Les impacts du changement climatique sont déjà dévastateurs et « le pire est à venir », a prédit un projet de rapport des experts climat de l’Organisation des Nations unies (ONU) obtenu par l’AFP.
Voici les principales conclusions du texte qui compte 4000 pages, une des compilations scientifiques les plus importantes sur les conséquences du réchauffement sur la nature et l’humanité, qui doit être adoptée début 2022.
Bien-être dégradé
Près de 2,5 milliards de personnes supplémentaires seront affectées d’ici à 2050 par des risques climatiques, des vagues de chaleur aux inondations, en passant par l’impact sur l’agriculture.
Concernant l’alimentation, entre 2015 et 2019, environ 166 millions de personnes, principalement en Afrique et en Amérique centrale, ont déjà eu besoin d’une assistance alimentaire liée à des désastres climatiques. Entre 8 et 80 millions de personnes supplémentaires seront confrontées à la faim d’ici à 2050. La production des principales cultures a déjà baissé de 4 à 10% ces dix dernières années et les récoltes d’espèces très consommatrices d’eau comme le maïs pourraient décliner d’un cinquième à un tiers d’ici le milieu du siècle.
La pêche sera touchée, avec des captures potentielles en baisse de 40 à 70% dans les zones tropicales d’Afrique.
En matière de santé, si la température augmente de +1,5°C à +2°C, 1,7 milliard de personnes supplémentaires seront également exposées à de fortes chaleurs, 420 millions à des chaleurs extrêmes et 65 millions à des canicules exceptionnelles tous les cinq ans.
Autre risque sanitaire : le déplacement des moustiques vecteurs de maladies vers des zones jusque-là épargnées pourrait menacer la moitié d’humanité d’ici à 2050. Et dans un scénario de fortes émissions, 2,25 milliards de personnes supplémentaires seraient à risque de contracter la dengue en Asie, en Europe et en Afrique.
Les impacts du réchauffement vont également forcer de nombreuses familles à abandonner leur foyer. Les inondations déplaceront par exemple en moyenne 2,7 millions de personnes en Afrique. D’ici à 2050, entre 31 et 143 millions d’habitants (selon les niveaux d’émissions) d’Afrique sub-saharienne, d’Asie du Sud et d’Amérique Latine seront déplacés à l’intérieur de leur pays en raison des pénuries d’eau, de pression sur l’agriculture et de la hausse du niveau des mers.
Nature en perdition
De nombreux écosystèmes terrestres, marins, côtiers, ou encore d’eau douce sont déjà « proches ou au-delà » des limites leur permettant de s’adapter. Les forêts, tropicales ou boréales, sont particulièrement concernées, avec l’augmentation des températures, de l’aridité, et des incendies. Dans un scénario pessimiste, l’Amazonie pourrait même atteindre un point de non-retour et en partie se transformer en savane, privant le monde d’un puits de carbone indispensable pour freiner le réchauffement.
Le permafrost, sol gelé qui renferme des volumes immenses de méthane, gaz à effet de serre plus puissant que le CO2, pourrait commencer à disparaître. A +2°C déjà, 15 % de ce sol pourrait dégeler, relâchant ce gaz et aggravant le réchauffement.
L’extinction des espèces animales et végétales — pas seulement liée au réchauffement — serait 1000 fois plus rapide qu’au milieu du XIXe siècle.
Avec un réchauffement entre +2 et +3°C, jusqu’à 54 % des espèces terrestres et marines pourraient être menacées de disparition d’ici la fin du siècle. Même à +2°C, la faune polaire (pingouins, phoques, ours) sera menacée. Et à simplement 1,5°C, 70 à 90 % des récifs coralliens sont en danger.
Les événements climatiques extrêmes réduisent la croissance économique, à court terme, après une catastrophe, et jusqu’à dix ans après, surtout dans les pays pauvres. Même avec des mesures d’adaptation (digues, drainage…), les coûts liés aux inondations pourraient d’ici 2050 être multipliés par dix, à 60 milliards de dollars par an, dans les 136 plus grandes villes côtières.
Si la planète gagnait +4°C, scénario catastrophe, le PIB mondial pourrait être inférieur de 10 à 23% par rapport à un monde sans réchauffement. Les infrastructures industrielles sont menacées: les ports sont en première ligne face à la hausse du niveau de la mer, mais aussi les centrales nucléaires dont 40 % sont installées près des côtes.
Le tourisme en paiera aussi le prix, avec l’érosion des plages, ou la baisse de l’enneigement.
Les efforts d’adaptation nécessiteront des sommes colossales. En Afrique, ces coûts d’adaptation pourraient augmenter de dizaines de milliards par an au-delà de +2°C. Comme pour les hommes et la nature, «chaque fraction de degré compte». Limiter le réchauffement à +1,5°C plutôt qu’à 2°C permettrait d’accroitre de 5% le PIB par habitant dans la plupart des pays d’Afrique d’ici 2050, et jusqu’à 20% d’ici à 2100.
Seule une «approche transformationnelle» de nos modes de vie et de consommation pourrait enrayer le moteur du changement climatique, alimenté par la «surconsommation et l’exploitation abusive des ressources naturelles», conclut le projet de rapport.
Avec AFP