Alors que se tenait à Marseille, en France du 3 au 11 septembre 2021 le Congrès mondiale de la nature de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) afin d’agir contre la dégradation des écosystèmes, le Parc national des calanques, un joyau méditerranéen est encore trop souvent détérioré par un déversement de déchets. L’établissement public crée en 2012, est un site protégé qui s’étend sur 8 300 hectares de terre et 43 000 hectares en mer.
Le Parc national des calanques une vaste étendue de bleu, nichée au cœur d’un massif monumental où chantent les cigales. Des îles du Frioul à la Ciotat, ce joyau de Marseille, merveille de la Méditerranée, offre aux visiteurs des coins paradisiaques où plages et criques donnent à voir des eaux cristallines.
Pourtant, ces belles creusées dans la roche calcaire, aux profils très découpés, tentent difficilement, parfois, de garder leur fière allure. Car depuis plusieurs années, des déchets jonchent trop souvent ce site, territoire renommé pour la beauté de ses paysages, ses espaces naturels et la richesse de sa biodiversité reconnue comme exceptionnelle par la communauté scientifique internationale. Aussi, un réseau d’associations coordonnées par le Parc national des calanques s’est engagé dans la croisade du zéro déchet.
32 tonnes de déchets ont déjà été ramassées depuis 2017, s’est souvenu Éric Akopian, président de l’association « Clean my Calanques ». L’association regroupe 200 bénévoles qui nettoient et ramassent, tout au long de l’année, un nombre incalculable de mégots, de sacs en plastique et autres contenant, parfois même des seringues : « Au 1er août (2021), une tonne et demie de déchets a été prélevée en deux heures de temps dans une calanque et 800 kg ont été retirés sur la plage des Catalans. Cependant les ordures abandonnées sur les criques ne sont pas uniquement la responsabilité de touristes inconvenants », a-t-il regretté. « L’hiver, les déchets sont aussi présents », assure M. Akopian.
Pour sa part, Francis Talin, responsable du pôle éducation culture et développement social au Parc national des calanques, a organisé tout un programme d’évènements de lutte pour la préservation du site. Il a précisé à cet effet que 70 % des visiteurs des calanques sont des habitants de la métropole. Pour lui, la question de l’entretien est bien plus complexe : « ceux qui prennent le parc pour une poubelle sont ces mêmes individus qui n’hésitent pas à jeter leurs déchets par la fenêtre de leur voiture. » Si près de 25 agents inspecteurs de l’environnement sont employés par le Parc national des calanques, ils ont un rôle de policier et s’attachent à faire respecter le règlement.
Une sensibilisation permanente
Selon Radio France internationale (RFI), l’augmentation de la fréquentation du site a triplé, passant de 1 million à 3 millions par an en quatre ans. Robert, moniteur de plongée marseillais, a grandi à Sormiou, l’une des calanques du parc. Cette année, le plongeur a constaté des effectifs allant jusqu’à 2 000 personnes par jour sur« sa »calanque alors que la jauge estimée est de 250 personnes pour une crique de 120 mètres de long sur 3 mètres de large. Des habitants sont convaincus que la publicité faite autour du Parc national des calanques, depuis sa création en 2012, ne fasse qu’aggraver l’augmentation de la fréquentation et des déchets.
Un faux problème, selon Francis Talin, qui estime que même s’il y a un « effet parc », la problématique du déchet n’est pas à mettre en corrélation avec l’augmentation de fréquentation : « les calanques ont toujours eu une aura importante et cela depuis les années 1920, dit-il. Mais pour moi, la hausse des fréquentations est significative depuis le milieu des années 1990, avec l’arrivée du TGV, puis en 2013, avec Marseille capitale de la culture, l’ouverture du Mucem, les séries télévisées. Le tout ajouté à une très forte urbanisation du littoral français. »
L’espace protégé des calanques serait devenu un espace naturel résiduel dans une urbanisation massive. En quarante ans, Marseille a en effet doublé sa surface d’urbanisation. Et si les déchets envahissent la terre, ils envahissent aussi la mer.
Canyons sous-marins, trésor des abysses
Depuis sa création, le Parc national des calanques a imposé certaines règles, comme les zones de non pêche. Un point positif pour la faune marine qui voit une augmentation de la diversité de ses espèces. En revanche, s’il est interdit de pêcher à certains endroits, des plaisanciers jettent l’ancre n’importe où, mettant à mal la Posidonie, une plante essentielle à notre survie puisqu’elle absorbe du CO2 et rejette beaucoup d’oxygène. Un végétal qui met 100 ans pour pousser.
« C’est le mistral et les grands canyons qui nous sauvent encore, lance Robert le moniteur de plongée. Mais pour combien de temps ? » Car, précise RFI, sous les calanques en effet, des canyons forment des échancrures profondes qui descendent jusqu’aux abysses, à plus de 1 500 mètres de profondeur, permettant à la matière organique et à l’oxygène de circuler entre la surface de la mer et le fond. Et par temps de mistral, les vents forts apportent aussi un brassage entre les eaux qui nettoie la mer.
Pour l’heure, dans les abysses de ces calanques, l’Europe a dénombré 14 habitats d’intérêt communautaire, c’est-à-dire considérés comme rares et fragiles. Une vie abondante qui profite à de nombreux poissons. Pour preuve, un rorqual commun, le deuxième plus grand animal vivant de la planète après la baleine bleue, a été aperçu au large pendant le confinement. Pour les défenseurs de la nature, seule une sensibilisation permanente auprès des populations saura prévenir les phénomènes de désastres écologiques.
Moctar FICOU / VivAfrik