La forêt marécageuse « Hlanzoun » est l’une des dernières forêts marécageuses du Sud du Bénin. Ce poumon vert dispose d’une flore et d’une faune riche et unique ; une riche biodiversité encore largement inconnue. Mais, dans cette partie du pays ouest-africain, l’une des dernières forêts marécageuses d’eau douce est menacée. Abritant une flore et une faune incontournable, c’est l’une des seules de ce type dans le pays. Accessible uniquement par canoë, la forêt abrite de nombreuses espèces remarquables.
« Là, on entend le cri du calao longibande », explique Vincent Romera, photographe et écologiste spécialisé en ornithologie. « Donc le calao, ce sont des oiseaux de grandes tailles avec un grand bec, un peu comme les toucans d’Amérique. C’est un peu le cousin africain du toucan ».
Dans cette forêt de 3 000 hectares qui se dit Zoun en langue locale fon, et portant le nom de la rivière Hlan qui la traverse – plus de 241 espèces végétales et 160 animales ont été dénombrées. En s’armant de patience, les visiteurs peuvent espérer y croiser les rares singes à ventre rouge, la mangouste des marais ou même le sitatunga, une petite antilope vivant en milieu aquatique.
« On retrouve encore des espèces guinéo-congolaises », détaille Abdou-Chérif Ikoukomon, responsable du programme environnement à ECODEC Bénin. « Des espèces du genre Damanis, Alya, Noclea, Carapa Procera et plusieurs autres espèces qui sont strictement endémiques à la zone guinéo-congolaise dont le Bénin ne fait pas partie, et on retrouve des espèces de ce genre ici. Donc elle mérite réellement d’être conservée, d’être préservée ».
Cet écosystème fournit à plusieurs familles la majorité de leurs revenus, alors « sans action concertée et bien réfléchie, l’écosystème finira par disparaître », explique l’agroéconomiste Judicaël Alladatin, qui a travaillé pendant plusieurs années sur un projet d’offre touristique impliquant cette forêt unique. « Nous sommes dans un milieu défavorisé et on ne peut pas en vouloir à la population d’essayer de se nourrir. Il faut créer des conditions pour des alternatives », estime-t-il.
En dépit d’une croissance économique stable depuis plusieurs années, la pauvreté reste répandue au Bénin, particulièrement en milieu rural, où près de 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale. Les habitants aux abords de la forêt ne sont pas épargnés, et vivent en partie grâce à elle. Des militants alertes sur sa potentielle disparition.
Plus récemment, « les villageois se sont mis à assécher la forêt pour disposer de davantage de terres à cultiver pour se nourrir », s’inquiète également Joséa Dossou Bodjrènou, directeur de l’ONG Nature tropicale, qui travaille à la préservation de la forêt.
Pour Joséa Dossou Bodjènou, œuvrant pour la préservation de la forêt, la situation est compliquée. « Ce que vous voyez au bord de la route quand vous allez à Zogbodomé, c’est que les gens amènent des varans, des céphalophes, et autres. Ils les tuent où ? Si ce n’est pas dans les plantations, ce serait dans cette forêt ».
Mais les écologistes tirent la sonnette d’alarme. La biodiversité unique de cette forêt est menacée par le braconnage, l’agriculture et l’exploitation humaine, toujours plus importante.
Les autorités ont cependant commencé à reconnaître l’importance de préserver les forêts, notamment avec l’adoption d’une nouvelle politique forestière et d’un nouveau système de taxes, selon un rapport de la Banque mondiale. Mais à Hlanzoun, « il faut agir vite », prévient M. Bodjrènou, qui appelle l’Etat à « appuyer les communautés pour qu’elles continuent à tirer profit de la forêt », mais de « manière différente ».
« L’État doit rechercher les moyens pour pouvoir appuyer ces communautés pour que les communautés continuent à tirer profit de différentes manières », continue le directeur de l’ONG Nature Tropicale. « Si on les appuie pour faire l’agriculture, le maraîchage, le petit commerce… Si on les appuie surtout pour faire du tourisme dans cette forêt, si on les appuie pour aménager des espaces pour produire des essences à utiliser comme bois de chauffe, ces communautés vont préserver ces forêts ».
La mobilisation de plusieurs ONG et les multiples travaux scientifiques dont la forêt a fait l’objet depuis les années 2000 « n’ont pas permis d’obtenir une reconnaissance officielle de l’Etat », déplore-t-il.
L’exploitation forestière reste la menace principale de ce poumon vert. Entre 2005 et 2015, la couverture forestière du Bénin a été réduite de plus de 20 % selon la Banque Mondiale et le taux de déforestation reste élevé, à 2,2 % par an.
Le gouvernement ne reconnaît pas officiellement la richesse de cette forêt, malgré les efforts d’associations et de scientifiques depuis une dizaine d’années. Selon la Banque Mondiale, il a commencé à s’intéresser à la sauvegarde des forêts en général, avec une politique forestière récemment mise à jour.
Moctar FICOU / VivAfrik