et surtout qu’on reconnaisse que les pays industrialisés sont les principaux responsables des problèmes écologiques actuels. Les pays en développement soulignent leur droit souverain au développement et ils réclament de nouvelles ressources et techniques qui ne soient pas polluantes comme celles utilisées dans les pays développés.
Même si la Déclaration de Rio n’est pas juridiquement contraignante, comme la déclaration des Nations unies sur les droits de l’homme, on espère que les gouvernements se sentiront moralement obligés d’adhérer à ses principes. Cependant le Sommet donne naissance à trois conventions : la Convention-cadre des Nations unies sur la lutte contre la désertification (CLD), la Convention-cadre des Nations unies sur la diversité biologique (CDB) et la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).
La convention climat
La Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) ou en anglais : United Nations Framework Convention on Climate Change (UNFCCC), qui appelle les pays à agir en fonction de leur responsabilités et capacités pour stabiliser la concentration de GES dans l’atmosphère, est adoptée lors du Sommet de Rio en 1992 par 154 États, mais il faudra attendre 2004 pour qu’elle soit ratifiée par 189 pays. Pour ce faire, tous les pays signataires de la CCNUCC, que l’on appelle en langage onusien « les parties à la Convention », se réunissent tous les ans dans une conférence dite « des parties », une COP, pour vérifier la bonne application des objectifs de la convention.
« Unir le monde pour lutter contre le changement climatique » qui est un des slogans de la COP26, a été de tout temps la principale préoccupation de la Convention. Car la réponse isolée d’un pays ne peut pas suffire à résoudre le problème qui est planétaire : il faut une stratégie internationale avec la contribution de tous. Mais c’est là que ça se complique. Il faut que tout le monde soit d’accord sur les actions, sur le rôle spécifique de chacun et que chacun fasse sa part. Or, pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre (GES) il nous faut changer nos modèles de développement, sortir par exemple des énergies fossiles, repenser le monde autrement et amener l’ensemble des pays dans ce changement.
À l’époque du Sommet de la Terre à Rio, beaucoup pensaient que la question climatique allait se régler relativement vite et que cela nécessitait principalement une réponse technique. L’histoire montrera que cela va être beaucoup plus compliqué que prévu. Les enjeux politiques, économiques et autres, ne sont pas les mêmes pour tout le monde et la complexité des relations internationales va s’inviter dans les négociations. Car même si tous les pays du monde sont concernés par les conséquences du réchauffement climatique, tous ne sont pas impliqués de la même manière et doivent faire face à des problèmes différents. On le voit par exemple avec les puissances industrielles historiquement responsable des émissions de GES comme l’Europe et les États-Unis, ou la Chine, premier émetteur actuel de GES, qui estime être une puissance émergente qui n’accepte pas, pour l’instant, d’être restreinte dans son développement ; ou encore des pays en développement particulièrement vulnérables, qui n’ont pas contribué aux fortes émissions de GES, mais qui vont être particulièrement impactés par les effets du réchauffement.

Les premières COP
La première COP, qui a eu lieu en 1995 en Allemagne en présence des 196 pays signataires de la Convention a mis en place des objectifs quantifiés de réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’idée étant qu’il fallait déterminer ce que chaque pays émettait comme GES pour définir les efforts de diminution d’émission de chacun.
Mais pour arriver à avoir un effet significatif, pour ralentir la progression du réchauffement, à défaut dans l’immédiat de pouvoir mettre un terme au réchauffement, il faut arriver à un certain volume global de réduction de GES. Hélas, très vite on s’aperçoit que le compte n’y est pas, les efforts consentis par certains pays sont insuffisants. Les États-Unis qui sont à l’époque les plus gros émetteurs de GES déclarent par exemple « que le mode de vie américain n’est pas négociable » et qu’ils ne se contraindront pas comme demandé.
Face à ce constat, en 1997, lors de la COP3 qui se tient à Kyoto au Japon, d’autres pays industrialisés, historiquement responsables de cette dégradation climatique, se proposent de donner l’exemple pour inciter les autres pays du monde à les suivre. Cette démarche qui sera affinée lors de la COP4 de Buenos Aires en 1998, de la COP5 à Bonn en 1999 et de la COP6 de La Haye en 2000, donne naissance au Protocole de Kyoto qui entrera en vigueur seulement en février 2005 avec la signature de la Russie, très attendue. Certains pensent que la tragédie de Beslan (une prise d’otage dans une école qui fera 334 morts dont 186 enfants après intervention de l’armée russe) et le besoin de la Russie d’améliorer son image suite à ce drame, a contribué à l’engagement russe. L’objet de ce protocole consiste alors à réduire d’au moins 5% les émissions de GES par rapport au niveau de 1990 entre 2008 et 2012. L’ambition est très en dessous de ce qu’il faudrait au niveau planétaire, mais il faut démontrer que cela est possible pour amener tous les pays à rentrer dans le processus.
L’échec de Copenhague
Les COP vont se suivre années après années pour surmonter les divergences et affiner la stratégie, afin d’obtenir en 2009 à la COP15 de Copenhague un accord mondial. Un accord qui puisse enfin permettre de lutter contre le réchauffement climatique et qui prenne aussi en compte les problèmes d’adaptation et de financement que cela implique principalement pour les pays en développement.
Le monde entier se donne rendez-vous à Copenhague. Tous les principaux chefs d’États et de gouvernement ont fait le déplacement. La COP15, surnommée « la conférence de la dernière chance », doit être l’aboutissement de nombreuses années de négociation. On est en 2009 et il est urgent d’agir, le temps des hommes n’est pas celui de la nature et pendant ce temps la planète se réchauffe de plus en plus.
Malheureusement la COP15 ne débouche sur aucun engagement des États. Dans les dernières heures, pour sauver la conférence, quelques pays griffonneront un accord de façade qui ne sera pas suffisant. La mauvaise préparation, les tensions et les divergences internationales, comme entre les Américains et les Chinois et bien d’autres facteurs, vont transformer cette COP très attendue en un fantastique échec, anéantissant des années d’élaboration et laissant le monde sans stratégie de réponse.

L’Accord de Paris
S’en suivront quelques années d’errements où les COP vont tenter de sauver ce qu’elles peuvent pour surmonter le désastre de Copenhague. En 2011, la COP17 de Durban essaye de reprendre les négociations pour trouver un accord, redéfinit un agenda d’engagements pour le protocole de Kyoto allant au-delà de 2012, et crée « le groupe de travail sur la plateforme de Durban pour une action renforcée » pour préparer la COP21 de 2015 de Paris qui doit relancer le processus sur d’autres bases.
Pour trouver un accord international sur le climat qui contiendra le réchauffement climatique sous la barre des +2° Celsius d’ici la fin du XXIème siècle, la France va proposer une autre approche aux 196 pays signataires de la convention à l’occasion de la COP21 de Paris. Ce sera l’Accord de Paris. L’idée étant que c’est aux pays d’annoncer les efforts qu’ils sont prêts à consentir (NDC) tout en acceptant de revoir à certaines échéances leurs engagement pour atteindre collectivement les seuils fixés, l’accord prévoyant également des objectifs ambitieux en matière d’adaptation et de finances pour ceux qui subiront les impacts des changements climatiques.
De L’Accord de Paris à la COP26
L’Accord de Paris est une réussite : sa stratégie est acceptée et soulève un véritable espoir parmi ceux qui désespéraient de ne pas voir aboutir un accord mondial à l’issue de Copenhague. Encore faut-il en définir les règles et obtenir des engagements nationaux suffisants pour arriver aux objectifs climatiques fixés par l’Accord de Paris. C’est ce à quoi vont s’atteler les COP suivantes, car la somme des engagements est encore insuffisante et nous place encore dans une perspective de réchauffement beaucoup trop élevé. À cela se greffe un contexte international difficile.
La COP 25, présidée par le gouvernement chilien, mais qui se déroulera à Madrid en 2019, en a été l’illustration. La COP de Madrid avait pour objectif de relever les niveaux d’ambitions de l’Accord de Paris et se proposait de trouver un accord sur les règles de marché carbone internationaux, dernier volet de l’accord de Paris. Mais la COP25 sera finalement un échec et se conclura sur un accord à minima, dans un contexte international perturbé par certains pays comme l’Australie, le Brésil, les États-Unis et l’Inde qui ont tenté d’empêcher toute avancée dans les négociations climat.
Aujourd’hui, la COP26 qui se tient actuellement à Glasgow au Royaume-Uni, du 1er au 12 novembre 2021, sous la présidence britannique et en partenariat avec l’Italie, doit relever le défi pour ramener tout le monde dans les objectifs de l’Accord de Paris. C’est à ce jour la seule stratégie existante pour lutter contre le réchauffement climatique et le résultat de l’une des plus complexes négociations internationales engagée il y a maintenant 29 ans.